Votée par l’Assemblée nationale le 30 mars 2012 et promulguée par le chef de l’Etat le 18 mars 2013, la loi N° 2012-15 portant code de procédure pénale en République du Bénin, comporte des avancées. Nous avions déjà précédemment relevé certaines. Nous mettons en lumière, ici, quelques autres. Des avancées qui somme toute, garantissent une meilleure protection du sujet pénal, à travers un procès équitable mais aussi le respect de ses droits. Et surtout les attributions et acteurs de la Police judiciaire, maillon essentiel de la procédure pénale.
Par Wilfried Léandre HOUNGBEDJI
Il a semblé bon au législateur de camper le décor en rappelant les principes généraux de la procédure pénale, en titre préliminaire. Ainsi, nous apprend la loi, la procédure pénale doit être équitable et impartiale. La procédure pénale doit être contradictoire.
Elle doit préserver l’équilibre des droits des parties. Elle doit garantir la séparation des autorités chargées de l’action publique et des autorités de jugement. La procédure pénale garantit l’égalité des justiciables devant la loi. Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles sauf dérogation prévue par la loi.
De même, toute autorité en charge de la procédure à divers niveaux a le devoir d’informer les parties de leurs droits. Elle en assure la garantie au cours de toute la procédure.
Par ailleurs, toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d’innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi. Elle a le droit d’être informée des charges retenues contre elle et d’être assistée d’un défenseur, de se faire examiner par un médecin de son choix, de contacter et de recevoir un membre de sa famille.
Enfin, les mesures de contraintes dont cette personne peut faire l’objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l’autorité judiciaire. Elles doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l’infraction reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne.
Il doit être définitivement statué dans un délai raisonnable sur les faits mis à la charge de cette personne.
C’est dire que l’opacité ne doit pas caractériser la procédure pénale, de même que les diligences doivent être effectuées pour éviter que la procédure s’éternise ; afin que le justiciable soit situé, assez tôt, sur son sort ; tant le procès pénal est d’une gravité certaine. Il va sans dire que les délais de jugement anormalement longs, les brimades diverses exercées sur le sujet pénal, les manœuvres tendant à le présenter d’office comme coupable des faits mis à sa charge et hors tout procès, sont autant d’agissements et de faits répréhensibles.
En clair, s’il est établi que tout auteur d’acte répréhensible au plan pénal doit être jugé et puni pour ses actes, il est tout aussi absolu que les conditions de son jugement doivent être débarrassées de toute approximation, de toute légèreté.
De la prescription de l’action publique
L’article 7 de la loi renseigne que «L’action publique pour l’application de la peine s’éteint par la mort du prévenu, la prescription, l’amnistie, l’abrogation de la loi pénale et la chose jugée. Elle peut, en outre s’éteindre par transaction lorsque la loi en dispose expressément ; il en est de même en cas de retrait de plainte, lorsque celle-ci est une condition nécessaire de la poursuite. Elle peut enfin s’éteindre par la dissolution ou la liquidation, lorsque celle-ci est nécessaire à la disparition de la personne morale».
En ce qui concerne les délais de prescription, l’article 8 du code stipule que «Sauf pour les cas où la loi en dispose autrement, l’action publique se prescrit par dix (10) années révolues à compter du jour où le crime a été commis.
La prescription est de trois (03) années révolues en matière de délit et d’une (01) année révolue en matière de contravention. Les crimes économiques, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles. Toutefois, en cas de contravention ou de délit connexe à un crime ou de contravention connexe à un délit, le délai de prescription le plus long s’applique ». Cependant, aux termes de l’article 9, « la prescription est interrompue par tout acte de poursuite ou d’instruction. Lorsqu’en raison de la qualité, de l’emploi ou des fonctions assumées, l’auteur ou le complice d’une infraction n’a pu être poursuivi, le temps passé au poste suspend la prescription.
Si des poursuites ayant entraîné condamnation ont révélé la fausseté du jugement ou de l’arrêt qui a déclaré l’action publique éteinte, l’action publique pourra être reprise; la prescription doit alors être considérée comme suspendue depuis le jour où le jugement ou arrêt était devenu définitif jusqu’à celui de la condamnation du coupable de faux et usage de faux. La prescription de l’action publique est également suspendue par tout dysfonctionnement ou toute perturbation des services publics de la justice. Lorsque la victime est mineure et que l’infraction a été commise par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par une personne ayant autorité sur elle, le délai de prescription ne commence à courir qu’à partir de sa majorité ou de son émancipation».
