L’évolution inquiétante de la tension politique et sociale au Bénin préoccupe le Maire de Ouidah. Après sa lettre ouverte du 31 décembre adressée au Chef de l’Etat, Sévérin Adjovi revient (à l’occasion des 24 ans de la fin de la Conférence nationale ce 28 février) avec une thérapie de choc pour sauver le pays. Tout comme il l’a fait à Versailles les 2 et 3 décembre 1989, quand le Bénin sombrait dans le chaos, le numéro1 de la Cité des Kpassè propose depuis Paris où il séjourne en ce moment, l’organisation d’un Grand Forum du renouveau. C’est à travers une sortie livresque dont nous vous donnons ici la teneur.
Avant-propos
Depuis l’historique Conférence nationale des Forces Vives de la Nation, le nom du Bénin est cité comme précurseur du renouveau démocratique en Afrique.
L’arbre de la Conférence nationale que notre peuple a eu le génie de mettre en terre, a produit des fruits qui font pâlir d’envie ; et de nombreux pays ont tenté de nous emboîter le pas, avec des fortunes et déconvenues diverses.
Pourtant, vingt-quatre (24) ans après, l’héritage semble avoir du plomb dans l’aile.
Même si les geôles de Ségbana sont demeurées fermées, des signaux avant-coureurs d’une dégradation irréversible du climat sociopolitique prolifèrent, et il me paraît urgent de parer au plus pressé.
Précurseur d’accord, mais nous serions-nous levés tôt, comme le coq, pour rester au pied du mur ?
Quand nous avons planté en Afrique l’arbuste des conférences nationales, l’avons-nous nourri, l’avons-nous arrosé, avons-nous empêché que le feu ne pénètre notre exploitation, avons-nous suivi notre plant dans sa croissance, avons-nous élagué les mauvaises branches, fait l’éclaircie, enlevé les mauvaises herbes autour de cet arbre qui a grandi ?
A vrai dire et à regarder de très près, un reportage réalisé par un média de la place et largement relayé sur Canal 3 ce jeudi 20 février 2014, devrait nous interpeller.
En observant que le site sur lequel la Conférence Nationale a eu lieu il y a vingt-quatre (24) ans, est complètement abandonné et détruit, nous pourrions nous poser la question de savoir si notre pays manque d’hommes intelligents et réfléchis, pour s’aviser de l’urgence d’entretenir et choyer ce haut lieu, maternité de notre renouveau démocratique. C’est une insulte pour la mémoire collective de nous tous Béninois.
Ou est-ce déjà le symbole de ce qu’est devenue notre démocratie si chèrement acquise ?
Il faut déjà sauver ce patrimoine, comme il importe de sauver le Renouveau démocratique lui-même, en étouffant les flambeaux de la division, et en unissant nos forces, pour arrimer à cet outillage politique, le développement socio-économique de notre pays.
« Tout royaume divisé contre lui-même est dévasté », nous dit le livre de Matthieu au verset 25 de son chapitre 12.
Liés à la patrie comme l’embryon à la mère par un cordon ombilical identique, les enfants de ce pays, sans distinction de régions, de religions, d’appartenances politiques, de classes…ont l’impérieux devoir de s’asseoir à nouveau pour perpétuer l’héritage historique de février 1990. Ça, je le crois profondément.
Après ma lettre ouverte du 31 décembre au Chef de l’Etat, et à la suite des nombreux échos favorables qui me sont parvenus, il s’impose à moi comme un devoir absolu, à l’instar de mes vieilles lettres de jadis, en ma qualité de Président du Club Perspective 99 il y a vingt-cinq (25) ans, (les plus anciens combattants du Renouveau s’en souviennent) de reprendre mes vieux réflexes, en vue de répondre aux diverses sollicitations venant de mes compatriotes, et tenter de mobiliser tous les acteurs sociopolitiques autour des objectifs de paix et de cohésion nationale. Nous devons nous employer inlassablement à ensemencer la paix.
C’est pourquoi je viens proposer ici au Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement, à tous les membres du gouvernement, aux présidents et membres des institutions de la République, aux chefs de partis politiques, aux organisations de la société civile, à tous les responsables de centrales syndicales, aux opérateurs économiques, toutes catégories confondues, à tous les responsables et cadres de la République, à tous les travailleurs du Bénin, aux enseignants, du primaire au supérieur en passant par le secondaire et le technique, aux paysans, aux agriculteurs, aux artisans, aux commerçantes et commerçants, aux femmes, nos mamans, aux jeunes sœurs, nos épouses, toutes catégories confondues, et enfin, à tous les acteurs sociopolitiques et économiques, une solution de sortie de crise, comme je l’ai fait à Versailles les 2 et 3 décembre 1989, quand notre pays sombrait dans le chaos.
C’est pourquoi, je propose encore aujourd’hui, comme hier, une nouvelle solution de sortie de Crise, en l’occurrence l’organisation d’un d’un Grand Forum du Renouveau pour sauver le Bénin, dont le Chef de l’Etat pourrait s’approprier, comme l’avait si bien fait son aîné, le Président Mathieu Kérékou le 07 décembre 1989, à la suite des travaux de la Table Ronde de Versailles des 02 et 03 décembre, et ceci suite à l’évolution de la tension politique dans le pays.
