« Au travail les amis, nous avons vaincu la fatalité ». Plein d’espoir, l’expérience de la conférence nationale des forces vives de la nation était enthousiaste. Chacun en était sortie avec une envie de voir un Bénin prospère, un géant pour les générations futures. L’optimisme était non seulement permis mais, il était aussi le slogan. Mais 24 ans après, est-ce qu’on a vraiment vaincu ce monstre fatal ? La réponse tarde à venir. Le Bénin a connu 3 présidents qui chacun à sa manière a fait des expériences diverses mais le bout du tunnel est bien loin. Où se trouve le nœud et qui en sont les responsables ?
Le ciel du Bénin au lendemain de la conférence nationale des forces vices de la nation était bleu. Tous les Etats ont non seulement apprécié le niveau de maturité du peuple mais étaient presque ‘’jaloux’’ de ce pays qui s’était offert un grand boulevard pour des progrès économiques fulgurants. Leur regard était d’ailleurs si juste qu’il n’y a même rien qui ne pouvait vraiment justifier cette baisse de performance qu’on constate aujourd’hui. A part quelques rares Etats de la sous-région à l’époque, le Bénin était le seul pays qui pouvait s’enorgueillir de la qualité de son élite, de sa diversité culturelle, de la richesse de sa végétation, de la présence de sa côte, de sa stabilité politique et bien d’autres atouts. C’était une certitude au regard de tous, que les décennies qui allaient suivre, une merveille allait sortir de terre dans l’espace sous-régionale. Et cette merveille, c’était le Bénin. Mais voilà. 24 ans après, les espoirs dans bien de domaines n’ont pas été comblés. L’aventure du Bénin en 24 ans laisse un goût d’inachevé. Il semble qu’on n’arrive pas toujours à terminer les grands chantiers qu’il faut amorcer pour un vrai décollage du pays. Chaque génération arrive et laisse un actif qui ne comble pas toujours les attentes. Il a semblé qu’il manqué de grands rêves et de grand sacrifice sur tout le parcours. Mais ce n’est pas encore le plus important. Ce qui accroche, c’est l’héritage des personnages qui ont reçu l’onction pour présider aux destinées de ce pays. Faisons l’exercice tout aussi délicat d’analyser le parcours des trois hommes d’Etat qui se sont succédé. Nicéphore Dieudonné Soglo, Mathieu Kérékou et Yayi Boni. Le premier tout juste après l’ère du renouveau démocratique a été mis au devant de la scène. Il portait dans le temps sur ses épaules tout l’espoir d’un peuple après son élection le 24 mars 1991. Il s’est mis au travail. Les cinq ans sont très vite passés mais il y a eu beaucoup d’acquis tout de même. On pouvait noter au plan économique, une relance remarquable et une envie de procéder à de profondes réformes. La croissance a commencé par se stabiliser mais tout n’était pas rose en son temps. Le monstre de la dévaluation était passé par là entre temps et a déjoué les prévisions. Mais de l’avis général, tout allait à son rythme. Au plan politique, comme tout était à refaire, il fallait poser les bases à travers la création de l’institution socle du processus démocratique qu’est la Cour constitutionnelle en 1993, ainsi que la redynamisation des institutions existentes. La première élection législative a eu lieu en février 1991 et la première mandature s’est mise à la tâche. Elle était très forte et a assuré sans conteste sa mission. Mais la suite a été un peu brusque puisqu’au soir des élections présidentielle de 1996, il a été changé. Hercule n’avait pas fini d’accomplir ses douze travaux.
Le virus de la politique et la question de vision
La politique a dispersé dans une grande mesure les énergies du Président sortant de 1996. Il était un personnage aimé mais acculé sur le terrain politique. Son départ selon certains observateurs était beaucoup plus mu par des raisons politiques, subjectifs, qu’objectifs. Mais quoiqu’on dise, il a été rejeté et l’ancien craché en 1990, le Président Mathieu Kérékou a été réintégré en 1996. Le rêve du Président Soglo était inachevé puisqu’il n’était pas conduit jusqu’au bout. Son successeur avait une vision différente portée par une équipe composée de personnalités aux aspirations différentes. Des projets ont été réalisés pendant les dix ans de Kérékou II mais toujours avec un gout d’inachevé. Le personnage de Kérékou était un fin politique qui maitrise le politique béninois, mais il n’était pas forcément porté par le rêve économique de son prédécesseur. Donc à chaque expérience on retrouvait des personnages qui sont affaiblis d’un côté comme de l’autre, ce qui ne permettait pas de réussir convenablement la mission. Les Béninois à l’aide d’une lampe torche se sont mis à chercher au soir de 2006, le président exemplaire qui pouvait concilier le jeu politique aux ambitions économiques. Il aura fallu du temps mais ils ont trouvé l’intrus qui sans conteste avait toutes les cartes pour rattraper le grand retard. Cette fois-ci sera la bonne espéraient beaucoup de Béninois.
L’après 2006 et l’heure des remises en cause
Affirmer que rien n’est fait depuis 1990 est une erreur. Dire aussi que le rêve de 1990 a été réalisé est un péché monumental. Le parcours est encore long et les défis grands. Le Bénin selon plusieurs observateurs ne devrait plus être à cette étape mais l’espoir est toujours permis. Entre 2006 et 2014 qu’est-ce qui a pu être fait ? Beaucoup certainement. Des projets et des programmes ont été mis en œuvre, mais est-ce que le personnage sauveur qu’on a cherché dans les ‘’foins’’ a réussi le pari ? Répondre par l’affirmative serait risqué. Sur plusieurs points, des efforts de développement ont été consentis. L’ambition était sans ambages sauf qu’il s’est posé à plusieurs égards des questions de choix. On a retrouvé un personnage qui avait une carrure de développeur très affirmé mais qui manquait presque toujours de sérénité dans les choix. Cette nature a déteint sur le jeu politique qui était très mal conduit. L’atmosphère politique était très agitée et continue de l’être. Et comme inévitablement l’instabilité du dialogue politique a des impacts sur l’économie, il y a des raisons évidentes de noter l’essoufflement et l’absence de sérénité dans les options économiques. Les actions qui devraient être menées simplement ne le sont pas parce que le bras de fer est constant. Dans un sens comme dans l’autre les choses n’ont pas tournées rond. Retour à la case départ, est on tenté de dire. Dans un discours politique tout aussi intéressant qu’il a proclamé il y a 23 ans, le président Soglo a déclaré ceci : « Porté par le suffrage du peuple aux responsabilités qui sont aujourd’hui les miennes, je me suis imposé comme premier objectif de mon programme rendu public le 31 juillet 1991, d’assurer « l’irréversibilité du processus de démocratie pluraliste qui doit conduire à l’instauration, à la consolidation d’un État de droit et à la sauvegarde des libertés individuelles et collectives ». Pour y parvenir, j’ai fixé à l’action gouvernementale, des exigences dont la toute première consiste à « raffermir les bases de l’État de droit » ; une autre consiste à « mettre en œuvre une réforme de l’administration territoriale, fondée sur le principe de la décentralisation, visant à donner aux populations des pouvoirs réels de gestion et de contrôle des affaires de leurs localités ; une troisième, enfin, veut « faire de la justice un pilier de l’État de droit ». Avons-nous pu réussir quelque chose de ces grands chantiers ? Certainement oui mais quoiqu’on dise, le rêve est toujours inachevé.