De ces dispositions, on peut entendre par exemple par perturbations des services publics de la justice, les mouvements de grève ; comme pour dire que les circonstances indépendantes de la volonté du justiciable ne doivent pas le pénaliser. De même que constitue une avancée, le fait de dater le délai de la prescription pour compter de la majorité de la victime, lorsque celle-ci étant mineure, a subi l’infraction d’un ascendant légitime, naturel ou adoptif ; ou de toute personne ayant autorité sur elle.
Ceci en raison de ce qu’on suppose que l’enfant mineur n’a ni la capacité, ni le jugement nécessaire pour dénoncer à la justice les pratiques répréhensibles dont il aurait été l’objet. Cette avancée peut trouver un terrain concret d’application dans les cas, par exemple, où des enfants mineurs, confiés à la responsabilité de certains éducateurs, ou de prêtres, subissent sans en avoir conscience, des attouchements sexuels, des viols mais ne se rendent compte de ce qui leur arrivait que beaucoup plus tard, étant devenus majeurs. Ou même parce que, sous l’autorité de l’auteur de l’infraction, la crainte de représailles inhibant toute initiative de dénonciation, ils s’abstiennent d’agir et subissent en silence.
Enfin, l’article 10 de la loi établit que « l’action civile se prescrit selon les règles du code civil. En conséquence, cette action ne peut plus être engagée devant la juridiction répressive après la prescription de l’action publique. »
La Police judiciaire
Au nombre des personnes intervenant dans la procédure pénale, figurent les officiers de Police judiciaire (OPJ). Si leur action peut être décisive dans la manifestation de la vérité pénale, elle est souvent aussi décriée par les sujets pénaux qui dénoncent, de leur part, des abus de toutes sortes ou des méthodes non conventionnelles aux fins d’extorsion d’aveu.
La mission de la Police judiciaire est de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs tant qu’une information n’est pas ouverte, le tout, sous la direction effective du procureur de la République et suivant les distinctions établies par la loi (article 14).
Mais qui peut poser des actes de Police judiciaire ? D’abord les OPJ. Il s’agit, aux termes de l’article 16 de la loi, des officiers de gendarmerie, des sous-officiers de gendarmerie titulaires du baccalauréat ayant au moins deux (02) ans dans le corps, ayant subi un stage d’officier de Police judiciaire et nominativement désignés après examen professionnel par arrêté conjoint des ministres chargés de la Justice et de la Défense ; des inspecteurs généraux de police ; des commissaires de police et des officiers de police ; des inspecteurs de police ou leur correspondant, des brigadiers et des gardiens de paix titulaires du baccalauréat, comptant au moins deux (02) ans dans le grade, ayant subi un stage d’officier de Police judiciaire et nominativement désigné après examen professionnel par arrêté conjoint des ministres chargés de la Justice et de l’Intérieur.
Mais les officiers de Police judiciaire ne peuvent exercer effectivement les attributions attachées à leur qualité, ni se prévaloir de cette qualité que s’ils sont affectés à un emploi comportant cet exercice et en vertu d’une décision du procureur général près la cour d’appel les y habilitant personnellement.
Les conditions d’octroi, de retrait et de suspension de l’habilitation sont fixées par arrêté conjoint du ministre de la Justice et des ministres intéressés. Tout retrait d’habilitation doit être notifié aux autres parquets généraux.
Toutefois, précise l’article 17 alinéa 1er, les officiers de Police judiciaire ne peuvent être habilités à exercer effectivement les attributions attachées à leur qualité, que lorsqu’ils sont affectés à un emploi comportant lesdites attributions. Les conditions de cette habilitation sont définies par le même article. Par ailleurs, le maire peut être amené à exercer les fonctions de Police judiciaire. L’article 27 de la loi prévoit, en effet que : « Les maires, les chefs d’arrondissement, les chefs de village ou de quartier de ville sont tenus d’informer sans délai, les services des Forces de sécurité publique, des crimes et délits dont ils ont connaissance ; en attendant l’arrivée de l’autorité de Police judiciaire compétente, de veiller à la conservation des indices et traces susceptibles de disparaître et de tout ce qui peut servir à la manifestation de la vérité et à la conservation des armes et instruments ayant servi à commettre le crime ou le délit ou qui étaient destinés à le commettre, ainsi que de tout ce qui paraît être en rapport avec le fait incriminé ou en avoir été le produit ; dans le cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement, d’en appréhender l’auteur et de le faire conduire immédiatement à l’autorité de Police judiciaire la plus proche. »
Outre les maires, les préfets aussi ont des pouvoirs en matière de Police judiciaire. L’article 29 de la loi, à cet effet, établit que « Les préfets de département n’ont pas qualité d’officier de Police judiciaire; toutefois, en matière de crimes et délits contre la sûreté de l’Etat et seulement s’il y a urgence, ils peuvent requérir par écrit les officiers de Police judiciaire compétents à l’effet de constater les crimes et délits ci-dessus visés.»