Chapitre premier
Le contexte
Le Bénin est sur un cordon raide. Les travailleurs des secteurs vitaux de la nation sont en grève depuis plusieurs mois. Les finances, la santé, l’école, la justice sont paralysées. Les négociations de sortie de crise paraissent compromises.
Au départ, les travailleurs réclamaient des droits corporatistes, des droits acquis qui peinent à se matérialiser réellement dans leur fiche de paie ; même si leurs maigres salaires sont payés ; ce qui certes n’est pas rien - il faut le dire - mais pas suffisant.
Au départ, ils réclamaient l’annulation des concours aux résultats pour le moins douteux, au profit du ministèrere de l’économie et des finances.
Au départ, ils réclamaient l’équité et la légalité dans les affectations dans l’administration publique.
Au départ, ils réclamaient le rétablissement des libertés publiques.
Mais leur marche pacifique du 27 décembre 2013 a été violemment réprimée le jour même où, devant les représentants du peuple souverain, le Chef de l’Etat faisait son discours sur l’Etat de la Nation.
Depuis, les tensions se sont cristallisées et nos enfants, nos malades et nos finances, tous saignent ; et nous voilà comme sur un crucifix. Où allons-nous ?
Qui peut se prévaloir de sortir gagnant de ce bras de fer qui oppose les travailleurs et d’autres acteurs de la vie sociopolitique au Gouvernement ?
La rupture annoncée par certaines forces politiques de tout dialogue avec le gouvernement donne la mesure du drame qui se noue et de l’enjeu politique que cela sous-tend.
La vérité est que la crise est générale, que ses racines sont profondes et qu’il faut s’y attaquer dès maintenant, pour ne pas avoir à traiter les symptômes actuels seulement, au détriment du malaise généralisé qui couve sous la cendre.
C’est pour apporter ma pierre à l’édifice de paix et de concorde qui doit impérativement se bâtir que je propose, après analyse approfondie de la situation, un Grand forum du Renouveau pour sauver le Bénin, qui pourrait bien se tenir à Porto-Novo, capitale politique de notre pays, en raison de l’importance symbolique de cette ville qui a accueilli la proclamation d’indépendance du Dahomey, et qui reste et demeure notre capitale politique et administrative ; ou à défaut, sur la place historique de l’Hôtel Plm Aléjo dont j’appelle l’urgente réhabilitation.
Personnellement, je suis prêt à mettre la main à la poche pour contribuer à la réhabilitation en urgence de ce site, maternité du Renouveau démocratique.
J’ai largement relaté dans mon ouvrage De la dictature à la Démocratie sans les armes paru en 1992, l’expérience de la Table Ronde de Versailles. Une exaltante expérience devenue une expertise recherchée et copiée dans de nombreux autres pays par la naissance ou la formation de nombreux Clubs de réflexions et d’analyses.
Je ne m’étalerai pas davantage là-dessus ici. Je vais seulement indiquer qu’à ce titre, j’ai été sollicité en son temps, en République Démocratique du Congo où j’ai joué un rôle d’une extrême sensibilité, et où aussi, j’ai eu des échanges appréciés avec l’Archevêque de Kinshasa d’alors, Monseigneur Mossengo, le président Etienne Tsishekedi et les cadres de son parti à Kinshasa .
De même à Brazzaville, au cours de la même année 91, en ma qualité de vice-président de l’Assemblée Nationale et président de Club Perspective 99, j’ai partagé l’expérience béninoise de la Conférence avec les cadres de la République du Congo, et souvent échangé avec mon aîné et ami, le Président Sassou N’guesso, et les cadres de son parti, ainsi que ceux d’autres formations politiques du pays, sur ce sujet sensible. J’ai foulé de nombreuses autres destinations dans ce même sillage, et partout j’ai essayé de faire briller de mille éclats la voix béninoise.
Je pense qu’après que le Bénin a frayé la voie salutaire du Renouveau et du progrès à l’Afrique entière, il n’est pas concevable que notre pays devienne la risée de ceux qui hier, s’ingéniaient à en copier le bel exemple.
Il relève donc de la responsabilité de tous, membres de la majorité et opposants inclus, syndicalistes et même citoyens ordinaires, de faire un geste en faveur de l’espoir, de la paix et de la cohésion nationale.
Le Président Boni Yayi, dont on connaît le dynamisme et la ferveur au travail, qui a fait des preuves palpables dans ce sens, pourrait bien s’inscrire dans la logique de l’humilité incarnée dans un contexte semblable, par Mathieu Kérékou à travers la formule : « Je demande pardon à mon peuple. » Une humilité que nous avons tous appréciée et continuons d’apprécier jusqu’à ce jour. Une humilité qui a sauvé le Bénin.
