Ce samedi 1er février 2014 à Kérou, on se croirait un jour du marché. Mais non c’est une manifestation de soutien des 2KP (Kouandé, Kérou et Pehunco) au président Yayi Boni. Comme de coutume, les transporteurs de tous genres ont été mobilisés très tôt pour aller dans les campagnes amener les pauvres paysans et paysannes. Mêmes les tractoristes ont été réquisitionnés pour la bonne cause de la défense du président menacé.
Aux environs de douze heures, la cour de l’école centre était devenue noire de monde mais cette fois les gens étaient moins nombreux que de coutume. Faut-il le souligner, Kérou est habitué aux visites du président Yayi Boni donc à ce genre de retrouvailles. Mais cette fois-ci, ce ne fut pas la grande foule. On pouvait noter une absence remarquable de la jeunesse des 2KP.
La foule était majoritairement composée de femmes et d’enfants au milieu desquels se distinguaient les députés des 2KP, les maires des 2KP et la ministre du Commerce, joliment habillée. L’invité d’honneur fut, le député Rachidi Gbamassi de Parakou. Un soleil de plomb était au rendez-vous, comme pour ne pas rater l’événement du jour ! Malgré la présence des bâches, le podium se trouvait en plein soleil au milieu du cercle forçant les intervenants à tourner le dos à une partie de la foule. Cela se comprend étant donné que le lieu a été aménagé le jour même à l’aube.
De loin, on penserait à une séance de remise de diplôme à laquelle cette école est habituée. Ce n’est qu’une fausse impression. Il suffit de s’approcher de la foule pour lire sur les rares banderoles : « Avec la fin du mandat de Yayi Boni, c’est la fin du coton » ; « Yayi Boni jusqu’en 2016 ou ça casse », « les populations des 2KP se mobilisent pour la révision de la Constitution » etc. Bienvenue donc à la manifestation de soutien au Président Yayi Boni.
Les vraies aspirations des populations sont ailleurs !
Vu le décor, on est en droit de se demander si cette motion de soutien est endogène ou exogène. Est-ce vraiment les pauvres populations des 2KP qui ont décidé spontanément de venir soutenir le président ?Tout porte à croire qu’elles sont plutôt venues assister à un lamentable spectacle dont les principaux acteurs sont les députés présents, les maires des 2KP, le ministre du Commerce et le metteur en scène n’est autre que le président Yayi Boni. Les rôles sont mal maîtrisés et chacun d’eux y est allé de son talent.
Tous imitent le président metteur en scène en demandant aux populations de reprendre les slogans ou d’applaudir. Mais toutes analyses faites,on découvre que ces populations attendent autre chose et ne comprennent pas forcément ce qui se passe.
De fait, elles sont venues dans l’espoir de trouver des réponses à leurs questions fondamentales et existentielles à savoir : à quand le bitumage des axes routiers Banikoara-Kérou-Pehunco-Kouandé-Natitingou ? A quand l’achat du coton ? A quand la fin de l’exploitation anarchique du bois ; et pour les populations de Kérou à quand la fin de l’insalubrité ? La principale préoccupation des populations est de voir comment sortir de la pauvreté galopante. Cette manifestation de soutien répond-elle à ces préoccupations existentielles auxquelles sont confrontées ces paisibles populations ?
En outre, le contenu des interventions est de nature à attiser la haine contre un ennemi invisible appelé fossoyeur de l’économie. Qui se cache derrière ce prénom ? Nous avons voulu le savoir en demandant à un voisin paysan que nous connaissons très bien. Nous lui avons demandé : c’est qui le fossoyeur de l’économie de la Nation ? Etonné et amusé, il nous regarda et répondit : « tu ne le connais pas ? » Et sans attendre notre réponse il poursuivit : c’est Tonon ! Tonon !Tonon ! Il a de l’argent ! C’est le patron des AIC, ça, c’est un homme ! Si lui était là, il aurait déjà acheté le coton. »
Pendant ce temps, la ministre du Commerce martèle : « le chef de l’Etat, le Docteur Yayi Boni, élu par Dieu, veut barrer la route aux fossoyeurs de l’économie nationale. C’est pour cela qu’il veut réviser la Constitution et il demande votre soutien ; êtes-vous prêts à le soutenir ? Il y eut une réponse timide, car la plupart ne parle pas Français. C’est un véritable amalgame indigeste. Et pourquoi tout cela ?
Talon malheureusement sur toutes les lèvres
Toutes les dictatures du monde, pour asseoir leur pouvoir, ont toujours eu besoin de boucs émissaires. On dirait que notre beau pays, le Bénin, n’échappe pas à la règle. En effet, le président Yayi Boni avec ses zélateurs sont toujours à la recherche désespérée d’un bouc émissaire pour distraire et endormir le peuple béninois. Qu’il s’appelle aujourd’hui Talon ou Ajavon, c’est un hasard.
Il est de l’essence même du déploiement d’une dictature que d’assoupir son peuple pour mieux l’exploiter. Cette foule qu’on galvanise et manipule fait pitié. Elle est à 99% analphabète et incapable de porter un jugement critique par rapport à ce qu’on lui sert. C’est une foule affamée qui a besoin de nourriture et donc en proie à toute manipulation. C’est une cible toute désignée pour soutenir le président victime de complot de tout genre.
A vrai, en jetant un regard attentif sur cette foule, on peut se demander qui des deux a besoin de motion de soutien : le président Yayi Boni qui mange à sa faim chaque jour et qui voyage en hélicoptère ou ces pauvres paysans qui vivent en dessous du seuil de la pauvreté et que les tracteurs de la Commune sont allés chercher pour grossir les rangs des manifestants ? A vous de juger et voir combien l’argument « Talon » est un simple prétexte, donc un véritable opium !
Il est, on ne peut plus regrettable d’utiliser l’argument« Talon » pour endormir le peuple surtout en ces heures si difficiles. Les populations des 2KP ont plus besoin d’actes que de discours fleuves qu’elles ne comprennent absolument pas ! Elles veulent une amélioration de leurs conditions de vie ; elles veulent qu’on cesse de dilapider leurs ressources ; elles veulent savoir pourquoi actuellement la culture du coton ne leur profite pas ; elles veulent une gestion saine et transparente du bien commun pour ne pas dire communal. Que veulent-elles encore : qu’on leur colle la paix avec cette histoire de Talon, histoire fabriquée de toute pièce. Elles en ont marre des mensonges politiques et politiciens. Est-ce possible Docteur Yayi Boni ?
