S’achemine-t-on vers la fin des grèves perlées qui secouent depuis quelques semaines l’administration publique au Bénin ? On est tenté de répondre sans coup férir par l’affirmative au regard des avancées significatives connues, hier à l’Infosec de Cotonou, par les négociations entre le gouvernement et les Centrales et Confédérations syndicales pour une sortie de crise.
Par Thibaud C. NAGNONHOU
Une lueur d’espoir se dégage désormais dans les négociations entre le gouvernement et les Centrales et Confédérations syndicales. Après près de cinq heures de discussions sur fond de tiraillements, hier à l’Infosec, les deux parties sont en train d’accorder, comparativement à leur dernière rencontre du lundi 10 février dernier, leurs violons sur un minimum pour une reprise des activités dans l’administration publique faite de grèves perlées depuis plusieurs semaines. En tout cas, le niveau des discussions relatives à l’épineuse question des défalcations sur salaires laisse présager que le bout du tunnel n’est plus loin.
En effet, à la reprise hier après-midi aux environs de 15h50mn, les deux parties étaient encore au complet. Du côté de l’Exécutif, il y a six ministres. En l’occurrence le ministre d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur, François Abiola, le ministre en charge du Dialogue social, Martial Sounton, le ministre en charge de l’Enseignement secondaire, Alassane Djimba, le ministre en charge de l’Enseignement primaire, Eric N’Da, le ministre de la Santé, Dorothée Akoko Kindé Gazard et le ministre en charge de la Famille, Marie Laurence Sranon. Il y a aussi la présence des facilitateurs à savoir le haut commissaire à la Gouvernance concertée, Moïse Mensah, le président du Conseil économique et social, Nicolas Adagbè et le médiateur de la République, Joseph Gnonlonfoun.
La partie syndicale était représentée par le secrétaire général de la CSTB, Paul Essè Iko, celui de la CGTB, Pascal Todjinou, Dieudonné Lokossou de la CSA-Bénin, Noël Chadaré de la COSI-Bénin, Christophe Dovonon de la CSPIB, Laurent Mètognon de la FESYNTRA-Finances et par une forte délégation de syndicats de base. Contrairement à la dernière rencontre du lundi 10 février dernier, celle d’hier semble déboucher sur une lueur d’espoir.
La question des défalcations opérées sur les salaires des mois de janvier dernier et février en cours a été le plat de résistance des discussions. Là-dessus, le gouvernement a fléchi et a décidé de couper la poire en deux. Il a concédé aux travailleurs le reversement des défalcations du mois de janvier dernier. Et de maintenir celles du mois de février.
Ce que n’entendent pas les Centrales et Confédérations syndicales.
Pour les secrétaires généraux, il n'en est pas question. Le gouvernement doit retourner non seulement les défalcations des deux mois querellés mais aussi celles de 2012 restées en suspens jusqu’ici. Les deux parties se sont tiraillées pendant plusieurs heures autour de la question.
Dans cette foulée, certainement décidés à voir finir les grèves, certains syndicalistes surtout de la base proposent au gouvernement de rétrocéder tout au moins les défalcations des salaires de janvier et février, quitte à verser celles de 2012 au sein de la Commission nationale de négociations gouvernement/Centrales et Confédérations syndicales. La partie gouvernementale sous l’égide des trois facilitateurs a pris acte de cette dernière proposition des travailleurs.
Elle a promis de l’étudier en Conseil des ministres pour voir la suite à lui donner. C’est sur celle-ci que les deux parties se sont séparées hier espérant se revoir sous peu pour la poursuite des travaux.
Une grève illégale ?
Mais avant les discussions sur la question des défalcations, le gouvernement a soulevé la question de la légalité ou non de la grève des travailleurs. Il a tenté de démontrer que cette grève est illégale.
Car, les travailleurs n’ont pas suivi la procédure en la matière prévue par les articles 3, 6 et 7 de la loi 2001-09 du 21 juin 2002 portant exercice du droit de grève en République du Bénin. Laquelle procédure est surtout relative aux différentes étapes prévues par la loi avant le déclenchement d’une grève au Bénin.
Selon le gouvernement, les travailleurs grévistes ont foulé au pied ce texte de loi. Faux, ont rétorqué les Centrales et Confédérations syndicales.
Pour celles-ci, leur grève déclenchée à la suite de la répression sanglante de leur marche du 27 décembre 2013 pour exiger l’annulation du dernier concours d’APE organisé au profit du ministère de l’Economie et des Finances et les libertés fondamentales, suit bel et bien les règles en la matière. Un dialogue de sourd sur fond d’interprétation de texte s’est instauré entre les deux parties. Au point où le gouvernement a proposé aux syndicalistes s’ils ne sont pas convaincus de l’illégalité de leur grève, de saisir la Cour constitutionnelle pour solliciter son arbitrage.
Sentant certainement un enlisement des débats, les facilitateurs Moïse Mensah, Joseph Gnonlonfoun et Nicolas Adagbè se sont retirés de la salle des négociations pour une concertation à 18h 21mn. Après huit à neuf minutes de huis clos, ils retournent en salle pour demander que la question de la légalité ou non de la grève soit mise entre parenthèses pour permettre d’évoluer. Cette proposition a été prise en compte. Les choses vont effectivement évoluer pour aboutir à un début de consensus autour de la question des défalcations sur salaires.
Les autres revendications relatives au limogeage du préfet des départements de l’Atlantique et du Littoral, Placide Azandé et du commissaire central de Cotonou, Pierre Agossadou, semblent être reléguées au second plan pour l’instant.
Les deux parties ont suspendu hier les travaux à 20h33 mn. Elles se retrouvent dans les toutes prochaines heures avec l’espoir que la crise sociale sera conjuguée au passé.