« L’humilité précède la gloire », dit le livre de Proverbes, et je crois qu’en chrétien fervent, semble t-il, et en attendant qu’il ne devienne Révérend-Pasteur en 2016, et moi un de ses fidèles, je crois que Boni Yayi doit méditer cette parole biblique.
Pour obtenir la stabilité politique et la cohésion nationale, il est impératif que le Président Yayi Boni se soumette à la critique et à l’autocritique.
Les dix millions de Béninois se sentent-ils en frères, se sentent-ils ainsi traités comme tels par le père de famille ?
Y-a-t-il un effort en faveur de la fraternité pour tous, la justice pour tous, le travail pour tous ?
Comme dit François Mitterrand quelque temps après son arrivée au pouvoir, lors de son voyage au Mexique en 1981 : « il n’y a et il ne peut y avoir de stabilité politique sans justice sociale. Et quand les inégalités, les injustices…d’une société dépassent la mesure (comme cela se présente actuellement dans notre pays), il n’y a pas d’ordre établi, pour répressif qu’il soit, qui puisse résister au soulèvement… »
De même, opposition et syndicats sont tenus au dialogue, dans un cadre bien défini, où chaque camp s’engage, par amour pour la patrie. C’est pour la patrie qu’ils sont appelés à le faire aujourd’hui, pour n’être pas contraints de le faire demain, au-devant d’une plaie béante qui s’annonce à grands pas.
« Malheur au Pasteur de néant, qui abandonne ses brebis ! »
Malheur à tous, si nous refusons de nous asseoir autour d’une table pour creuser l’abcès.
Malheur à nous, si nous franchissons le Rubicon, si l’année est blanchie pour les enfants, si les malades sont abandonnés à eux-mêmes, si le justiciable est contraint à se faire justice.
Chapitre II
Pourquoi je lance cet appel
Dans le principe, nous sommes fondés à croire que la Conférence Nationale a réglé nos problèmes pour de bon. Nous ne projetons pas de faire organiser une conférence nationale bis.
Cependant, pouvons-nous affirmer aujourd’hui d’un cœur serein, que nous avons définitivement vaincu la fatalité, comme l’affirmait si bien notre aîné Albert Tévoèdjrè à la conclusion de la conférence Nationale ?
L’ombre de la fatalité n’est-elle pas par hasard embusquée, dans l’attente du moment où une étincelle jaillira pour embrasser l’héritage ?
J’ai dit sur un plateau de télévision un jour que le Chef de l’Etat est un bâtisseur, et beaucoup de personnes m’ont interpellé à ce sujet. C’est franchement ce que je crois, au regard des nombreux chantiers qu’il ouvre. Mais on peut aussi légitimement lui faire un procès sur la méthode et son rapport aux hommes et avec les hommes, et plus précisément, à la classe politique, aux acteurs sociaux ainsi qu’aux opérateurs économiques.
Je lance cet appel pour rappeler au Chef de l’Etat, que lorsque son pays, comme un chaudron, est en ébullition, il a juste à se rappeler que si le pouvoir a sa saveur, il a aussi ses mélancolies et travailler à éteindre les foyers de tension.
Beaucoup de Chefs d’Etats l’apprennent à leurs dépens.
Le Président doit écouter son peuple, ses femmes qu’il adore, et ses jeunes qu’il aime tant, ses travailleurs, ses hommes politiques, ses syndicalistes.
Depuis qu’à la faveur du Vent de l’Est, l’Occident a fait l’option : « La Roumanie avant la Tanzanie », l’Afrique aurait pu ouvrir les yeux et s’aviser qu’elle intéresse seulement en qualité de réservoir de minerais ; et cesser d’attendre que le développement lui tombe comme un plat rôti offert par différents partenaires occidentaux. Nous devons nous retrousser les manches, sortir des querelles politiciennes et bâtir notre continent, notre pays.
Pendant que décimée par le chômage qui lui ravit tout espoir, la jeunesse semble avoir perdu le sens du rêve, et pourrait s’enflammer au contact de la première braise, il ne me paraît pas opportun de jouer à la provocation.
Le régime du président Boni Yayi doit donc faire attention à embraser le pays par des propos ou attitudes malvenus. De même, l’opposition aussi et les autres forces politiques et sociales ne doivent pas apporter du carburant pour attiser les flammes. Ils ont aussi la responsabilité de préserver la maison Bénin contre les risques d’incendie et de confrontations meurtrières.
Il faut sauver la paix à tout prix, afin de pouvoir se concentrer enfin sur la problématique du développement.
Les chantiers sont nombreux. Il y a les pères de famille qui n’arrivent pas à assurer les charges de leur responsabilité, en raison de la cherté de la vie. Il y a les femmes que les microcrédits, malgré le soulagement apporté, maintiennent dans la zone de relégation des personnes condamnées à la pauvreté.
Je ne prétends pas avoir la solution. Les efforts que le gouvernement dit déployer dans ce sens sont impressionnants et je crois à la volonté politique du Chef de l’Etat.
