« 24 ans déjà ! Là où on devait être, on n’est pas là. 24 ans dans la vie d’un individu, ce n’est pas petit. A l’échelle nationale, on peut dire qu’il y a eu des acquis et notre démocratie devait beaucoup plus s’enraciner.
Mais vous constatez que sur plusieurs aspects, on fait du sur place. Je prends deux volets. Sur le plan des symboles de cette Conférence, vous prenez le Plm Alédjo, le berceau de notre démocratie. Ce lieu est laissé dans un état de décrépitude très avancé, c’est le nid des chauve-souris, des reptiles…
Nous nous sommes déplacés pour voir dans quel état se trouve ce lieu. Sur le plan spirituel, on peut dire que c’est la situation que nous vivons trouve sa source dans l’état de délabrement de ce berceau. Ce lieu pouvait être transformé en un musée pour y mettre tout ce qui peut symboliser cette Conférence.
Sur le plan politique et l’enracinement de la démocratie, aujourd’hui, nous constatons qu’il y a eu du recul parce que qui dit démocratie dit Etat de droit, bon fonctionnement des institutions qui refusent la caporalisation par le pouvoir exécutif. Aujourd’hui, nous avons l’impression que le gouvernement veut inféoder toutes les institutions. Ce n’est pas ça l’esprit de la démocratie.
D’où la nécessité de veiller à ce que les institutions de contre-pouvoir jouent leur rôle. Si le système démocratique est bien compris, on peut aller au développement comme cela se passe ailleurs. Mais pourquoi on en arrive là ? C’est parce qu’on ne s’entend pas sur un minimum. Il faut doter le Bénin d’un canevas pour tendre vers le développement. Ainsi, on ne serait pas dans l’éternel recommencement.
Nous devons donc faire des projections. L’autre chose, c’est l’éducation de la masse. Normalement, on devait avoir un programme de formation de la masse. Dans une démocratie, la population doit savoir qu’elle est détentrice du pouvoir, de mettre et de démettre des gens à la tête du pays puisque la souveraineté appartient au peuple.
Les gens affament le peuple mais ce même peuple est prêt à voter les mêmes quand ils lui donnent des miettes. Le sport favori aujourd’hui, c’est la transhumance. Il y a un dysfonctionnement mais aucune institution n’a le courage de prendre ses responsabilités. Et face à tout ça, la jeunesse a été sacrifiée. Il y a 30 ans, en 6è, vous avez déjà la bourse.
Aujourd’hui, même ceux qui ont le Bac, ils n’obtiennent pas ceux à quoi ils ont droit. On n’a rien fait pour former les jeunes. Les jeunes aussi ne sont pas prêts à réfléchir à leur avenir. Nous ne sommes pas nombreux à être engagés sur le plan politique. Les jeunes comme moi qui ont souvent pris position, paient le lourd tribut de leurs convictions.
Et pourtant, nous devons continuer. Il y en a qui sont appelés fous du roi qui partagent des millions de francs à la fin de chaque mois pour toujours claironner que Yayi Boni est le meilleur de tous, que Yayi Boni est le plus beau de tous. Que faisons-nous pour que ces genres de jeunes ne prospèrent pas dans la République ?
Nous devons travailler à informer pour développer le patriotisme, le civisme et évoquer les héros du pays. Cela peut susciter la vocation politique chez des jeunes. Pourquoi si les Houngbédji à 26 ans, les Tévoèdjrè à 23 ans, les Amoussou à 26 ans… ont défendu des projets, nous on doit nous empêcher de nous montrer à 40 ans ?
Qu’est ce que les jeunes ont fait pour mériter ça ? Quel est aujourd’hui le mécanisme de redistribution mis en place ? Chacun vient et fait ce qu’il veut. Les gens viennent poser les premières pierres et après c’est les herbes qui l’entourent. Mais ce que je vous dis serait marginal à côté de ce que l’intelligence collective peut produire.
C’est pourquoi, les assises nationales sont indispensables pour faire le point de notre démocratie. Nous parlerons de ce qui a marché et de ce qui n’a pas marché en passant en revue le fonctionnement de nos institutions de contre-pouvoir. Cela nous permettra d’identifier les leviers sur lesquels agir pour les 20, 30 voir les 50 prochaines années ».