L’Etat d’une démocratie se jauge entre autres, par des élections crédibles et régulières, le respect des libertés d’agir et d’opinion, et un fonctionnement irréprochable des institutions de contre-pouvoir. Si au lendemain de la Conférence nationale en 1990, un effort était fait pour honorer la mémoire de Mgr de Souza et des conférenciers à travers un scrupuleux respect de tout ceci, rien n’est vraiment plus pareil aujourd’hui.
Le destin des peuples tient souvent à un fil tenu de l’histoire. Vingt quatre ans après la Conférence nationale des forces vives, les Béninois se doutent à peine qu’une telle rencontre a eu lieu. La raison en est très simple, l’édifice a pris un sacré coup. Il s’est fissuré par endroits, et les résolutions de la Conférence semblent loin et de plus en plus . Or, au sortir des années Kérékou sous la Révolution, le Bénin aurait pu basculer. Mais grâce au doigté de quelques hommes politiques avisés, on a pu sauver les meubles. La démocratie a pris le pas sur l’autocratie. La crise économique et la misère qui pointaient, ont laissé place à un mince espoir de renouveau. Ayant sauvé la barque de l’effondrement et de la noyade, certains cadres patriotes ont mis une patience remarquable à mettre sur pied un Etat de droit. Au monolithisme du Parti de la révolution populaire du Bénin (Prpb) et à son idéologie marxiste léninisme, s’est alors substitué le libéralisme économique. Echaudés par les années de plomb Kérékou, les architectes de la démocratie béninoise ont élaboré une nouvelle Constitution, où tout est mis en œuvre pour éviter les dérives. Avec l’expertise du Professeur Maurice Ahanhanzo-Glèlè, un véritable Etat de droit a été conçu, le rôle des institutions défini, ainsi que les garde-fous appropriés érigés contre le bâillonnement des libertés. Un soin particulier a même été mis au respect des droits de la personne humaine, afin que le citoyen ne soit plus prisonnier du politique, ni des errements de l’Etat. Désormais, non seulement l’homme est au centre de la nouvelle conception de l’Etat, mais aussi maître de son destin. On aurait pu croire que l’effervescence qui a suivi les premières années de l’après Conférence nationale, se transforme en idéaux politiques sur le long terme. Mais, c’est sans compter avec la capacité de l’homme à corrompre et à détruire la plus parfaite des ses propres œuvres.
Les entorses de la Refondation
Ironie de l’histoire, dans ce Bénin de la Conférence nationale où beaucoup ont bravé le pire, on ne peut plus désormais manifester librement. A entendre parler aujourd’hui Lokossou, Todjinou, où le magistrat Adjaka, l’on se croirait aux années noires de l’avant février 1990. Certes, il reste un semblant de liberté, qu’on peut d’ailleurs mesurer par l’activité de Canal 3 Bénin, ou le journal le Matinal. Mais, pour le reste, l’essentiel a « foutu le camp ». L’organe d’Etat, l’Ortb, qui a permis à la démocratie béninoise d’éclore et de s’affermir, a perdu de son lustre et s’est compromis avec la politique. L’Ortb n’est plus qu’une caisse de résonance au service du gouvernement. Et depuis, on ne peut plus faire la politique dans une relative quiétude sou. A part, l’Hémicycle où une certaine opposition essaye toujours de maintenir ce qui reste comme Etat de droit, il ne reste plus grand-chose, de la période de la Conférence nationale. Pourquoi ce glissement ferme vers l’abîme ? C’est la question qui s’impose.
Les politiciens indexés
Comment l’édifice s’est-il lézardé. On tenterait de répondre en mettant en exergue la concupiscence des hommes politiques Béninois. Les politiques n’ont pas pu sauver l’héritage de Mgr de Souza et Mathieu Kérékou. La preuve la Cour constitutionnelle, gardien du temple, ne fait plus l’unanimité. Elle est, depuis Me Robert Dossou au centre de beaucoup de controverses. Elle aurait pu rester une institution modèle, la référence absolue à travers l’histoire. Mais, plus d’une fois déjà le Professeur Maurice Ahanhanzo-Glèlè, le père de la Constitution lui-même, surtout à travers ses analyses sur Radio Immaculée, a dénoncé des dérives. Sans compter d’autres observateurs et spécialistes en droit constitutionnel, qui contestent les décisions de la Cour tous les jours. Mais au fond, tout ceci ne serait pas plus inquiétant si la perte de l’aura de la Cour, ne s’accompagnait d’un délitement total de la société béninoise. Les Béninois ont fini par s’accommoder de scandales économico-financiers des plus sordides. Au même moment, les ministres de la République perdent leur temps dans les meetings douteux dans les coins reculés du Bénin. Le Bénin perd le financement du Millenium challenge account. Le Spectre d’une année blanche vient couronner le tout. La liste est longue, et Il y a de quoi en perdre son latin.