La plupart des discours sont dominés par des termes peu porteurs d’espoir pour retrouver la paix. Ces discours proviennent étonnamment des deux camps : le Pouvoir et les leaders de l’opposition.
Malgré les incessants appels lancés aux acteurs politiques pour calmer la tension sociopolitique, le discours de guerre continue de dominer. Dans leur majorité, les protagonistes refusent de s’adresser des propos conciliants. Le ministre de la Communication, Komi Koutché semble s’opposer à une solution de paix en affirmant : « Lorsque vous voyez une certaine classe politique dire qu’un président démocratiquement élu va partir, c’est dans quelle loi ?Un président démocratiquement élu pour faire cinq ans, il fait à peine trois ans, une classe politique se lève et dit : "Yayi doit partir". On est tous au Bénin. Quelle est la voie par laquelle on pense qu’on peut le faire partir ? Ce n’est que la voie insurrectionnelle. C’est une déduction simple…. ». Cette façon du ministre de la communication de faire une déduction, amène tout simplement à réaliser que le gouvernement est dans la logique d’entretenir la psychose. Tantôt, le chef de l’Etat emploie des termes qui évoquent la guerre, tantôt ce sont ses alliés qui préparent les esprits à l’affrontement et à la violence. Son ministre de la Communication est dans cette logique. Pour lui, le fait d’entendre tout le temps que Yayi Boni va partir est une manière de pousser en exergue un plan pour conduire le pays vers l’insurrection. Ce qu’on ne souhaite pas ne doit pas faire partie de ses préoccupations, et cela, il faut que le ministre de la Communication et le gouvernement en général s’en aperçoivent pour éviter de jeter l’huile sur le feu. En accusant les autres de préparer l’insurrection, ils laissent se répandre l’idée qu’eux aussi s’arment en conséquence.
Et pourtant...
Et pourtant, la Constitution béninoise de décembre 1990 en son article 50 a prévu la mise en accusation du président de la République devant la Haute Cour de justice en cas de violation de son serment. A partir de ce moment, on ne peut pas dire comme l’indique le ministre de la Communication, qu’en agitant le départ de Yayi Boni avant le terme de son mandat, il n’y a que la voie insurrectionnelle. Personne ne cautionnerait un tel recul pour notre démocratie, vieille seulement de 23 ans mais déjà en danger. Si les leaders de l’opposition rêvent d’une fin de mandat prématurée du président de la République, c’est parce qu’ils misent sur son accusation devant la Haute Cour de justice. En clair, le ministre Komi Koutché a tort de prêter des intentions funestes et malveillantes à des groupes constitués qui demandent que le président de la République soit traduit devant la Haute Cour de justice. Il fait observer ainsi, que dans la tête du chef de l’Etat, on ne pense qu’à l’insurrection. Une façon de nourrir les tensions qui sont vives. Mais avant le ministre Komi Koutché, c’est Yayi Boni en personne, coutumier des propos incendiaires qui a manifestement ouvert la brèche et aujourd’hui tous s’inspirent de ses déclarations du 27 janvier 2014 au Palais de la Présidence pour inciter à l’insurrection.
Le comble
Vendredi 7 février 2014 au Codiam à Cotonou, quelques marionnettes du régime appelées des Fous du roi en panne d’idées mais en quête de leur gagne-pain quotidien ne se sont pas lassées d’alimenter la crise. Cela, en répétant que Yayi Boni ne cèdera pas aux chantages, en brodant sur le sujet des grèves, en qualifiant de politiques et d’inopportuns les mouvements de paralysie et en défendant que les défalcations sont normales. El Farouk Soumanou, Fred Houénou, Frédéric Béhanzin et Nazaire Dossa ont trouvé intérêt à dire qu’en faisant recours à la force pour réprimer dans le sang la marche des travailleurs, le 27 décembre 2013, la Police a bien fait son boulot. El Farouk Soumanou ne croit pas que les syndicalistes ont été malmenés et maltraités. Il déclare n’avoir jamais vu les images de la bastonnade et estime que les revendications relatives au limogeage du préfet de l’Atlantique-Littoral Placide Azandé et du Commissaire central de la ville de Cotonou, Pierre Coovi Agossadou sont illicites. Nazaire Dossa, s’agissant particulièrement de lui oubliant son passé, se réjouit de ce qui est arrivé, le 27 décembre 2013 aux travailleurs en soulignant que des mouvements de grève ont été tués dans l’œuf sous le règne des anciens présidents de la République Emile Derlin Zinsou et Nicéphore Soglo. Donc, pour lui, il est normal qu’on empêche les travailleurs en lâchant sur eux du gaz lacrymogène. C’est-à-dire que ce type trouve qu’étouffer un mouvement de grève veut dire la même chose que molester, gazer, blesser les manifestants. Toujours s’agissant de Nazaire Dossa, il a mis en garde ceux qu’ils désignent comme les pourfendeurs du régime. C’est le comble de l’ignorance notoire. Quant à un certain Fred Houénou, il a déclaré qu’il y a une catégorie de Béninois qui les (Les fous du roi) pousse à bout. Cela sent mauvais. Arrêtons-nous et demandons leur ceci : qui les a envoyés sur ce terrain pour réduire davantage le champ de la paix ? Pourquoi tant de menaces et d’incongruités dans leur discours ? Pourquoi pensent-ils qu’en critiquant le chef de l’Etat et en dénonçant les fautes du gouvernement, on va les pousser à bout ? Entre la paix, la guerre ou l’entre-les-deux, on se demande ce qu’ils choisissent. Propos incendiaires par-ci, dérives verbales par-là, les ennemis de la paix se dévisagent eux-mêmes. Ils encouragent l’éclatement de nouvelles agitations et le durcissement de la crise pour y trouver leur compte. On note avec pitié qu’ils tiennent des propos soit pour saboter les efforts de médiation en cours, soit pour encourager la Police à récidiver dans les dérives qu’ils qualifient de situation normale. Ces gens ne méritent pas d’être écoutés.
