Accueil    Shopping    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Benin    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article




  Sondage



 Autres articles



Comment

Société

Abattoir du marché Dépôt : Lieu de nombreuses activités génératrices de revenus à Parakou
Publié le jeudi 4 avril 2013   |  La Nation


Abattoir
© Autre presse par DR
Abattoir du marché Dépôt


 Vos outils




L’abattoir du marché Dépôt constitue, quand bien même l’essentiel du commerce qui s’y mene au quotidien relève encore de l’informel, un des poumons économiques du développement de la ville de Parakou. Ici, tout est bon dans le bœuf y compris son urine, ses testicules et son sang. De la viande aux cornes, en passant par les abats, la tête et les pattes de la bête abattue, tout a son importance et son prix.

Par Maurille GNASSOUNOU


L’emplacement qui naguère, constituait le lieu d’abattage du marché Dépôt à Parakou, a fini par faire la place à un abattoir qui rivalise avec ceux des marchés Azerkê, Guéma et Tourou, puis dans une certaine mesure, celui de Zongo. En témoignent les diverses activités génératrices de revenus qui s’y mènent, en dehors de la vente au détail de la viande sous les appatams voisins.
Au moment où l’abattoir n’était pas construit, explique le boucher, Dramane Mongo, tout se faisait de façon archaïque. Les bouchers avaient l’habitude de travailler à même le sol, sur la terre nue, en ne tenant pas compte des conditions d’hygiène, avec les risques que la viande ramasse des grains de sable et s’infecte de microbes. Les bouchers n’étant pas organisés en association, chacun faisait ce qu’il voulait, a indiqué Dramane Mongo.
A l’origine, c’était ensemble que leurs parents exerçaient à l’abattoir du grand marché d’Azerkê. Mais avec l’évolution qu’a connue la ville de Parakou sur le plan démographique, l’activité s’est également développée et certains bouchers ont spontanément décidé d’aller s’installer ailleurs. C’est ainsi qu’ils se sont retrouvées au marché Dépôt.
Avec le temps, et grâce à l’aide du service vétérinaire, un abattoir occasionnel sera construit sur les lieux, pour leur permettre d’apporter un peu de soins à ce qu’ils font. Conscientes des difficultés auxquelles ils sont confrontés et soucieuses d’améliorer leurs conditions de travail, les autorités se résoudront finalement à mettre à leur disposition l’actuel abattoir en 1994, grâce à un projet. En dehors de l’abattoir, une boucherie moderne leur a également été construite.

Toute une activité autour de la bête abattue

L’abattoir du marché Dépôt compte une vingtaine de bouchers. Mais à cause de la mévente qu’ont connue leurs activités en 2009, ils se sont entendus pour qu’au moment où dix abattent des bêtes, dix autres soient au repos afin de prendre le relai dans les 24 heures qui suivent.
L’heure fixée pour le démarrage de l’abattage est 7 h. Il s’achève à 10 h. Ce qui n’empêche pas ceux dont c’est le tour, d’être déjà à pied d’œuvre entre 5 h et 6 h, pour ne pas accuser du retard à rejoindre leurs appatams.
Ce sont au moins une dizaine de bœufs qui sont journalièrement tués à l’abattoir du marché Dépôt, comparativement à ceux des marchés Azerkè, Guéma et Zongo où ce nombre est respectivement de 7, 6 et 3. C’est avec des couteaux et des hachettes que le travail s’effectue. Les bêtes sont égorgées par des personnes habilitées communément appelées « Alpha ». Ces derniers préparés à cette tâche savent comment procéder. Un large couteau en main, ils font une énorme entaille à la gorge de l’animal dont la tête bloquée par deux ou trois gaillards, laisse apparaître son coup saillant. Le sang de la bête peut alors couler par jets puissants.
Les Alpha sont rémunérés à raison de 200 F CFA par bête abattue. C’était le prix auquel était vendu le ½ kg de viande qui leur revenait de droit. A force de se retrouver tous les jours avec une importante quantité de viande à la fin, ils préfèrent désormais être payés en espèces.
Après l’abattage des bêtes, des apprentis aident les bouchers à les dépecer, puis à procéder à l’éviscération. Ils retirent les abats blancs comme les tripes, les intestins et la panse, ainsi que les abats rouges tels que les poumons, le cœur, les reins, la rate, les rognons et le foie, avant de découper les quartiers de viande qu’ils vont suspendre à des crochets, en attendant que le vétérinaire les estampille pour les rendre aptes à la consommation. Ces apprentis sont appelés un jour à remplacer les bouchers, à condition que ces derniers décident de les libérer. Comme récompenses de leur aide, ils reçoivent une quantité de viande appelée « part de l’apprenti ». En fait, il s’agit de certaines parties spécifiques de la bête abattue qu’ils ont le droit de prélever jusqu’à une proportion indiquée.