Quant aux résultats, ils laissent toujours à désirer et indiquent que la crise est d’abord structurelle, même si ces effets conjoncturels sont plus perceptibles et que notre peuple semble à bout de patience.
Chapitre III
De la nécessite de nouvelles assises nationales : un grand forum du renouveau
Je dis qu’il faut maintenant abréger les hésitations et prendre une option franche.
Un Grand forum u renouveau est nécessaire aujourd’hui pour sortir notre pays de l’enlisement dans lequel il s’engouffre car, de même que le roseau a besoin, pour pousser, de l’humidité ; de même la démocratie a besoin, pour grandir, de l’attention des acteurs politiques, qui doivent veiller, un œil sur le baromètre du bien-être social des administrés, et l’autre sur le pouls de la liberté, flamme qui entretient un climat politique apaisé.
Les libertés individuelles, la liberté de conscience, la liberté de parole, la liberté de tribune, le droit à la vie, à l’éducation, au travail, à la propriété, à la patrie, la séparation du parti et de l’Etat …sont le ciment qui consolide l’Etat de droit.
Pour dire vrai, de réelles tentatives de remise en cause de ces acquis existent et si nous ne restons pas vigilants, le Président Yayi pourrait être tenté de nous rouler dans la farine, car nous avons trop d’exemples où le Chef de l’Etat a eu à dribbler certains de nos concitoyens.
Or, le métier du politique ne consiste pas à attiser des foyers de tension et enliser l’économie, pour se porter ensuite, comme le sapeur-pompier, au chevet d’une nation moribonde. Il consiste à empêcher que la nation ne devienne moribonde, en anticipant sur le pire, à partir des déviances minimales qu’il observe au quotidien.
Le Chef de l’Etat doit, à l’avenir, en donner l’exemple, en mesurant son propos pour ne pas mettre le feu à sa propre concession.
Je crois qu’il doit éviter à l’avenir les propos du genre « je ferai venir les miens…ils vont s’affronter », propos tenus lors d’un entretien accordé à la presse le 1er août 2012.
Quand je l’ai entendu aussi dire, en recevant les jeunes venus lui présenter les vœux le 27 janvier 2014, qu’il pourrait « bondir » un jour, une peur logique m’a saisi ; mais j’ai réalisé que la langue lui a fourché. Car cet acte, s’il se réalisait, pourrait bien nous projeter dans le chaos, le vrai scénario Wahala. Or, que nous le veuillions où non, qu’il le veuille ou non lui-même, nous sommes tous ses enfants.
Mais j’ai peur. Un tigre qui feule n’est pas un chat qui miaule.
Quand le Chef Suprême des Armées menace de bondir et demande aux jeunes de lui servir de rempart, de boucliers, j’ai peur. L’adversité politique, les divergences de vue et de méthodes ne créent pas des ennemis à l’intérieur d’un pays.
A l’intérieur, le Président de la République n’a que ses enfants. Il n’a que des frères, il n’a que ses femmes qu’il adore et leurs époux et enfants, il n’a que des jeunes, qui auraient pu être ses propres enfants, au sens biologique du terme.
Les querelles intestines ne doivent jamais laisser envisager cette hypothèse. Nous sommes dix millions de frères.
Même si la scène politique est une enceinte qu’on ne peut entrevoir sans la furie meurtrière et la rage de vaincre des différents protagonistes, nous devrons savoir impérativement raison garder, pour ne jamais confondre le combat politique et l’affrontement animal. Il nous faut absolument sauver la paix, terreau du développement.
Il est vrai que même dans l’ordre normal des choses dans la nature, les végétaux dans un jardin, se livrent bataille pour la vie, pour l’air, pour la lumière, pour la nourriture et pour l’eau ; que le liseron et le chiendent cherchent à gagner du terrain aux dépens des carottes et des laitues. C’est le combat pour la vie.
Mais la politique, c’est l’affrontement des idées, projet contre projet. Sur foi de cela, il me semble que nous devrons retrouver la voie du bon sens, en acceptant d’aller à ce Grand forum du renouveau devient un passage obligatoire pour renouveler le pacte républicain signé au PLM Aléjo.
Les yayistes et les anti-yayi, les ultra-yayistes et les ultra anti-yayi …devront s’assoir côte à côte pour échanger, pour construire notre pays, ensemble, afin de le transmettre intact aux mains des générations à venir, comme ont bien su le faire leurs prédécesseurs, et je l’ai rappelé dans ma lettre du 31 décembre 2013.
Tant que la paix sera menacée, le développement sera compromis, et je ne puis accepter cela pour mon pays.
Je ne me lasserai donc pas de parler, d’écrire.
Le Président de la République pourrait gagner à aller « molo molo », comme on dit au pays de Houphouet ; car un boxeur a beau avoir une foule de supporters et un excellent coach, il est seul quand sur le ring pleuvent dans sa figure les uppercuts et les coups mortels.
Un autre problème important qu’il urge de résoudre, c’est la propension à mettre la politique partout, y compris en ce qui relève d’une pure mathématique managériale.