L’opposition divisée
Quant aux opposants au régime de Yayi Boni, ils sont divisés sur les termes à employer face à la crise. D’un coté, il y a ceux qui font le jeu des abrutis du Pouvoir. Ils tentent de répondre mot pour mot à ces derniers. Ils donnent un large écho à des discours qui n’ont aucun lien avec la paix et l’unité. Ils tentent d’encourager la jeunesse à réagir, à prendre ses responsabilités. Ceux-là se sont illustrés le week-end du 8 février à Porto-Novo lors des journées de réflexion du parti Réso-Atao. Le député Candide Azannaï a interpellé cette jeunesse qui ne s’investit plus dans les luttes républicaines. « Il y a 23 ans, j’étais dans la bataille. Il y a 23 ans j’étais sur la ligne première. J’étais délégué à la Conférence nationale après avoir vécu des années de clandestinité dont je garde encore les séquelles que je n’aime pas montrer. Oui, il y a 23 ans et même bien avant, nous étions presque face à la même situation….Où est passée notre jeunesse. Cette jeunesse qui a conduit à la Conférence nationale n’existe plus. Vous êtes jeunes, vous avez une lourde responsabilité… ».Ces propos du député de l’opposition véhiculent un message bien clair. Il faut que la jeunesse se décide à manifester contre les dérives pour changer l’ordre des choses, comme il y a 23 ans. Candide Azannaï nous plonge dans les années 1986 à 1989, pour rappeler que la jeunesse était sortie de son mutisme pour conduire le pays à la Conférence nationale de février 1990. On sait qu’avant cette rencontre qui a bouleversé tout au Bénin, le soulèvement était l’arme utilisée. Il regrette aujourd’hui de ne pas retrouver cette même jeunesse faire pareil, alors qu’on est presque en face de la même situation. Pourquoi condamner les propos de ceux cités plus haut et ne pas dénoncer ceux du président du parti Restaurer l’espoir ? Candide Azannaï n’est pas seul dans ce rôle. Dans la même catégorie, on retrouve son collègue de l’Assemblée nationale, Sacca Fikara, l’ancien ministre de Mathieu Kérékou à savoir Gaston Zossou sans oublier d’autres ténors de l’Union fait la Nation.
De l’autre côté, il y a ceux qui, tout en soutenant la lutte des travailleurs et des Magistrats, font preuve de retenue dans leurs discours. L’exemple du Parti du renouveau démocratique (Prd) de Me Adrien Houngbédji est illustratif. Cette formation politique a réagi face à la situation dans un communiqué en reconnaissant que les travailleurs ont raison, mais se ligue contre le pourrissement de la situation. Il a indiqué qu’en temps de crise, seul le dialogue est le chemin le plus sûr pour en arriver à des solutions. Le Président du Parti social démocrate (Psd) et du Comité Afrique de l’Internationale socialiste, Emmanuel Golou a eu la même inspiration. Tout en partageant les préoccupations de la jeunesse, celles des travailleurs et de tous les Béninois en général, il a plaidé pour un retour rapide au calme. Emmanuel a invité au dialogue inclusif, à la tolérance et à l’unité. Ils ne sont pas seuls certes à indiquer la voie de la sagesse aux protagonistes de la crise, mais leurs messages ont rencontré beaucoup d’adhésions. Cela doit inspirer toute la classe politique quelque soit la tendance et les différences de l’heure. Il faut éviter d’évoquer des termes qui appellent à l’insurrection. Car, qu’elle ait lieu ou non, elle ne cesse de nous hanter et d’être présente dans nos esprits comme un compagnon, parce qu’on sait qu’elle peut arriver.
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Fidèle Nanga