Le ministre Karimou Rafiatou s’est prononcé ce après-midi sur la crise sociopolitique que traverse notre pays .
Chères sœurs,
Chers frères,
Chers amis,
Notre pays, la République du Benin traverse en ce moment une très grave et très profonde crise socio-politique face à laquelle aucun Béninois, aucune Béninoise digne du nom ne peut plus rester indifférent ni se murer dans son mutisme.
Cette crise n’a pas éclaté du jour au lendemain, spontanément, telle une irruption volcanique. Elle vient de loin et ses éléments constitutifs se sont accumulés progressivement. L’engagement patriotique sincère, le souci permanent de préserver et de consolider l’unité nationale, la paix et la concorde sociales, engagement patriotique et souci dont ne devrait jamais se départir les acteurs socio-politiques de notre pays, devaient nous permettre de voir la crise venir et d’y faire face efficacement, en apportant en temps opportun les solutions qui conviennent aux problèmes sociaux qui se posent.
Elle est là, aujourd’hui la crise, cristallisée sous la forme d’un bras de fer farouche entre le gouvernement et les centrales syndicales : les services administratifs sont bloqués, les hôpitaux sont en grève et l’opération « hôpitaux morts » n’a été reportée que de 10 jours suite dit-on à une intervention du Président de l’Assemblée nationale auprès des praticiens hospitaliers ; les écoles, les lycées, les collèges,
les universités du secteur public sont paralysés et la menace d’une année blanche plane ; nos enfants, écoliers, collégiens et lycéens déambulent inquiets dabs les rues, entre leurs domiciles et leurs établissements scolaires ou manifestent dans certaines villes et agglomérations de notre pays, soit pour réclamer la reprise des cours, soit pour le report des évaluations programmées pour la période ; la maison justice est fermée au grand désarroi des justiciables qui attendent qu’on leur rende justice ou tout simplement qu’on leur délivre une pièce administrative pour faire et valoir ce que de droit.
Les appels fusent de toute part, qui invitent à lamodération, au dialogue responsable et sincère, pour rechercher dans la sérénité requise, les voies et moyens de sortie de crise. Malheureusement et
contre toute attente, les protagonistes campent sur leurs positions :
d’une part, les syndicats, convaincus de leur bon droit et de l’autre, le gouvernement et son chef, dans la position dominante que leur confère entre autre, la détention de la force publique.
Dans ce contexte de tensions sociales croissantes, nous avons décidé de parler ce jour pour apprécier la situation économique, sociale et
politique du pays telle que nous la sentons et vivons dans nos maisons, dans les marchés et sur nos lieux de travail. Nous dirons dans un premier temps, qui nous sommes avant, de partager avec vous, dans un deuxième temps, ce que nous constatons. Enfin, nous exprimerons nos vœux et nos souhaits.
Qui sommes-nous ?
Nous sommes des béninoises a part entière. Il y a parmi nous,
des arrière-grand-mères qui ont vécu la période coloniale française et peuvent témoigner de ce qu’elle avait de dégradant et humiliant pour le colonisé. Elles ont activement participé à la lutte pour l’indépendance du Dahomey, advenue le 1er Aout 1960. Elles ont servi la jeune République avec compétence et dévouement. Retraitées, elles observent la société actuelle et souffrent comme tout le monde des tensions qui s’étalent sous leurs yeux.
Parmi nous, se trouvent des militantes des mouvements de jeunes, de partis politiques, d’associations de développement, des parlementaires et anciennes ministres, de hauts cadres de la Nation, et des femmes opérateurs économiques. Nous avons donc l’expérience du pouvoir.
Dans ce contexte de tensions sociales croissantes, quelle doit être notre attitude à nous, femmes béninoises, citoyennes, épouses et mères ?
Devons-nous pour des intérêts égoïstes et particuliers et dans l’attente de promotions personnelles, nous taire ou emboucher la trompette pour caresser le Chef de l’Etat dans le sens du poil ?
Monsieur le Président de la République, vous nous avez assez aimées ! Agissons maintenant concrètement et pensons droit, liberté, justice pour protéger l’avenir de tous ces jeunes en débandade, sans emploi, sans sincérité. C’est vrai que malgré des efforts faits en leur nom, ils sont encore nombreux, sans avenir certain.
Devons-nous au contraire, chercher à verser de l’huile sur le feu, comme si nous étions en mal d’assouvir une revanche politique ou les
besoins malsains d’un instinct de pyromane ?
Notre sens de responsabilité de femmes patriote sincères, de mères, doit nous orienter vers une approche toute différente.