Dans des conditions climatiques plus rigoureuses, les Burkinabé produisent 500.000 tonnes/an, en plantant le coton dans la terre. Nous, nous plantons le coton sur les écrans et peinons finalement à atteindre 200.000 tonnes.
Pourtant, nous avions été bien au-delà de ce chiffre quand nous étions aux affaires dans un passé relativement récent ; et je suis reconforté de savoir que nous sommes à nouveau proche de ce record pour la saison en cours, en espérant que les chiffres avancés ne cachent pas d’autres réalités inavouables.
Je voudrais demander humblement au Président de la République de me pardonner si j’ai pu paraître avoir quelques écarts de langage, si j’ai pu être ou paraître un peu dur, et s’il a senti quelques mots déplacés.
A l’heure de la vérité, rien ne doit se cacher. Mon intention est juste d’attirer son attention sur des faits qui défraient la chronique et menacent notre pays.
Nous ne sommes pas dans la logique d’une opposition systématique au Chef de l’Etat. Nous pensons qu’il faut l’aider par des propositions de solution à mieux faire face aux attentes de nos compatriotes.
Les assises appelées par l’ensemble de la classe politique, à des nuances près, et que j’appelle de tout mon vœu sous la forme d’un Grand Forum du Renouveau sociopolitique et économique est nécessaire pour conjuguer les efforts pour la paix, conjurer les menaces qui planent, et bâtir sereinement le développement.
Déjà, il faudra pouvoir s’attaquer au minimum : des listes électorales fiables et des élections à bonne date, transparentes et sans contestation valable.
Chapitre IV
Les élections en panne : la lLépi en question.
Le comité d’orientation et de suivi de la Liste Electorale Permanente Informatisée doit allonger sa foulée.
Et là, je dois tenir un langage franc.
Le gouvernement est fautif pour n’avoir su rien faire afin que les élections communales se tiennent à bonne date. C’est le Chef de l’Etat qui convoque les élections. C’est lui qui met en place pour chaque consultation les ressources et les moyens pour opérationnaliser les échéances constitutionnelles et autres besoins de financent de l’Etat.
Aucun maire, toutes tendances confondues, n’est content du report sine die des élections, quand bien même cela donne l’impression de nous arranger.
Des voix se lèvent, pour fustiger cette situation et envisager d’introduire une loi qui oblige l’Exécutif à faire tenir les élections communales avec une LEPI corrigée ou sans LEPI, d’ici la fin du premier semestre.
Cette démarche est fondée et tous les acteurs politiques devraient se mobiliser en faveur de la tenue des élections à dates et échéances régulières, pour ne pas créer des précédents préjudiciables à notre réputation.
Les partis politiques animent la vie politique. Cela rentre dans leur démarche de proposer des mesures urgentes pour restaurer l’image de notre démocratie sur ce qui est déjà classique, à savoir l’organisation des élections.
Mais techniquement, le retard incompréhensible pris par le processus jusqu’à maintenant n’augure d’aucune perspective réaliste de tenue d’élections dans ce délai. C’est dommage.
Je crois que nous devrons fournir des efforts plus intenses, et comme les vaisseaux sanguins irradient d’oxygène tous les organes du corps, animer de façon plus exigeante le débat sur la tenue des élections communales au plus tard, le premier mois après le Grand forum du renouveau pour sauver le Bénin que je soumets au Chef de l’Etat de convoquer avant la fin de l’année 2014.
La déferlante verte entrée comme un tourbillon en 2006 sur la scène politique de notre pays a beaucoup promis. A-t-elle autant tenu ?
Si le champagne gicle dans les festins quotidiens à la Marina et dans certains salons, tandis que la jeunesse gît sur son grabat, au rythme attentatoire des années qui passent et lui indiquent que son pronostic vital est désespéré, c’est que la charge pastorale de faire paître les brebis, sans jamais laisser le moindre fauve bondir sur elle, est mal assuré.
Je ne dis pas que c’est forcément le cas aujourd’hui, mais j’ai l’impression que ce n’est pas loin.
En faisant ce qui relève de mon pouvoir en qualité de maire d’une ville historique comme Ouidah, j’ai pu découvrir que les attentes sont grandes, les communes impuissantes à les combler toutes, et l’Etat central semble absent dans les politiques performantes de promotion de l’emploi des jeunes à la base.
D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Et que faisons-nous ?
« Il n’y a pas de vent favorable pour qui ne sait où il va », disait Sénèque.
Mais alors, concrétise-t-on la politique d’emploi en menant une guerre tous azimuts aux opérateurs économiques, créateurs de richesse et d’emplois par excellence ?
Si nous nous laissons empêtrer dans la toile d’araignée des querelles intestines, nous risquerons de passer à côté de l’objectif ; et le Seigneur qui nous a fait la grâce d’une douce transition de la dictature à la démocratie sans les armes, se repentirait peut-être, comme il fit jadis en entrant à Jérusalem.