Dans tous les cas, «Les officiers de police judiciaire ont compétence dans les limites territoriales où ils exercent leurs fonctions habituelles. Toutefois, les officiers de la gendarmerie et les gendarmes officiers de Police judiciaire peuvent en cas d’urgence, opérer dans toute l’étendue du ressort du tribunal de première instance auquel ils sont rattachés». De même, «dans toute commune divisée en arrondissements de Police, les commissaires et inspecteurs de police exerçant leurs fonctions dans l’un d’eux ont néanmoins compétence sur toute l’étendue de la commune. Les officiers de Police judiciaire peuvent, en cas de crime ou délit flagrant, se transporter dans tout le ressort du tribunal ou des tribunaux de première instance où ils exercent leurs fonctions, ainsi que dans le ressort des tribunaux limitrophes, à l’effet d’y poursuivre leurs investigations et de procéder à des auditions, perquisitions et saisies». Puis, «En cas de nécessité, les officiers de Police judiciaire peuvent sur commission rogatoire expresse du juge d’instruction ou sur réquisitions du procureur de la République prises au cours d’une enquête de crime ou délit flagrant, procéder aux opérations prescrites par ces magistrats sur toute l’étendue du territoire national ; ils doivent requérir l’assistance d’un officier de Police judiciaire exerçant ses fonctions dans la commune intéressée. Le procureur de la République territorialement compétent est immédiatement informé par le magistrat ayant prescrit ces opérations », tout ceci étant prévu par l’article 20 de la loi.
Sous la responsabilité du procureur de la République
L’article 21 de la loi édicte que « Les officiers de Police judiciaire sont tenus d’informer sans délai, le procureur de la République des crimes, délits et contraventions dont ils ont connaissance. Dès la clôture de leurs opérations, ils doivent lui faire parvenir directement l’original ainsi qu’une copie certifiée conforme des procès-verbaux qu’ils ont dressés, tous actes et documents y relatifs lui sont en même temps adressés. Les objets saisis sont mis à sa disposition. Les procès-verbaux doivent énoncer à peine de nullité absolue, la qualité d’officier de Police judiciaire de leur rédacteur ». Quant à l’article 22, il fait obligation aux officiers de Police judiciaire responsables d’unité de police ou de brigade de gendarmerie d’adresser des états mensuels au procureur de la République de leur ressort. Ces états faisant le point des dossiers et autres « soit transmis » au niveau des unités concernées. En sus, aux termes de l’article 23, « Tout officier de Police judiciaire en service dans une unité des Forces de sécurité publique fait l’objet, de la part du procureur de la République de son ressort, d’une appréciation exprimant sa valeur professionnelle dans l’exercice de ses fonctions d’officier de Police judiciaire. Cette appréciation est suivie d’une note chiffrée prise en compte pour moitié dans la note finale de l’intéressé. Toute note en dessous de la moyenne doit être accompagnée d’un rapport écrit du procureur de la République. Celle supérieure ou égale à huit sur dix (8/10) doit être justifiée par une observation écrite. A cet effet, l’officier de Police judiciaire adresse, par voie hiérarchique, au procureur de la République, son bulletin annuel de note au plus tard le 30 novembre. La notation est établie par le procureur général après consultation, le cas échéant, du président de la chambre d’accusation. La notation, par le procureur général de l’officier de Police judiciaire habilité, est prise en compte pour toute décision d’avancement. Le procureur de la République établit chaque année et transmet au procureur général, pour chacun des fonctionnaires visés au présent article et exerçant dans son ressort, une proposition de notation ». Tout ceci traduit le fort lien hiérarchique entre les agents de la Police judiciaire et le procureur de la République. Mieux, « Les manquements des officiers ou des agents supérieurs de Police judiciaire, pris en cette qualité, à leurs obligations prévues au présent code peuvent donner lieu de la part du procureur de la République de leur ressort, à un avertissement ou à un blâme avec inscription au dossier sous le contrôle du procureur général, sans préjudice des mesures prévues à l’article 246 du présent code. Tout refus d’un officier de Police judiciaire de déférer à une sollicitation d’une autorité judiciaire est passible d’une peine d’amende de cinquante mille (50 000) à cinq cent mille (500 000) francs. Cette peine est prononcée sur réquisition du ministère public par le président du tribunal ou le magistrat par lui délégué. Lorsqu’une sanction est prononcée, le procureur de la République en informe les autorités du Trésor public ainsi que le supérieur hiérarchique de l’agent concerné » (article 24).