Assistantes hors pair

Des femmes viennent également assister les bouchers. Ce sont souvent leurs épouses, leurs sœurs, leurs filles ou de tierces personnes. Elles les aident à vider les panses et les trippes des bêtes tuées. Ces femmes vivent de cette activité, quoiqu’elles l’exercent pour la plupart comme activité secondaire. Au départ, c’est la queue de l’animal qui leur revenait en guise de rémunération. Mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas. La queue de bœuf étant devenue très convoitée et prisées, les bouchers ont désormais décidé de leur payer 1000 F CFA en fonction du nombre de bêtes sur lesquelles, elles ont travaillé. En plus de cette somme, elles arrivent souvent à se constituer des provisions de viande, soit en achetant la part des apprentis, soit des carcasses et autres déchets des animaux, dont les bouchers se sont débarrassés. Il faut les voir à l’œuvre, tels des vautours aux aguets, prêtes à se disputer les rares lambeaux de chair laissés par inadvertance.
C’est sous le caïlcédrat qui jouxte l’abattoir du grand marché d’Azerkê, un petit marché mitoyen, qu’elles revendent par petits tas de 1 000 F CFA disposés dans des plateaux, la moisson de viande qu’elles ont réussi à mettre de côté. Leur clientèle est composée surtout de petites vendeuses de mets au bord des voies et qui n’ont pas suffisamment de moyens pour aller devant les étalages des bouchers. Elles tirent profit des bêtes abattues, sans avoir la moindre idée de ce qu’elles ont coûté au boucher. C’est pour elles une véritable aubaine à l’image de celles qui payent à la commande entre 15 000 et 35 000 F CFA, les peaux des bêtes pour en faire du « kpanman », un dérivé comestible très prisé.
Précisons que le prix de la peau est fonction de la taille et de la qualité de l’animal. Après l’avoir nettoyée, préparée et coupée en petits morceaux, les femmes revendent la peau en détails.

Rôle des hôtesses et des dépouilleurs

Il existe également une autre catégorie de femmes, qu’il n’est pas rare d’apercevoir aux côtés des bouchers. Cela peut paraître insolite. Elles ne sont pas là, pour les contrôler, mais les aider à emballer ce que les clients ont acheté ou à faire la monnaie et à retourner les reliquats. Leur rôle consiste aussi à accueillir la clientèle, à la mettre à l’aise, la rassurer et à veiller à ce qu’on s’occupe bien d’elle. Les bouchers les rémunèrent en fonction du chiffre d’affaires qu’ils réalisent. Lorsque la vente est bonne, un boucher peut, dans sa générosité, être amené à donner 1 500 F CFA à son assistante.
Outre les apprentis bouchers capables de dépecer un animal en un laps de temps et les femmes, les dépouilleurs de têtes forcent également l’admiration. Cohabitant avec les bouchers sous les appatams, ce sont de véritables spécialistes. Ils achètent les têtes de bœufs entre 10 000 et 25 000 F CFA et se chargent ensuite de les disséquer avec une expertise, qui force l’admiration quitte à les revendre entre 17 000 et 40 000 F CFA.
Mohamed Samari, occupé à travailler une tête qu’il a prise à 18 000 F CFA, est l’un de ces dépouilleurs. Il la revendra en pièce, avec l’espoir de faire un bénéfice. La viande récupérée et surtout la langue, très recherchée, seront vendues. La quarantaine révolue, Mohamed Samari estime que l’activité est vraiment rentable. Il ne se souvient plus du nombre de ces bêtes abattues dont les têtes ont déjà subi les effets de sa hache tranchante et acérée.
En effet, c’est depuis sa tendre enfance qu’il a appris cette activité.
A l’abattoir du marché Dépôt, on reste également admiratif devant les spécialistes du travail des pattes et des queues de bœufs. Ce sont des jeunes dont l’âge moyen est 22 ans. Au nombre d’une demi-douzaine, c’est avec une certaine aisance qu’ils s’activent quotidiennement, autour d’un feu de bois, à nettoyer à raison de 500 F CFA l’unité, des pattes et queues de bœufs. Malgré les risques qu’ils courent de se blesser avec le couteau ou de se brûler au feu, tous avouent être fiers de cette activité qui les occupe à plein temps. « Il arrive parfois que certains parmi nous, rentrent chez eux avec une recette journalière estimée à plus de 4 500 F CFA », reconnaît Karimou Awali qui s’adonne à cette activité depuis plus de 5 ans. Moukaïla Idrissou, la vingtaine, qui a débuté cette activité à l’âge de 13 ans, ne le contredira pas. Pour le moment, il ne pense même pas à sa reconversion. « Je gagne entre 2 000 et 5 000 F CFA par jour, parfois », laisse-t-il entendre.