Car la parole proclame que le jour où Jésus faisait son entrée triomphale à Jérusalem, il fut attristé au point où, il pleura sur Jérusalem et fit cette déclaration : « si toi aussi, au moins en ce jour qui t’est donné, tu connais les choses qui appartiennent à ta paix ! Mais maintenant elles sont cachées à tes yeux ».
Pourquoi donc aurons-nous perdu à Aléjo, près d’une semaine à revendiquer une préoccupation préjudicielle : Que la conférence soit déclarée souveraine et ses décisions exécutoires, si vingt-quatre (24) ans après cet acte héroïque, l’essentiel nous échappe si banalement ?
Chapitre V
La situation socio-economique
« L’homme qui a faim n’est pas un homme libre » aimait à répéter le feu président Houphouet Boigny de la Côte d’Ivoire.
J’avais espéré que le forum économique qui devrait relancer le partenariat public/ privé et qui s’était ouvert avec des opérateurs économiques nationaux de qualité, forum auquel j’ai participé, et qui a été rehaussé par la présence de la ministre nigériane des finances et de l’Economie au début de l’année 2013, allait marquer un nouveau rapport des acteurs politiques et économiques, pour la création de la prospérité et son partage.
Mais force est de constater que rien n’y fit.
A qui la faute ?
Je ne puis le dire. Mais à tout le moins, comme citoyen béninois, je ne puis interpeller que celui qui a l’onction du suffrage universel, le docteur Boni Yayi.
J’apprends de temps en temps que le Fonds Monétaire International nous a félicités pour ceci, et la Banque Mondiale encouragés pour cela. Je l’ai suivi encore le jeudi 20 juin 2014 depuis Paris sur l’Ortb.
J’apprends aussi que nous avons réussi une croissance économique d’environ 5%.
Si cela se trouve, je peux alors exulter de joie et remercier le Seigneur d’avoir placé à la tête de notre pays des hommes et des institutions capables et fiables.
Mais quand je regarde mes compatriotes au fond des yeux, je ne trouve pas cette gaîté.
Bien au contraire, je lis de l’angoisse et je me demande où vont les dividendes de la croissance.
La prospérité est-elle vraiment partagée ? C’est votre volonté. Mais dans les faits, où en sommes-nous réellement ?
Quid des promesses non tenues aux travailleurs des secteurs vitaux cités plus haut (agents de santé et enseignants) ?
Où est passé l’argent ? J’apprends que des progrès sont enregistrés et je m’en réjouis. J’espère que ces progrès vont être confortés par les faits et gestes des jours à venir.
Mais à propos des fameuses performances invoquées, serons-nous dans le cas de ce qu’un éminent économiste appelle « la croissance appauvrissante » ?
Dans un ouvrage pour enfants que j’ai lu quand j’étais plus jeune, l’auteur dénonce la pauvreté de ses concitoyens dans l’abondance économique de son pays.
Il se désole que des foules de gens, pour vivre, en soient réduits à se faire mendiants, brigands, escrocs, voleurs, filous, entremetteurs, faux témoins, parasites, suborneurs, faussaires, tricheurs, aigrefins, lèche-bottes, faiseurs, électeurs marrons, écrivassiers, astrologues, empoisonneurs, souteneurs, mouchards, pamphlétaires, colporteurs de rumeurs, menteurs, marcheurs professionnels et autres occupations du même genre que nous rencontrons actuellement dans nos villes et campagnes.
Quand j’observe à l’œil nu la courbe visible du chômage et les nouvelles professions qui fleurissent celles citées plus haut et la cybercriminalité etc)…, je suis obligé de remarquer que ceux qui se vantent des résultats en brandissant des chiffres rassurants font la politique de l’autruche et refusent de voir la vérité en face.
Et même si la douane à elle seule, au cours de l’année écoulée, a mis 376 milliards dans les caisses de l’Etat, soit plus de 55% des recettes, on doit l’en féliciter, mais établir le constat qui se dégage de droit fil : Nous sommes dans un pays qui ne produit pas ce qu’il consomme, qui importe presque tout et exporte trop peu. C’est un réel problème structurel.
Un tel pays est-il vraiment une nation indépendante ?
Il ne s’agit pas là de problèmes nouveaux, forcément créés par le régime Yayi. Il faut le dire en toute vérité.
Mais je pose ces préalables afin d’esquisser, à mon sens, un certain nombre de préoccupations urgentes qui doivent être soulevées à l’occasion du Grand forum du renouveau pour sauver le Bénin.
Il s’agit de certaines insuffisances structurelles que nous avons espéré voir infléchir grâce à l’expertise de gestionnaire de Boni Yayi venu de la Banque Ouest Africaine de Développement. Mais les résultats ne sont toujours pas au rendez-vous.
Avons-nous eu tort d’espérer ?
Si nous nous intéressons déjà au seul problème de la fourniture électrique, le délestage persistant, malgré les investissements colossaux depuis plus de sept (07) ans, montrent que la volonté politique existe ; mais que nous ne faisons sans doute pas avec les meilleurs hommes et les meilleures orientations.
Or, c’est là un problème de souveraineté économique.