A l’issue des larges et profonds débats qui se sont déroulés au cours de notre rencontre, les participantes ont adopté à l’unanimité, les
conclusions suivantes :
1- Les violences policières exercées
contre les travailleurs et leurs responsables syndicaux le 27 Décembre 2013 à Cotonou, constituent une violation flagrante des droits et libertés des citoyens consacrés par la constitution béninoise du 11 Décembre 1990. A cet égard, elles sont condamnables et méritent d’être unanimement reprouvées par tous les Béninois et Béninoises, quelles que soient leurs sensibilités politiques.
2- Ces violences policières, jointes au blocage ou aux insuffisances du dialogue social, sont les principaux facteurs déclencheurs de la crise actuelle.
3- Pour leur part, les femmes du creuset B.F.D.D., conscientes de ce que la persistance et l’aggravation de la crise actuelle pourrait générer de négatif, pour la paix et le développement du Benin, ainsi que pour la préservation et la poursuite de son expérience démocratique, sont résolues à joindre leurs efforts à ceux de toutes les Béninoises et de tous les Béninois, sincèrement désireux de contribuer au rétablissement de la paix sociale et de la concorde nationale.
4- Les femmes du B.F.D.D. lancent aux travailleurs et aux associations syndicales de notre pays, le vibrant appel patriotique à maintenir leur disponibilité et ouverture au dialogue et a préserver la vie des citoyens et les chances du développement national, tout en
restant inflexibles en ce qui concerne la défense des droits et libertés
publics consacrés par la constitution Béninoise du 11 Décembre 1990 ; la défense des libertés syndicales et celles des conditions humaines et techniques indispensables pour la bonne exécution de leurs contrats vis-à-vis de l’Etat.
5- Aux Ministres et aux Conseillers Techniques du Chef de l’Etat à tous les niveaux, les femmes du BFDD lancent un vibrant appel patriotique à servir loyalement le Chef de l’Etat, en lui disant la vérité sur la situation réelle du pays même si cela devait leur couter leur poste, et en lui apportant tous les éclairages techniques qu’exigent, la solution juste des problèmes qui se posent.
6- Aux Présidents des institutions de la République, les femmes
lancent l’appel à ne jamais perdre de vue, la mission spécifique de leurs institutions qui, indépendantes les unes des autres, doivent assurer l’équilibre des pouvoirs et l’harmonie au sein de la République.
7- Au Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement, les femmes du BFDD, demandent avec une exigence
respect de ne pas perdre de vue qu’il est le Président de tous les Béninois, aussi bien de ceux qui sont de sa mouvance politique, que de ceux qui sont dans l’opposition ; de ceux qui louent et soutiennent sa vision et son action que de ceux qui lui réservent les critiques les plus acerbes. Dans la situation de crise actuelle, quel que puisse être l’art de négociateurs, aucune solution véritable, aucun retour à l’apaisement ne peut être obtenu sans son propre engagement à se mettre au-dessus de la mêlée et à faire preuve de magnanimité
éclairée et de discernement.
8- Que les paroles du chef de l’Etat soient des paroles et des messages de sage qui rassemblent, discernent et construisent. Que ces paroles ne soient plus des glaives qui blessent, ou des invectives qui mettent le feu dans la maison BENIN.
9- En ce qui concerne les relations entre le Chef de l’Etat et les opérateurs économiques nationaux, comme cela se fait dans les grands pays, ceux-ci doivent bénéficier du soutien de la République, car ce sont des créateurs d’emplois et de gros contributeurs a la constitution de la richesse nationale.
Enfin Monsieur le Président, vous êtes Chrétien, et je voudrais au nom de tous et toutes, vous rappeler certains faits écrits dans la Bible :
- Quand on torturait le Christ, l’un de ses disciples a coupé l’oreille d’un de ses bourreaux. Le Christ a repris l’oreille et l’a recollée.
- Il y a également le jour de la Sainte Scène.
- Jésus a lavé les pieds de ses apôtres, y compris ceux de Judas.
- Plus proche de nous, le Pape Jean-Paul II a pardonné à son agresseur.
- Au Benin, le Président Mathieu KEREKOU a interdit à sa garde de tirer sur ceux qui lui ont lancé des projectiles.
- Le Président KEREKOU a également pardonné ceux qui étaient mêlés à l’agression du 16 Janvier 1977.
Monsieur le Président de la République, nous avons rappelé ces quelques faits, pour vous dire de pardonner à tous ceux que vous pensez qui vous ont offensé, quel que soit la nature de l’offense.
A propos des grèves et de leurs conséquences, nous recommandons au gouvernement de poursuivre les négociations avec les travailleurs et surtout de leur restituer tout ce qui leur a été défalqué de leurs salaires car, pour plusieurs d’entre eux, l’équilibre familial est menacé à la suite de cette opération.
Que Dieu bénisse notre pays le BENIN et son Peuple.