Les difficultés du métier

Pour le secrétaire général de l’Association des bouchers du marché Dépôt, N’Gobi Sanni, ces difficultés sont nombreuses. « D’abord, il faut voir notre situation. Nos viandes sont exposées. C’est après un malentendu avec la Société de gestion des marchés de Parakou (SGMP), que nous avons surtout pris la décision de laisser la boucherie. Elle nous obligeait à payer 800 F CFA comme taxe tous les jours», fustige-t-il. Il a ensuite déploré l’absence de chambres froides pour les aider à conserver les stocks de viande qu’ils n’ont pas réussi à écouler, tout comme celle d’enclos pour abriter le bétail avant abattage.
Par rapport à la disponibilité à bon prix des bêtes, il a expliqué que « Tout dépend de la période et de la situation sur le marché à bétail. Avant de procéder à l’abattage, nous devons d’abord nous approvisionner en bêtes. En tant que client, que pouvons-nous faire, si le marché du fournisseur n’est pas bon ? Il y a des moments où, il n’y a même pas de bêtes. De même, il arrive que plusieurs bouchers se retrouvent autour d’un animal pour discuter de son prix. Et là, c’est le plus offrant qui l’emporte sans être sûr d’avoir réalisé une bonne affaire ».
Les bouchers doivent également faire face à la rude concurrence que leurs collègues qui ont choisi de travailler dans la clandestinité ou l’informel pour éviter les contrôles des vétérinaires, ont décidé de leur livrer. Quand la demande est forte et qu’il y a rupture du stock de viande dans le marché, ils réussissent à insérer celui des bêtes qu’ils ont abattues.
« Des sanctions sont pourtant prévues contre eux. Le service vétérinaire procède à la saisie systématique de leurs viandes, lorsqu’il les surprend. Ensuite, ils sont interdits d’activités pendant au moins un mois. Nous essayons de les dénoncer, pour éviter qu’ils ne fassent consommer de la viande de mauvaise qualité à la population. Le plus important est de les amener à ne pas porter préjudice à notre corporation », indique Dramane Mongo. « Il ne faudrait pas qu’ils compromettent ceux qui exercent le métier dans la légalité », a-t-il poursuivi.
Sur un autre plan, ils sont régulièrement en contact avec le sang frais. A cet effet, ils ont besoin d’un suivi sur le plan médical. C’est déjà heureux que la plupart d’entre eux se soient inscrits auprès d’une mutuelle qui, en contre partie d’une cotisation mensuelle de 300 F CFA, contribue jusqu’à 50% de leurs frais médicaux.

Appatams préférés à la boucherie moderne

Pour améliorer leurs conditions de travail, une boucherie moderne leur a été construite. Malheureusement, ils l’ont abandonnée depuis 2004, pour aller s’installer sous des appatams ou des hangars de fortune. A force de ne pas être occupée et entretenue, la boucherie ne cesse de se dégrader, mettant en péril les importes ressources financières qui ont été investies pour sa construction.

Les bouchers trouvent exagérée la taxe qui leur a été imposée, s’ils devraient l’occuper. Au lieu des 200 F CFA par jour qu’ils payent au niveau des appatams, ils étaient appelés à débourser jusqu’à 800 F CFA. Ce qu’ils n’arrivent pas à supporter, l’estimant trop élevée. « Nous sommes déjà habitués à vendre notre viande sous les appatams, avant qu’on ne vienne nous construire la boucherie. Cela ne date donc pas d’aujourd’hui », justifiera Dramane Mongo.
Pour Louckman Mongo, s’installer dans cette boucherie ne les avantage pas. Selon lui, elle est mal située. De même, les clients sont obligés de rentrer d’abord à l’intérieur du marché, avant de se rendre compte de sa présence. « Ce qui nous oblige à aller les chercher au dehors. Ce n’est pas facile», déplore-t-il....

 Commentaires