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La Presse du Jour N° 2074 du 18/2/2014

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Me Jacques A. Migan au sujet de la décrispation de la tension sociale au Bénin : « J’invite Yayi à aller à l’école de Kérékou : l’humilité »
Publié le mercredi 19 fevrier 2014   |  La Presse du Jour


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© Autre presse par DR
« Si le RAMU est réalisable, la Caisse Nationale de Sécurité Sociale l’aurait réalisé » dixit Me Jacques Migan


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Me Jacques A. Migan, Ancien Bâtonnier de l’ordre des avocats du Bénin, est très préoccupé par la crise sociopolitique qui secoue le Bénin depuis quelques mois. Dans une interview qu’il a accepté d’accorder à un groupe de journalistes dans son bureau à la Haie Vive à Cotonou le jeudi dernier, l’ancien conseiller juridique du Général Mathieu Kérékou estime que « la seule porte de sortie de la crise actuelle est une rencontre entre Boni Yayi et les différents acteurs en grève ».

Quelle appréciation faites-vous aujourd’hui de la situation sociopolitique du Bénin?
Je crois qu’on peut dire que notre pays traverse une grave crise puisque tout le secteur public est presque bloqué. S’il y a un secteur qui n’est pas bloqué aujourd’hui, c’est peut-être l’armée, c’est peut-être la police, c’est peut-être les douanes.

Et encore. Mais tous les secteurs vitaux, à commencer par la troisième institution c’est-à-dire l’appareil judiciaire, sont complètement bloqués et je dirai même que la situation s’est encore aggravée suite à la déclaration des responsables de l’Unamab.

Est-ce que ce pourrissement favorise le développement de notre pays? Est-ce que cette crise renforce la démocratie ? Est-ce que ce pourrissement permet la recherche de solutions aux problèmes que vivaient les Béninois avant cette crise? Aujourd’hui, les hôpitaux sont paralysés, les écoles sont fermées, les tribunaux ne fonctionnent plus, le trésor public tourne au ralenti.

Mais à qui la faute ?
Tout le monde sait que c’est pour attirer l’attention des gouvernants sur leurs conditions difficiles de travail et des conditions drastiques de la vie quotidienne que les syndicalistes et les travailleurs ont marché le 27 décembre 2013. Et c’est parce qu’ils ont été battus, blessés et qu’on a lancé sur eux des gaz lacrymogènes, alors que d’une part la marche était autorisée et, d’autre part, était pacifique, qu’ils ont entamé la grève actuelle.

Est-ce qu’il faut laisser la situation continuer à pourrir? Je ne crois pas. C’est pour cela que je demande aux différents acteurs, les responsables syndicaux et le pouvoir public, de revenir à la table de négociation. Mais il n’est pas question pour le pouvoir de désigner tel ou tel médiateur pour le représenter.

Je suggère que le Chef de l’Etat lui-même prenne le dossier en main et invite les différents acteurs qui sont aujourd’hui en grève. Je voudrais que le Chef de l’Etat fasse comme son prédécesseur, le Général Mathieu Kérékou qui humblement invitait les uns et les autres pour les écouter et trouver avec eux des solutions de sortie de crise.

Vous pensez vraiment que les syndicalistes peuvent encore écouter le Chef de l’Etat après tout ce qu’il a dit sur eux le 27 janvier dernier?
Absolument ! Ce n’est pas parce qu’il a eu à dire des choses très dures, je peux même dire indignes, qui dépassent l’entendement, qu’il ne peut point y avoir rencontre.

Au contraire, la rencontre doit se faire entre le Chef de l’Etat lui-même et les acteurs qui sont en grève sans intermédiaire. Je crois que le Chef de l’Etat, comme je l’ai dit il y a quelque temps, doit ramener la balle à terre. Les travailleurs, à travers leurs responsables syndicaux, doivent aussi ramener la balle à terre. Une rencontre s’impose entre le Chef de l’Etat et les acteurs qui sont en grève et non entre les ministres et les syndicalistes parce que jusqu’à nouvel ordre, c’est Boni Yayi le président de la République.

Au-delà du fait qu’il faut ramener la balle à terre, qui selon vous détient la solution à la crise actuelle ?
Il n’y a pas de premier acteur encore moins de deuxième acteur. Il revient à chacune des parties, à savoir le Chef de l’Etat et les responsables syndicaux, de se rencontrer. Ce n’est pas le moment de déléguer. Quand il y a rencontre, les responsables syndicaux ne délèguent pas. Ils sont prêts pour le dialogue et nous les avons vus faire.

Si les différentes rencontres ayant eu lieu entre les représentants du gouvernement et les responsables syndicaux ont échoué, ce n’est pas seulement à cause du moratoire de trois mois demandé par le gouvernement. C’est surtout parce que les émissaires du gouvernement n’ont pas le pouvoir de décision. Celui qui a le pouvoir décisionnel, c’est le Chef de l’Etat lui-même. C’est une question d’humilité.

Il faut que le Chef de l’Etat fasse preuve d’humilité et que les responsables syndicaux restent ouverts au dialogue comme ils l’ont toujours fait depuis le début. Je crois que la résolution de la crise actuelle n’est plus du ressort des ministres et des médiateurs.
A mon avis, la solution de sortie de crise se trouve aujourd’hui entre les mains du président Boni Yayi et des responsables syndicaux.

