Le communiqué de la Cour constitutionnelle a fait réagir le juriste Serge Prince Agbodjan qui appelle la Cour Holo à s’inspirer de la Cour qu’avait présidée Pognon Elisabeth pour asseoir son indépendance et sa sérénité. Lire ci-après sa réaction.
Au lieu de tenter de justifier sa jurisprudence DCC 13-171 du 30 Décembre 2013 relative au vote de la loi de finances exercice 2014. Et si la Cour Holo s’inspirait de la Cour présidée par Madame POGNON Elisabeth pour asseoir son indépendance et sa sérénité !
En ces moments où les institutions de la République sont à l’épreuve de l’exercice démocratique, l’on est nostalgique de certaines années au cours desquelles, certaines institutions à travers leurs représentants ont contribué à l’affirmation de leur indépendance vis-à-vis de certaines autres, contribuant ainsi à la consolidation de notre démocratie.
Dans un régime démocratique comme le notre, il existe essentiellement trois pouvoirs : le pouvoir exécutif, le législatif et le pouvoir judiciaire. Par principe, ces pouvoirs séparés jouent des rôles complémentaires pour la paix, la cohésion et le développement du pays. La Cour POGNON, à travers un communiqué de presse publié en 1996, nous donne une belle illustration de ce que doit être l’indépendance de cette institution quoique ses membres soient nommés par le Président de la République.
Le 29 Mars 1996, la Cour Constitutionnelle présidée par Madame Elisabeth K. POGNON a rendu public un communiqué célèbre entre les deux tours des élections présidentielles de 1996. Ce communiqué que nous avons la joie de vous rappeler montre que tout le monde ne peut pas être membre de cette haute et respectable Institution.
Le Conseiller, membre de la Cour Constitutionnelle doit avoir la capacité de rester au dessus de la mêlée et affirmé son indépendance vis-à-vis du Président de la République et de toutes les autres Institutions de la République.
La Cour Constitutionnelle ne saurait être un « machin » à la solde des politiciens. Elle ne peut pas être une structure de « course »pour une autorité. Elle ne doit pas non plus rendre service à une autorité.
Pour nous, la Cour Constitutionnelle est notre dernier rempart dans ce processus démocratique. C’est ce que les premiers Conseillers de cette Cour ont montré dans un communiqué en date du 29 Mars 1996 qui je le rappelle a été rendu public entre les deux tours des élections présidentielles de 1996.
Aujourd’hui, rien que pour le vote de la loi de finances qui est pourtant réglementé par notre Constitution du 11 décembre 1990, notre Cour Constitutionnelle a rendu une décision dont le refus de la respecter n’a pas bloqué le fonctionnement régulier des Institutions. La mise en œuvre de l’article 114 par la Cour Constitutionnelle n’est pertinente que dès lors qu’il y a « blocage ou paralysie » du fonctionnement des Institutions.
Dans sa décision DCC EL-07-001 du 22 janvier 2007 évoquée dans son communiqué du 4 Février 2014, la Cour Constitutionnelle a bel et bien affirmé que considérant qu’elle est entre autres « l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics ; qu’en cette qualité elle est fondée à prendre toute décision pour éviter toute paralysie du fonctionnement des institutions de la République »
En matière de vote de la loi de finances, il ne saurait avoir paralysie du fonctionnement des Institutions de la République. La preuve est que sans respecter cette décision du 30 décembre 2013, le budget de l’Etat a été pris par ordonnance.
Le passé permettant d’éclairer l’avenir, cet extrait pourrait permettre aux uns et aux autres de mieux apprécier l’indépendance des institutions aux premières heures de notre expérience démocratique et nous aider à nous améliorer dans le présent pour les défis qui se posent à nous aujourd’hui.
Devoir de mémoire.
Communiqué de la Cour Constitutionnelle au sujet des pressions exercées sur elle par le Président de la République du Bénin (Elections Présidentielles, Mars 1996)
Après les multiples pressions, les menaces répétées, les attaques directes tels que le mitraillage du domicile du Professeur Maurice GLELE AHANHANZO et la marche des militants de la Renaissance du Bénin dans les rues de Cotonou scandant des slogans hostiles aux Membres de la Cour, suite au meeting organisé le lundi 25 mars 1996 par le candidat Nicéphore Dieudonné SOGLO, celui-ci a convoqué, les 26 et 27 mars 1996, trois (3) des membres de cette institution, le Professeur Alexis HOUNTONDJI, Vice-président, Monsieur Pierre EHOUMI et le Professeur Maurice GLELE AHANHANZO.
L’entretien qu’il a eu séparément avec les deux premiers dans son bureau a porté sur le second tour des élections présidentielles qu’il affirme avoir gagnées .Le troisième Conseiller a été convoqué à son domicile ou les mêmes propos lui ont été tenus assortis d’un message a l’adresse des six (6) autres membres de la Cour.
Le candidat Nicéphore Dieudonné SOGLO soutenait que de multiples pressions, tant de l’intérieur que de 1′extérieur, ont été exercées sur la Commission Electorale Nationale Autonome (C.E.N.A) et sur la Cour Constitutionnelle et auraient influencé les résultats du scrutin tels que proclamés par ladite Cour.
Il poursuivait que, fort des nombreuses preuves d’irrégularités dont il dispose, il allait introduire un recours en vue de faire annuler les résultats des élections dans les départements du Borgou et de l’Atacora.
Il précisait qu’au cas où la décision de la Cour ne lui serait pas favorable, celle-ci doit alors l’assortir d’une recommandation d’amnistie ou de l’octroi de garanties de statut officiel de 1′opposition et qu’il soit accordé à lui-même, à sa famille et à ses partisans des garanties formelles contre toutes poursuites ou tracasseries administratives.Il ajoutait que si ces conditions n’étaient pas remplies, il y aurait une guerre civile qui frapperait les uns et les autres.
Par ailleurs, les délégués ayant prêté leur concours à la Cour Constitutionnelle lors du second tour de scrutin font actuellement l’objet de menaces intolérables.
Les membres de la Cour Constitutionnelle, solidaires, tiennent à porter ces faits graves à la connaissance de 1′opinion nationale et internationale.
La Cour Constitutionnelle affirme avec force qu’en tout état de cause, elle continuera, en toute indépendance et dans la sérénité, à assumer pleinement, dans son domaine de compétence, la mission que le peuple souverain, à travers la Constitution, lui a confiée.
Cotonou, le 29 mars 1996
Madame Elisabeth K. POGNON Président
Messieurs Alexis HOUNTONDJI Vice-président
Messieurs Bruno O. AHONLONSOU Membre
Messieurs Pierre E. EHOUMI Membre
Messieurs Alfred ELEGBE Membre
Messieurs Maurice GLELE AHANHANZO Membre
Messieurs Hubert MAGA Membre
Le Président,
Elisabeth K. POGNON
Extrait du journal le Matin du samedi 30 mars 1996 p. 5