Trois ans après sa réélection au premier tour en 2011, tout porte à croire que la promesse de Boni Yayi de rembourser les spoliées des structures illégales de placement d’argent dès le début de son mandat n’était qu’une promesse électorale. C’est du moins ce qu’on pourrait retenir de la dernière audience accordée par le chef de l’Etat à l’Agent judiciaire du Trésor en charge du dossier. En effet, Sévérine Lawson est allée exposer au président Boni Yayi les raisons du blocage dans le processus de remboursement ouvert depuis bientôt cinq ans. Il n’y donc plus de doutes. Face aux contingences légales et l'implication de personnalités politiques, le comité de suivi installé pour traiter de la question, vient d’afficher ses limites.
Quand l’affaire Icc-services et consorts a éclaté à la veille de la présidentielle de 2011, le régime Boni Yayi s’est saisi du dossier et a pris le ferme engagement de rembourser tous les spoliés. Un comité de suivi a donc été installé pour la gestion du dossier qui touche plusieurs milliers de Béninois avec à la clé un mécanisme de truanderie qui a engrangé plus de 100 milliards F.
CFA. Si certaines structures ont entamé un timide remboursement de leurs clients, il n’est pas de même pour Icc-Services qui détenait pourtant la plus grande part des dépôts. Le gouvernement multiplie ses promesses alors qu’à chaque sortie médiatique, la présidente du comité de suivi dudit dossier, ne manque d’exposer un chapelet de difficultés qui ne facilitent point le démarrage du remboursement.
Arguments
En effet, le mardi 10 avril 2012, à sa sortie d’une rencontre avec le Chef de l’Etat au Palais de la République, Sévérine Lawson a estimé que la balle est dans le camp des promoteurs des structures illégales de placement d’argent, qui ne veulent pas collaborer pour faciliter les remboursements. Mieux, la Présidente du comité de suivi expliquait que plus d’un milliard de F. CFA sont déjà collectés et plusieurs immeubles des promoteurs saisis pour être liquidés. Pour finir, l’Agent judiciaire du Trésor a rassuré sur sa détermination à contourner la résistance des promoteurs afin qu’une liste exhaustive des épargnants soit établie pour faire avancer le processus.
Il y a deux mois, la présidente du comité de suivi est allée discuter avec le chef de l’Etat de l’absence d’une liste fiable de déposants d’Icc Services d’une part, et des problèmes liés à la mobilisation des fonds pour le remboursement des déposants d’autre part.
Malgré l’ordonnance du 02 mai 2011 par lequel le juge d’instruction du 1er Cabinet du Tribunal de Première Instance de Cotonou a ordonné la main levée et la vente aux enchères publiques de 53 véhicules appartenant aux promoteurs d’ICC-Service, le processus est loin de connaitre de beaux jours. Ce mardi11 février 2014, Sévérine Lawson évoquait le blocage du dossier au tribunal du fait de l’affectation du juge en charge du dossier de son ancien poste et surtout la grève dans la maison Justice.
Disponibilités
Difficile de dire plus de trois ans après, le montant illégalement collecté chez les Béninois par les responsables d’Icc-Services. Alors que les études du comité de suivi annoncent un montant de cent (100) milliards, les promoteurs d’Icc-Services ne reconnaissent que quinze (15) milliards, à en croire l’Agent judiciaire du Trésor. En face, le comité ne dispose que d’environ 964.000.000 de F CFA (soit 256.146.200 F CFA disponibles au Trésor public, 450.000.000 de F CFA dégelés, environ 258.000.000 F CFA,), sans compter les immeubles saisies (157 au total dont 61 maisons bâties, 67 maisons inachevées et 27 parcelles vides).
A bien y voir, le comité de suivi de l’Affaire Icc-Services et consorts est loin d’accomplir sa mission : celle de rembourser les spoliés. Plusieurs raisons expliquent bien son incapacité. Outre les questions procédurales et organisationnelles, il y a l'implication de personnalités politiques dans le dossier qui ne favorisent guère son issue. De l’avis des observateurs, l’impasse est envisageable, vu l’impossibilité du remboursement.
Va-t-on vers la libération des fautifs sans remboursement des spoliés ? En tout cas rien n’est moins évident dans ce dossier aussi scandaleux qui confirme toutefois, l'escroquerie du peuple par des membres et liés du régime en place. Sauf que à bien y voir, et c’est peut-être la meilleures leçon de ce dossier, des Béninois auront été sanctionnés pour une fois pour leur culture de la rente qui a pris le pas sur la capacité à travailler pour accumuler la richesse.