Et l’espoir qui est né du discours du Chef de l’Etat le 27 décembre dernier, ne devrait pas être déçu.
Il a promis de passer de 100 Mégawatt aujourd’hui à 2000 Mégawatt fin de l’année 2014.
Cela est très ambitieux et je voudrais l’y encourager et appeler opposants et mouvanciers à réfléchir intensément, avant et pendant LE GRAND FORUM DU RENOUVEAU que j’appelle impérativement, pour voir comment effectivement, traduire dans les faits, ce projet d’intérêt économique et social.
Chapitre VI
La liberté d’expression
La liberté d’expression me paraît la conquête la plus fondamentale de la Conférence nationale.
Partout dans le monde, quand on touche à la liberté des peuples, ils se soulèvent, et tôt ou tard, la victoire prend place dans leur camp, parce que le désir de liberté est une loi de l’histoire. La liberté d’expression est très importante.
Pour donner un exemple lointain, en France, les ordonnances de Charles X le 25 juillet 1830, restreignant la liberté d’expression, ont déclenché les Trois Glorieuses et la Révolution de Juillet 1830.
Des exemples récents existent dans notre proche environnement et indiquent, pour ne prendre que l’exemple du Printemps Arabe sur lequel je reviendrai plus tard, que les peuples tiennent à leur liberté comme à la prunelle de leurs yeux.
Dans notre pays, sous le régime militaro-marxiste, malgré la main de fer, les populations ont fini par investir les rues et je me souviens que des manifestants ont lancé des pierres au Chef de l’Etat et sa délégation dans les environs du quartier Saint-Michel, et il a dû prendre ses jambes au cou pour s’abriter dans l’enceinte de la paroisse catholique située dans les parages.
Pas étonnant donc que les travailleurs aient durci d’un ton catégorique leur position autour de l’enjeu des libertés, après leur marche réprimée du 27 décembre 2013.
J’ai lu dans le bureau d’un ami un jour, sur un tableau accroché à un mur, une pensée de Benjamin Franklin, un des pères de la démocratie américaine : « Dieu veuille que non seulement l’amour de la liberté, mais aussi une connaissance complète des droits de l’homme puissent pénétrer toutes les nations de la terre, de telle sorte qu’un philosophe puisse mettre le pied n’importe où sur sa surface et dire : ceci est mon pays ».
Pour moi qui suis un grand voyageur depuis plus de quarante ans, cela a une intonation particulière et je voudrais que ce fondamental soit restauré et porté au rang de principe constitutionnel, sans révision de la constitution, dans tous les esprits, à l’occasion du Grand forum du renouveau que j’appelle de tous mes vœux.
Chapitre VII
La liberté de la presse
Cette liberté prend encore un sens singulier, quand elle s’applique à la presse désignée par la périphrase « Quatrième Pouvoir » que récemment, le Président Boni Yayi a qualifié de « premier pouvoir », certainement parce qu’il a vécu une expérience qui l’a conduit à cette conclusion.
J’espère à ce sujet que les derniers Etats généraux de la presse auront résolument permis que la presse nationale renaisse à sa gloire, qu’elle renonce à ses tares et qu’elle consolide ses acquis et s’impose le professionnalisme que nous avons connu au sortir de la conférence nationale.
Il y a beaucoup d’hommes de valeur dans ce noble métier. Beaucoup d’hommes courageux aussi, et de nombreux jeunes talentueux qui ont besoin d’un environnement favorable pour laisser éclore leur génie au monde.
Mon frère, Gnigla Venance, ministre honoraire de la communication, aurait eu à signifier un jour que les journalistes font au moins trois mille (3.000). C’est impressionnant
On pourrait, à mon humble avis, avec un accompagnement conséquent, aider cette corporation à éviter de se compromettre comme nous l’avons constaté depuis quelques années, et cela est très important, si elle veut jouer son rôle de gardien du temple de la démocratie et tenir haut le flambeau de notre pays.
Elle pourrait aussi tâcher de se montrer solidaire en son sein, et se porter au chevet de ses acteurs en difficulté.
Personnellement, je trouve trop lourde la sanction du régime de Boni Yayi contre un journal comme Le Béninois Libéré de mon frère Aboubakar Takou fermé depuis trois (03) ans, et l’indifférence des autres acteurs de la presse me perturbe un peu.
Je serais prétentieux de vouloir donner quelque leçon à l’instrument de régulation et d’autorégulation de la presse de la presse que sont la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (Haac) et les organisations professionnelles internes à cette corporation.
Mais je veux avoir foi que jamais, ils ne se sont laissé influencer par quelque pouvoir que ce soit, ni celui de la force, ni quelque autre que j’ignore.
Je pense que pour se consolider, la démocratie a besoin de la contradiction des partis politiques, du contrôle des pouvoirs les uns par les autres, de l’arbitrage des citoyens et de l’analyse des journalistes et autres corps de métier.
Il faut donc, comme aux députés, songer à faire couvrir les travailleurs de la presse par une immunité professionnelle, ou par la dépénalisation clairement définie des délits de presse, avec des devoirs corrélatifs.