S’ils se rencontrent, s’ils se parlent, je crois qu’ils trouveront un terrain d’entente parce qu’autant Boni Yayi recherche, si je l’ai bien entendu, le bonheur de ce peuple, autant les travailleurs recherchent le bonheur du pays, autant nous tous, nous recherchons le bonheur de notre pays. Donc il faut que le Chef de l’Etat organise cette rencontre quitte à associer ses collaborateurs s’il le veut.

Si vous étiez à la place du Chef de l’Etat, accepteriez-vous de limoger le préfet Azandé et le commissaire central de Cotonou ?
Ecoutez, tant qu’il n’y a pas eu de rencontre, on ne peut encore présumer de ce qui se passerait. Qui est-ce qui peut aujourd’hui limoger le préfet et le commissaire? C’est le président de la République.

S’il peut le faire avant la rencontre, tant mieux ; mais je suis convaincu que de cette rencontre jailliraient beaucoup de choses qui permettront de régler la situation de crise actuelle. C’est pour cela que nous demandons au Chef de l’Etat de ne plus laisser quelqu’un d’autre rencontrer les responsables syndicaux à sa place.

Et ce serait en son honneur car je vous l’ai dit tout à l’heure, c’est ce qui se passait du temps du président Kérékou. Il rencontrait les syndicalistes et chacun disait librement ce qu’il avait sur le cœur. Et je vous assure, à l’issue de ces rencontres, ce sont des conclusions intéressantes et positives qui jailliraient. Maintenant si après cette rencontre de vérité, la crise perdure, on pourrait situer les responsabilités.

Donc faisons tout aujourd’hui, créons toutes les conditions pour que cette rencontre ait lieu. Pas dans l’intérêt de Boni Yayi, pas dans l’intérêt des syndicalistes, mais dans l’intérêt du peuple béninois qui a déjà assez souffert de cette situation.

Comment appréciez-vous les réformes routières actuellement en cours dans notre pays puisque cela participe aussi de la tension sociale qui prévaut en ce moment?
Chacun est dans son rôle. Le port de casque ne date pas d’aujourd’hui. Les pistes cyclables ne datent pas d’aujourd’hui non plus.

Pourquoi demande-t-on aux cyclistes d’emprunter les pistes cyclables ? C’est pour une question de sécurité, c’est pour éviter les accidents. Si on demande aux motocyclistes d’emprunter des voies qui sont réservées à leur circulation, c’est pour leur sécurité.

Ce n’est pas une question d’argent, c’est une prévention en cas d’accident. Et nous savons les dégâts subis par ceux qui ne portent pas de casque après un accident de la circulation. Plusieurs morts suite au traumatisme crânien.

Quant au casque, les gens parlent de cherté de la vie pour ne pas s’en procurer. Mais est-ce qu’il faut mettre sa vie en danger parce que le casque est cher? Lorsque vous sortez sans casque et que vous êtes victime d’un traumatisme crânien, ce que vous dépensez pour les soins est largement plus important que le prix d’un casque.

Donc chacun doit faire le bon choix.
Je n’arrive pas à comprendre qu’on puisse conduire une moto sans son casque. Je n’arrive pas à comprendre qu’on puisse conduire sa voiture sans mettre sa ceinture de sécurité. Je n’arrive pas à comprendre non plus que les voies qui sont réservées aux voitures soient empruntées par les cyclomoteurs.

Mais il faut que les autorités fassent l’effort pour doter toutes les voies de pistes cyclables parce que les cyclistes circulant sur les pistes se retrouvent brusquement sur les grandes artères disputant le passage aux voitures. Je crois qu’il y a un effort à faire de ce côté-là. Les pouvoirs publics doivent faire l’effort de doter chaque commune de pistes cyclables afin de limiter véritablement les accidents.

Pour le port de casque, le problème ne se pose pas. On peut l’appliquer tout de suite. Ce n’est pas une question d’argent comme les gens semblent le dire, mais une question de sécurité et de vie.

A cet effet, quel appel avez-vous à lancer au peuple béninois ?
Il faut que nous pensions à notre propre vie. Il faut que nous soyons disciplinés. Le port de casque, en cas de chute, en cas d’accident, protège, sauve la vie. Donc je voudrais que tous les motocyclistes portent leur casque avant de se mettre en route.

Mais il faut des casques homologués. Et en ce qui concerne les Zém, il faut impérativement qu’ils aient deux casques. Cela s’impose. Un casque pour eux-mêmes et le second pour le passager.

Je suis d’avis pour que la police sévisse s’il se confirme que des gens refusent de respecter le code de la route qui exige le port de casque. En ce qui concerne les pistes cyclables, je demande l’indulgence de la police en attendant que les pistes cyclables soient complètement construites. Je demande aux communes de faire aussi des efforts dans ce sens.

En ce qui concerne la police, est-ce que la police fait du zèle, est-ce que la police veut gagner de l’argent comme on le dit? Non, le problème ne se pose pas ainsi.

La sécurité commence par soi-même puisque personne n’a envie d’être victime d’un traumatisme crânien ou de fracture. C’est l’insouciance, l’inconscience et l’indiscipline qui amènent certains à ne pas vouloir porter de casque.
Aussi cher que coûte un casque, il demeure moins cher que les frais de soins en cas de traumatisme crânien.

Propos recueillis pour « La Presse du Jour »

par Affissou Anonrin

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