LIBREVILLE - Un important mouvement rebelle tchadien, l’Union des forces de la résistance (UFR), qui avait déposé les armes en 2009, a annoncé jeudi vouloir reprendre les hostilités contre le président Idriss Deby Itno, alors que celui-ci a engagé une partie de son armée au Mali.
"Nous avons décidé de reprendre la lutte. C’est une lutte armée, bien sûr", a déclaré Timan Erdimi, une des grandes figures de la rébellion, depuis Doha où il est réfugié depuis la normalisation des liens entre le Soudan et le Tchad.
Auparavant, ces deux pays n’hésitaient pas à abriter, financer voire armer les rebelles du voisin. L’accord entre les présidents Deby et Omar el-Bechir avait conduit Khartoum à expulser les rebelles tchadiens, tout en fermant le robinet financier.
Les raisons de la rébellion sont toujours là, souligne Erdimi, ancien proche du président tchadien dont il est un neveu.
Erdimi, un des chefs rebelles ayant mené plusieurs attaques contre Deby, dont celle de 2008 qui avait échoué devant le palais présidentiel de N’Djamena, écrit dans un communiqué que "la situation politique, économique et sociale n’a pas cessé de se dégrader. La masse de la population a perdu tout espoir de voir un jour le pouvoir faussement démocratique (...) faire preuve d’un minimum de sensibilité sociale".
Et il souligne auprès de l’AFP: "Deby a cru que parce qu’il y avait l’accord (avec le Soudan), il pouvait ne rien faire. L’état-major (de la rébellion, ndlr) est déjà sur place à la frontière entre le Tchad et le Soudan. Des éléments commencent à arriver de partout. On n’a pas donné toutes nos armes, on en avait caché. On n’est pas à 100% mais on en récupérera sur le
terrain comme d’habitude".
Un spécialiste des rébellions, s’exprimant sous couvert d’anonymat, est sceptique. "il est difficile de savoir ce qu’il a ou n’a pas. Des armes légères, oui. Mais ça me paraît difficile qu’il ait des armes lourdes, des antichars".
Toutefois, il souligne que l’armée tchadienne n’est pas au mieux, notant que les meilleures troupes sont au Mali, où elles pourchassent aux côtés des forces françaises les jihadistes liés à Al-Qaïda qui avaient occupé le nord du pays en 2012.
"La réforme (récente de l’armée avec une modernisation mais aussi une réduction des effectifs, ndlr) a aussi démobilisé certains. Et la mort de nombreux soldats, essentiellement zaghawas (ethnie du président mais aussi de nombreux rebelles) au Mali n’arrange pas les choses".
Au niveau diplomatique, la rébellion devrait avoir du mal à recueillir des soutiens, l’action de l’armée tchadienne au Mali étant fort appréciée à la fois par l’Union africaine et les capitales occidentales, estime un observateur à N’Djamena.
L’armée française, qui avait soutenu logistiquement Deby en 2008, ne devrait pas intervenir officiellement en cas de combats, mais il est probable que la France n’apprécie guère qu’on fragilise le président tchadien en ce moment.
Le ministre tchadien de la Communication Hassan Sylla Bakari s’est dit "désagréablement surpris que des +loques+ surgissent de l’ombre pour parler encore de la guerre au Tchad".
"Cette personne (Erdimi) en mal de publicité, qui n’a personne derrière elle, est entrée dans l’oubli. Aucun Tchadien ne peut entrer dans cette logique. Il n’existe de rébellion tchadienne ni au Tchad, ni ailleurs. Au Tchad, il y a la sérénité, la paix, la stabilité", a-t-il affirmé à l’AFP.
Interrogé au sujet de l’armée tchadienne au Mali, Erdimi a précisé: "Nous sommes contre le terrorisme. Nous ne sommes pas contre l’intervention au Mali.
Quand Deby sera renvoyé, on pourra continuer à intervenir au Mali".
Si Timan Erdimi affirme que "la porte est ouverte" à tous ceux qui veulent le rejoindre, les divisions au sein de la rébellion ont cependant toujours été une de ses faiblesses.
Ancien chef du Rassemblement des forces pour le changement (RFC), une des principales rébellions, Erdimi avait été désigné en 2009 chef unique de la rébellion par ses pairs, sous la bannière de l’UFR. Toutefois, l’autre grande figure rebelle, Mahamat Nouri, s’était par la suite retirée pour créer l’Alliance nationale pour le changement et la démocratie (ANCD).
Celui-ci a confié que la "prise d’armes contre Deby est une bonne chose" mais n’a pas voulu s’exprimer davantage.
Erdimi compte sur un ralliement de l’intérieur: "Nous lançons un appel à tous les Tchadiens, surtout à la jeunesse, (...) à se joindre à nous pour continuer la lutte jusqu’à la victoire finale".