Le sixième dossier sur lequel la cour d’assises d’Abomey a statué, mardi 2 avril dernier, porte sur une affaire de meurtre commis par Albert Avandé sur le sieur Gnikpota Avandé. Pour examiner ce dossier, le président de la cour de céans, Geneviève Boko Nadjo, s’était entourée des assesseurs Faustin Anagonou et Rodolphe Yaovi Azo ainsi que des jurés. Le ministère public est représenté par Solange Béhanzin et Me Innocent Arayé occupait le fauteuil de greffier.
Les faits du sixième dossier de la cour d’assises au titre de sa première session de 2013 remontent à 2007.Originaire de Gangban dans la commune de Ouinhi, Albert Avandé et Gnikpota Avandé sont des frères germains. Leur père, de son vivant, avait remis son terrain en garantie à Amayé Sossou contre une somme de 160 000 francs CFA. Au décès du père, Amayé Sossou demande aux fils de lui rembourser la somme afin de récupérer la parcelle de leur père mise en gage. Gnikpota, le grand frère, refusa de participer au remboursement des fonds. Albert rembourse seul les fonds et récupère le terrain. Quelques mois plus tard, il tombe gravement malade. Gnikpota s’empare alors du terrain et le vend. Albert l’accuse d’être à l’origine de son mal, ce qu’il admet d’ailleurs aisément dans une lettre en date du 6 janvier 2006 par laquelle il reconnaît être l’auteur de l’envoûtement de son frère. Pour éviter tout problème, Albert achète une autre parcelle qu’il complante de palmiers à huile. Le 26 décembre 2006, Gnikpota se rend dans la palmeraie de son frère Albert en compagnie de Dansou Assogba afin que ce dernier identifie les palmiers préalablement achetés et qu’il puisse vendre le reste. Albert informé, se rend immédiatement sur le champ où il interpelle son grand frère. Ce dernier lui confirme qu’il s’en va vendre tous les palmiers sans craindre quoi que ce soit. Enervé, Albert le poignarde en plein ventre. Gnikpota rend l’âme quelques jours plus tard à l’hôpital de Goho où il avait été évacué. Albert est donc appréhendé et accusé de meurtre. Le bulletin N° 1 de son casier judiciaire ne porte mention d’aucune condamnation antérieure. L’enquête de moralité lui est favorable. L’expertise médico-psychiatrique et psychologique ne révèle pas qu’il était en état de démence au moment des faits.
Un accusé qui varie dans ses déclarations
Appelé à la barre pour s’expliquer, l’accusé Albert Avandé varie par rapport à ses déclarations faites lors de l’enquête préliminaire et devant le juge d’instruction. Il change sa version des faits et soutient que son grand frère Gnikpota Avandé a trouvé la mort lorsqu’il disputait la machette avec ce dernier. Selon ses explications, il aurait lâché la machette que lui arrachait son grand frère. La partie tranchante étant positionnée vers son abdomen, elle l’y blessa. Mais déterminée à démêler l’écheveau, Solange Béhanzin représentant le ministère public fait lire ses précédentes déclarations à l’enquête préliminaire et devant le magistrat instructeur. Mieux, pour confondre l’accusé, l’avocat général fait comparaître à titre de témoins le sieur Assogba Dansou et Elisabeth Avandé, épouse du défunt Gnikpota. Ces derniers ont confirmé, tour à tour, les faits tels qu’ils se sont déroulés. Ce n’est qu’après cela et suite aux questions de l’avocat général qu’Albert Avandé revient sur ses déclarations à la barre pour se conformer à celles qu’il a faites aux précédentes étapes de la procédure. Ainsi, le ministère public, suivant les dispositions de la loi dont les articles 295 et 384 alinéa 4 du code pénal qui traitent de la question, demande à la cour de déclarer l’accusé coupable de meurtre et de lui infliger une peine de 20 ans de travaux forcés.
La défense de l’accusé assurée par Me Amos Akondé réfute l’acception de meurtre en se tablant sur le défaut de l’élément intentionnel. Selon lui, Albert ne s’était pas rendu dans la palmeraie dans l’intention de tuer son frère aîné et aurait agi sous l’effet de la colère. Il évoque, par ailleurs, l’absence d’autopsie, la défaillance des soins reçus à l’hôpital qui justifierait le décès de la victime. Par conséquent, il invite la cour à considérer cet accident comme un coup mortel et demande une situation atténuante et la réduction de la peine proposée par le ministère public pour son client.
Vu le rapport de moralité favorable à l’accusé, le résultat des examens psycho-psychiatriques et après avoir pris en compte les réquisitions du ministère public et les observations de l’avocat, la cour déclare Albert Avandé coupable d’homicide sur Gnipkota Avandé avant de le condamner, au regard des articles 295 et 304 du code pénal, à six ans de travaux forcés. L’inculpé mis sous mandat de dépôt le 23 juillet 2007, boucle au jour du procès, 5ans, 8 mois et 10 jours de vie carcérale. Il retournera en prison pour purger sa peine restante, soit 3 mois et 20 jours avant de pouvoir recouvrer sa liberté le 23 juillet prochain....