Le 10 janvier dernier, le Séminaire St Joseph de Missérété dans le diocèse de Porto-Novo célébrait le 25e anniversaire de sa fondation en réunissant un colloque particulièrement significatif sur le thème : « Formation au sacerdoce en contexte d’inter culturalité pour une nouvelle évangélisation »
Le Séminaire de Missérété est un centre de discernement, de formation humaine et d’approfondissement spirituel avant l’engagement libre sur le chemin du sacerdoce. Il est un séminaire propédeutique dont le premier Recteur fut Mgr Barthélémy Adoukonou, aujourd’hui, en service à Rome dans l’importante fonction de Secrétaire de la Commission Pontificale pour la culture.
Ce même 10 janvier rappelle, dans l’Eglise du Benin, le jour de naissance de Mgr François Steinmetz, longtemps Vicaire apostolique du Dahomey avec siège à Ouidah où il entretint des rapports très cordiaux avec les hauts responsables des religions traditionnelles. C’est à lui que revient le mérite d’avoir créé le Séminaire devenu Séminaire St Gall, aujourd’hui centenaire ! Son confrère Francis Aupiais est resté dans toutes les mémoires pour avoir introduit à Porto-Novo la grande joie de l’Epiphanie, révélation à tous les univers de l’apparition du signe et de la réalité du salut. « Beaucoup viendront de l’Orient … »
Alors, ce 10 janvier 2014 date à laquelle, à l’invitation très appropriée du Père Jacob Affognon, Mgr Jean-Benoit Gnambodè, Administrateur apostolique, ouvre le colloque international de Missérété en nous appelant à « immoler nos volontés » pour découvrir « à travers les signes des temps la présence active du Tout-puissant », nous avons eu la chance d’être conviés par le Nonce Apostolique, Mgr Brian Udaigwe, à nous élever à « l’audace prophétique » …
La date du 10 janvier précisément la suggère puisque très officiellement chez nous depuis Nicéphore Soglo c’est le jour de la fête des religions traditionnelles que les médias de tous bords au Bénin et surtout en Europe et aux Amériques ont proclamé la fête du Vaudoun. Rien de plus sommaire !
Le temps est venu de dire le juste et le vrai et de rétablir le sens et la dignité d’un geste prophétique.
La décision du gouvernement n’est pas de célébrer la fête du Vaudoun mais de donner aux religions traditionnelles ou endogènes un caractère de reconnaissance officielle qui manquait et qui désormais permet d’élargir l’espace d’adoration du Dieu vrai, unique et tout-puissant. C’est « MAHOU », reconnu « Absolu suprême et commun » en toutes langues de notre univers national.
Le 10 janvier, c’est donc, au Bénin, fête du Dieu unique, créateur de la vie et de toutes choses, célébré glorieusement par les religions traditionnelles répandues à travers le pays, y compris celles se référant à une force spécifique appelée « Vaudoun » avec ses particularités de culte et de comportement social.
Il y a ici, malgré nos fortes différences, une chance et une grâce que nous devrions savoir discerner et magnifier.
Dans cette perspective, on trouverait peut-être très approprié d’intégrer et d’élargir notre espérance dans « la foi d’Abraham, père des croyants » ! Il serait peut-être aussi pertinent et judicieux de saisir l’occasion de ce 10 janvier pour accueillir les adultes appelés au baptême, eux qui auront aperçu « une grande lumière » et auront su marcher vers elle. Ainsi se dégagerait un espace largement ouvert à la nouvelle évangélisation et que Mgr Adoukonou au colloque de Missérété, a dépeint avec une sincère audace.
Les prêtres répondant aux exigences culturelles de cet apostolat « requièrent une formation particulière » toujours en construction. Madame Marguerite Lena, professeur de philosophie, qui depuis plus de quarante ans participe à l’effort de formation des prêtres dans le diocèse de Paris, a superbement renforcé ce désir d’approfondissement des voies de la qualité du don de soi au service d’un Jésus- Christ qui ne se laisse appréhender que dans la nudité du sanctuaire de la conscience personnelle.
Cette conscience que réveillent les chemins de l’Epiphanie a déjà secoué l’histoire de l’humanité dans des mondes où les hommes n’ont pas su discerner le doigt de Dieu comme me le suggère cet ami prêtre jésuite que la Providence a généreusement mis sur ma route. Denis Maugenest, informé de la réflexion que voici , me rappelle en effet que bien des tragédies eussent pu être évitées si pendant la Révolution française, on avait mieux cerné les révélations cachées dans le clair obscur des mots et des symboles et il rappelle la déclaration des droits de l’homme datant de cette époque :
« Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d’exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs…En conséquence, l’Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Etre Suprême, les droits suivants de l’homme et du citoyen :
1. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune… » …
A cette charte des révolutionnaires, fort malheureusement, on voulut, me dit mon ami jésuite, opposer – jusqu’au Concile Vatican II… - les droits de Dieu ! « Comme si cette opposition était la vérité à proclamer, au lieu de celle de l’alliance entre Dieu et l’Homme, celui-ci fait à l’image de celui-là, ‘Fils de Dieu’, ‘Dieu fait Homme’… C’est tout le mystère de l’Incarnation qui s’en trouvait remis en cause, au profit de tous les systèmes sociaux possibles d’inégalité, de domination et d’esclavage entre les humains, » avec les conséquences que l’on sait !
Nous sommes donc appelés d’’urgence à promouvoir « la conscience en action » pour éviter les tragédies d’hier et prévenir celles qui menacent, par un dialogue interreligieux intelligent et sincère. L’actualité le commande. Notre foi l’inspire et l’encourage.
« L’être suprême des révolutionnaires de 1789 », le Jéhovah ou Yahvé de qui Moise reçoit les tables de la Loi, Allah le Miséricordieux aux 99 noms en terre d’Islam, le Mahou de mes ancêtres toris, aucune de ces appellations ne me distrait du précieux don de la foi exprimée dans ce credo désormais universel que jamais ni Luther ni Calvin n’ont pensé renier ou altérer : « Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant, créateur… de l’univers visible et invisible… » Qui aime tous les hommes et ne veut en perdre aucun.
Alors, le10 janvier, au Benin, nous vivons la chance d’une réalité prophétique à sublimer : « Beaucoup viendront d’Orient et d’Occident et prendront place avec Abraham, Isaac et Jacob… » Et… avec Jésus ressuscité ! La foule innombrable des « chrétiens de culture « ou « d’esprit », des « chretiens sans frontières » ou « en attente », adorateurs dispersés que l’on ne peut compter, ceux de l’Apocalypse comme ceux d’au delà des fleuves de l’Ethiopie, cette foule bigarrée se bouscule confusément pour apporter son offrande. Comment l’accueillir ? Telle apparait à nos yeux la boussole de la mission qui s’annonce et qu’entrevoyaient déjà des précurseurs comme Robert Sastre, Isidore de Souza ou Lucien Agboka.
Jean-Paul II et Benoit XVI au cours de leurs visites pastorales au Bénin ont confirmé et conforté notre espérance.
Mettons-la donc en marche, la nouvelle évangélisation ! Clairement en vue, la moisson est immense…