L’hebdomadaire Jeune Afrique, dans sa livraison en ligne de ce mardi 26 mars 2013, s’est penché ( une fois encore) sur l’actualité au Bénin. C’est par la plume de l’écrivain Florent Couao-Zotti que l’on découvre une autre facette, une autre analyse de l’actualité socio-politique béninoise. L’écrivain pousse un coup de gueule que voici.
« Thomas Boni Yayi est atteint d’une maladie grave : la complotite aiguë ! » Cette déclaration émane d’un opposant au chef de l’État béninois, irrité par la tension qui plombe l’atmosphère publique. À Cotonou, à Porto-Novo, dans les villes et les hameaux, les maquis et les bars ne bruissent plus que des conversations sur les complots que la présidence de la République aurait mis à nu. Il en est ainsi depuis plus de six mois, depuis qu’a éclaté la première affaire de tentative présumée de coup d’État.
Révélé début octobre 2012, ce « complot » impliquerait des proches du chef de l’État – dont sa nièce et son médecin personnel. Il n’a pas fini d’être élucidé par la justice que, déjà, un autre aurait été éventé. D’après l’accusation, Thomas Boni Yayi aurait cette fois été visé par un plan dont le but était de l’empêcher de rentrer au pays après un voyage officiel en Guinée équatoriale. Des officiers se seraient alors emparés du pouvoir, auraient mis fin aux institutions et instauré un nouveau régime. Auteurs d’un tel scénario, deux hommes : un colonel de l’armée et un comptable, le gérant d’un cabinet d’audit, comme par hasard lié en affaires à Patrice Talon. Un Patrice Talon déjà suspecté dans la première affaire pour en avoir été, dit-on, l’instigateur, et qui serait le « cerveau » de la deuxième. D’ailleurs, un autre mandat d’arrêt international sera bientôt lancé contre lui en France, où il a trouvé refuge.
Depuis février 1990, le Bénin tente d’instaurer une culture d’alternance pacifique au pouvoir. Toutes les échéances électorales, qu’elles soient présidentielles, législatives ou communales, ont vu, la plupart du temps, des hommes nouveaux arriver aux commandes des différentes institutions de l’État. Certes, la corruption, les fraudes, les retards dans la compilation et la proclamation des résultats ont en partie ruiné la crédibilité de ces consultations, mais les Béninois tiennent ce processus pour acquis, quitte à l’améliorer et à le parfaire. À aucun prix ils ne sont prêts à l’échanger contre un saut hardi vers l’inconnu, contre une aventure dont l’issue resterait plus qu’improbable. D’où la condamnation quasi unanime de la société civile quand la première affaire a été révélée.
Mais qu’il y ait complot ou non, les Béninois s’inquiètent de l’ampleur que prennent les événements. Si, pour beaucoup, il ne s’agit que d’un clapotis de marécage entre deux crocodiles naguère inséparables, les débordements qu’un tel affrontement a sur le reste de la faune risquent à terme d’affecter tout le marigot. Or le marigot Bénin souffre déjà de maladies aussi graves les unes que les autres et qui méritent des thérapies urgentes : désaffection du port autonome de Cotonou par les compagnies maritimes traditionnelles, baisse générale du niveau des affaires, mévente dans les marchés, corruption et scandales financiers impliquant des responsables politiques, baisse du pouvoir d’achat des ménages, etc.
Dans cette situation, il n’y a que les responsables syndicaux, devenus la seule force critique, qui jouent, parfois à leur corps défendant, les gardiens du temple. Mais leur position ultra-politique risque de les décrédibiliser.
Le médiateur de la République, l’influent professeur Albert Tévoédjrè, avait, il y a peu, appelé à un sursaut collectif en demandant au président de la République de reprendre l’initiative. Mais sa lettre, quoique appuyée par celle de la conférence épiscopale, n’a pas trouvé oreille attentive. Et le climat, déjà délétère, est en train de devenir explosif.