euf jours après le coup de force qui l’a chassé de la tête de l’Etat centrafricain, François Bozizé est sorti de son silence. Invité le mardi 2 avril 2013 de la radio BBC Afrique, le président déchu porte de graves accusations sur N’djamena, son allié d’hier. Convaincu d’être la victime d’un « complot bien huilé », il s’en prend au Tchad qu’il accuse d’avoir soutenu la Séléka, la rébellion armée qui lui a ravi le pouvoir le 24 mars dernier.
Monsieur le président, vous attendiez-vous au coup de force de la Séléka ?
Nous connaissons la capacité militaire de la Séléka. Le samedi 23 mars, nous les avions anéantis. Cependant dans la nuit du samedi 23 au dimanche 24, nous pouvons confirmer et affirmer qu’ils ont eu le soutien d’un pays africain, le Tchad. Ce sont les forces armées tchadiennes qui ont mené les opérations du dimanche dans la matinée et qui ont pu attaquer la base des Sud africains qui se trouvait sur l’itinéraire.
Monsieur le président, c’est une accusation assez grave. Le Tchad entretenait d’étroites relations avec la République Centrafricaine. Est-ce qu’on peut savoir les raisons profondes de ce revirement ?
S’il y a revirement, c’est aux autorités tchadiennes de donner des explications. Je suis d’accord avec vous que nous avions des relationsfraternelles, solides. Les Tchadiens qui vivent en république centrafricaine n’ont aucun souci. De même, les Centrafricains qui vivent au Tchad n’ont aucun souci. Mais nous sommes surpris de ce comportement. Seules les autorités tchadiennes peuvent nous donner des explications là-dessus.
Vous avez été, pour ainsi dire, lâchés par le Tchad. Mais, qu’en est-il du Congo-Brazzaville avec qui vous entreteniez aussi de bonnes relations ?
C’est la même situation, les mêmes relations que nous avions avec le Tchad sont celles que nous avions avec la république du Congo et j’ai téléphoné hier au président Sassou pour lui dire que je voudrais être présent au sommet extraordinaire de N’djamena demain (3 avril 2013, NDLR). Mais, malheureusement, il semble bien que le protocole de la présidence du Tchad a donné une réponse négative.
D’aucuns disent que vous n’avez à vous en prendre qu’à vous-même, d’autant plus que vous avez refusé d’appliquer intégralement les accords de Libreville
Ça me fait rire. S’il y a quelqu’un qui a appliqué correctement les accords de Libreville, c’est bien le pouvoir en place dirigé par le président Bozizé, depuis le premier sommet extraordinaire de N’djamena, jusqu’au deuxième sommet à Libreville. Après les accords de Libreville, est-ce que la Séléka a respecté un seul iota ? Je ne crois pas. Qu’a dit le sommet de N’djamena ? Qu’ils cessent les hostilités et repartent à leur point de départ. Qu’a dit le sommet de Libreville ? Regroupement, cantonnement. Est-ce qu’ils ont respecté cela ? Le Comforce, le gabonais a été les voir à plusieurs reprises sur le terrain. Est-ce qu’ils l’ont écouté ? Le premier ministre actuel est allé les voir sur le terrain. Le représentant du président congolais a été sur le terrain. Mais, qu’ont-ils fait ? Ils ont maintenu les cinq ministres et exigé des choses en dehors des accords de Libreville. Où est la vérité dans cette affaire ? Je vous laisse le soin de deviner le complot bien huilé que l’on présente aux yeux de la communauté internationale.
La Séléka vous reproche, par exemple, d’avoir refusé de libérer l’ensemble des prisonniers politiques comme stipulé dans l’accord de Libreville…
Nous avons libéré les prisonniers, puisque j’ai pris un texte qui a été publié. Ils sont libres ! A moins qu’il y ait des personnes dont nous ne connaissions pas les noms. Le décret est là, signé et diffusé. Beaucoup de gens ont été libérés. Nous avons toujours appliqué ce qu’on nous a demandé d’appliquer. Mais, l’objectif, pour eux c’était de prendre le pouvoir. C’est ce qu’ils ont fait. C’est ça la triste réalité. Mais quand à respecter les accords de Libreville, ça je peux en être fier et j’ai la conscience tranquille.
Vous parlez d’une espèce de conspiration internationale. Dans le magazine Jeune Afrique, vous disiez en substance qu’il s’agit également d’une guerre du pétrole. Pouvez-vous être plus explicite ?
Là, vous me ramenez à la case départ concernant cette affaire. Vous savez que nous avons signé des conventions avec des hommes d’affaires américains et autres. Et l’homme d’affaire Gryngberg a porté plainte au tribunal du commerce international et malheureusement, ce tribunal nous a donné raison.