Les responsables des centrales et confédérations syndicales ont été reçus vendredi dernier par le Haut commissaire à la gouvernance concertée. Et pour faire le point de ces échanges, le Secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs du Bénin, Paul Essè Iko s’est prêté à nos questions.
Le vendredi dernier, vous avez rencontré le Haut commissaire à la gouvernance concertée. Qu’est-ce qu’il faut retenir de ces échanges ?
Nous sommes allés voir M. Moïse Mensah qui a demandé à nous rencontrer pour comprendre les motifs de la grève et comment trouver une issue à cela. Nous lui avons parlé franchement. Il est un citoyen, il a suivi la répression sanglante et farouche des policiers, des gendarmes et des militaires qui étaient dépêchés le 27 décembre dernier à la bourse du travail. En tant que citoyen, après les différentes luttes que nous avons menées sous Kérékou pour obtenir au moins le droit d’aller et de venir, le droit de grève, le droit d’association, où des gens ont pu dire au moins à leur conférence nationale plus jamais ça, il devait s’émouvoir. Il devait être le premier à dire que c’est inconcevable au jour d’aujourd’hui après Kérékou, que quelqu’un comme Yayi Boni arrive et que son régime fasse un tel carnage. C’est une barbarie d’un autre âge. Et puis, Moïse Mensah a pris les revendications qu’il a égrenées et il a fait quelques commentaires. A la fin, je lui ai posé la question de savoir quelle sera l’issue, parce que la solution n’est pas à son niveau. Mais, j’ai déploré le fait que jusque-là, le Président Yayi Boni ne nous écoute pas, nous les confédérations. Il a fermé ses oreilles. Et les cinq ministres qui nous avaient rencontrés avaient dit qu’ils iront lui rendre compte et nous attendions les résultats. Jusque-là, nous n’avons rien entendu. Et ce que nous voyons, c’est les émissaires du Président de la République qui sont plus belliqueux qu’hier, qui sont plus hargneux qu’hier, qui menacent aujourd’hui plus qu’hier. Il suffit de prendre tout simplement les interventions nerveuses à la limite méchantes et provocatrices de François Abiola qui est un ministre d’Etat. On ne peut envisager aucune issue favorable aux travailleurs et au peuple, mais surtout favorable à l’application des textes que nous nous sommes donnés. On prend le cas par exemple de la loi votée par l’Assemblée nationale qui, en son article 25, dit que tant qu’il s’agit des revendications ayant trait aux libertés, qu’il n’y a pas défalcation. Tant qu’il s’agit des droits acquis signés d’accord partie ou des droits acquis internationaux, ou des droits acquis consacrés par les juridictions, qu’on ne peut pas défalquer. Mais on nous nargue, on dit qu’on va défalquer et on a défalqué effectivement. Ça veut dire que Yayi Boni et son gouvernement sont au dessus de l’Assemblée nationale. Ils sont au dessus de la loi. Or la loi sur la grève, c’est le fruit de plusieurs années de luttes de 1969 au moins à 2002. Nous nous sommes battus contre l’ordonnance 69-14 d’Emile Derlin Zinsou. Cette ordonnance empêche toutes formes de combat par la grève. Et lorsque des années durant, nous avons fait ce combat, et qu’après que le régime autocratique de Kérékou est tombé, les gens à l’Assemblée nationale, tenant compte des résolutions qui ont été prises dans notre pays, ont dit en leur âme et conscience qu’on ne défalque pas, si les revendications, c’est les libertés et les droits acquis ; ça veut dire que c’est ce que nous avons pu obtenir après plusieurs années de combat, et puis le décret qui était sorti était signé de Mathieu Kérékou, Ousmane Batoko et le ministre d’Etat Amoussou Bruno et j’en passe.
Êtes-vous prêts à aller à la négociation ?
Nous sommes prêts à négocier. Mais, on ne peut pas négocier si le gouvernement ne nous appelle pas. Nous avons toujours dit qu’il y a des choses non négociables à savoir le départ d’Azandé Placide et le départ de Pierre Coovi Agossadou. Ça, ce n’est pas à négocier, parce que ça viole la Constitution et de manière flagrante.
Il paraît que vous avez refusé l’appel du Président de la République ?
C’est faux, le Président de la République nous a convoqués de façon légère, de façon manu militari et le ministre de la fonction publique lui aussi devait savoir que nous avons rendez-vous avec le haut commissaire à la gouvernance concertée. On est allé, le temps n’a pas suffi et on avait d’autres rendez-vous. Lorsqu’on considère les confédérations, il faut remettre les choses en place. Pour négocier avec les gens, on s’entend. On fait des protocoles pour s’entendre, chacun sur le temps pour que nous aussi, on ait la possibilité de discuter avec nos staffs et qu’on sache ce qu’il faut leur dire.