Indices et signes s’accumulent, tant et si bien que la question d’une possible candidature de Patrice Talon à la présidence de la République en 2016 ne peut plus être complètement éludée.
Cependant, au stade actuel de la question, ce qui importe, ce n’est pas la réponse, positive ou négative, escomptée, mais le faisceau des indices et des signes qui conduisent logiquement et comme inévitablement à la question. Quels sont-ils ?
Depuis deux ans au moins, il n’y a pratiquement pas de prise de parole publique du Chef de l’Etat sans évocation du nom de Patrice Talon. Les media prenant le relai, ce nom emplit les salons huppés et les masures enfumées, et c’est tout le Bénin qui en résonne.
Certes, le Chef de l’Etat a cessé d’aimer Patrice Talon et le proclame. Mais à force de le donner à haïr en relief comme un homme méchant, il réussit à le faire aimer en creux comme un homme puissant, qui hanterait désormais les jours et les nuits de lui, son ex-ami.
La puissance de Patrice Talon est d’ailleurs illustrée par le Chef de l’Etat soi-même quand il annonce à des centaines de jeunes le lundi 27 janvier 2014 que ‘‘Si Talon peut ramener juste 1% de ce qu’il a transféré en dehors du Bénin, tous nos problèmes seraient réglés’’. Tous nos problèmes.
Talon-la-solution. Si donc les Béninois portaient cet homme à leur tête en 2016 et obtenaient qu’il mette à leur service 2% de sa fortune, le Bénin ne se transformerait-il pas en ‘‘pays où coulent le lait et le miel’’ ?
Toujours est-il que, candidat pour 2016, Patrice Talon n’aurait plus grand-chose à faire en termes de campagne et de programme, puisque le Chef de l’Etat s’en charge d’ores et déjà pour lui et s’en charge fort bien.
D’ailleurs les media écrits, en les présentant souvent côte à côte, créent une curieuse impression de ‘’l’homme qui vient’’. Certes, nos journalistes porteraient plainte en diffamation si on les faisait passer pour Esaïe annonciateur du Messie. Mais en nous donnant à voir, côte à côte et en relief, ‘‘les deux adversaires de l’heure’’, ne suggèrent-ils pas, en creux, qu’il y a passation de témoin entre le président qui s’en va et le président qui s’en vient ?
A ce faisceau d’indices et de signes, on pourrait ajouter que les Béninois rechignent à porter au pouvoir en 2016 ‘‘encore un banquier’’, quels que soient ses titres universitaires, son expérience et même son intégrité morale. Corsant cette logique, pourquoi ne jubileraient-ils pas de s’en remettre en 2016 à l’un des Béninois qui font vivre les banques et dont les banquiers vivent ?
Et voilà qui fragilise paradoxalement l’hypothèse d’un Patrice Talon candidat à la présidence de la République. Présenté en boucle par le Chef de l’Etat comme un homme puissant, détenteur de la baguette magique, l’exilé de Paris préfèrera sans doute conserver son fauteuil de Crésus, faiseur de roi, comme déjà en 2006 et 2011.
On aimerait d’ailleurs savoir de quoi discutent avec lui les élus du peuple qui lui rendent visite dans la capitale française. De son éventuelle candidature ou de comment s’y prendre en 2016 pour que celui qui occupera le palais de la Marina ait, tant soit peu, le sens de la parole donnée ?
La parole donnée est essentielle au bon fonctionnement du partenariat public-privé, qui est lui-même l’âme de l’économie libérale dont le Bénin a choisi de vivre. Si la signature apposée au bas du contrat peut être foulée au pied par l’un des contractants sur une saute d’humeur, cet aléatoire peut plonger le pays concerné en profonde récession, comme c’est aujourd’hui le cas au Bénin, qui cherche à émerger du désastre où l’a installé l’abracadabrante Emergence surmontée de la drôle de Refondation. Mais quittons ces considérations et revenons à la question : ‘‘De quoi discutent certains députés avec Patrice Talon à Paris’’ ?
Si vous tendez l’oreille, vous apprendrez sans doute que si ce n’est pas lui-même en 2016, ce sera, de près ou de loin, quelqu’un des siens. Voilà pourquoi, l’un dans l’autre, ce n’est pas une pure vue de l’esprit que l’hypothèse de Patrice Talon à la Marina en 2016.