Chapitre VIII
La bonne gouvernance
C’est l’un des chantiers les plus importants sur lesquels devrait plancher rigoureusement le Forum du renouveau que nous appelons de tous nos vœux.
Je n’apporte pas ici des solutions. J’indique des pistes.
Qu’entend-on au fait par bonne gouvernance ?
Le Grand forum du renouveau devrait pouvoir aider à répondre de façon limpide à cette question.
Il est évident que la lutte contre la corruption doit être au premier chef de ce combat, pour la paix et la cohésion, proposer des indicateurs classiques et d’autres adaptés à nos réalités, afin d’évaluer avec une attention rigoureuse l’état de la gouvernance.
La braise vient souvent de là. Pour m’appuyer sur un exemple palapable, je suis tenté de citer un cas classique, en France.
Au Moyen-âge, Charles VI a beau s’appeler le Bien-Aimé, quand il a laissé ses proches dilapider le Trésor pour être obligé d’ordonner la levée de nouveaux impôts, cela a provoqué des révoltes. Et quand bien même, il a renvoyé ces courtisans pour leur forfaiture, lui-même est sorti très affaibli de ces épreuves et a sombré dans la folie. Alors son royaume a été gagné par l’anarchie.
En effet, toute cité en proie à la mauvaise gouvernance finit toujours par être gagnée par l’anarchie.
Il faut lutter en faveur de la bonne gouvernance, pour elle-même, et pour ses avantages, car elle est le seul contexte dans lequel l’économie bénéficie de la mobilisation délibérée des citoyens.
Pour construire un Etat sûr, fort, pacifique et prospère, il faudra déterminer les moyens de lutte contre toutes formes de corruption, la petite et la grande corruption, la corruption électorale et les fraudes dans les concours, notamment au profit de nos régies financières.
Le 16 juillet 2006, le Président de la République, en marchant sur Cotonou contre la corruption, a donné un signal fort.
Mais les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs et nombre des ses ministres et Directeurs Généraux ont donné et continuent de donner la preuve de leur aptitude à la mauvaise gouvernance. On peut citer à titre illustratif, le scandale de la Cen-Sad.
Les fautifs ont-ils rendu gorge à ce jour ?
Le Forum doit se pencher de façon sincère sur la question de l’impunité. Lorsqu’un pays a des ressources limitées, c’est la qualité de la gouvernance qui détermine la paix et la cohésion à l’intérieur de ses frontières.
J’ai l’impression que le Chef de l’Etat est conscient de cela, mais que parfois, cela semble lui échapper gravement et je me demande, si un malin génie s’amuse à lui glisser des peaux de banane.
Si j’étais à la place de Boni Yayi, je ferais tout pour gagner ce combat ; ne serait-ce que par orgueil personnel.
Dans mon cas personnel, les exemples sont de notoriété publique.
En tant que ministre du commerce sous le Général Mathieu Kérékou, j’ai organisé en 2000 pour le compte de l’Etat béninois, le sommet Acp-Ue.
Fait rarissime dans nos pays, j’ai réussi à faire économiser près de deux cent millions (200.000.000) FCFA sur le budget prévu, et je les ai reversés au trésor public.
De même, le Front des Organisations Nationales de Lutte contre la Corruption, bête noire des ministres, a conduit plusieurs missions dans les différents ministères où j’ai servi l’Etat. Il a établi et exprimé publiquement que ma gouvernance était sans tache.
Je n’en suis pas peu fier.
C’est la preuve que ceux qui ont bâti des entreprises prospères avant de se lancer en politique connaissent les moyens de la bonne gouvernance ; et que pour eux, ce sont des faits, pas des mots, même si tout le monde et tous les corps de métiers ont leurs forces et leurs faiblesses.
Chapitre IX
La place de la femme dans cette démocratie
On se souviendra longtemps de la bravoure de cette étudiante, du nom de Waounwa Thérèse, qui a tenu longtemps tête, sans coup férir, au régime marxiste. Quand une femme se lève, c’est un peuple qui gagne.
Or, partout dans le monde, on a sous-estimé la femme. On l’a reléguée au sens d’un organe, son sexe, et on a tenté de l’exclure des grands enjeux de la société.
Même dans certaines sociétés occidentales, dans le passé, on lui déniait le droit de vote sous le prétexte qu’elle voterait, ou comme l’aurait voulu son mari, ou tel que l’aurait prôné le curé.
En Afrique, on l’a confinée à un seul organe, son sexe, et assignée à une seule mission : pondre des enfants.
Mais partout où on l’a sous-estimée, la femme s’est mise debout, et a montré qu’elle peut.
Nous pouvons prendre le bon exemple de notre sœur Anne Cica Adjaï Agoumba Adjovi qui, il faut le rappeler, a été un très bon exemple de lutte contre la corruption sous le Général Mathieu Kerekou.
Partout dans notre pays, il faudra les voir dans les marchés ou plus précisément aux abords des marchés, la tête protégée de l’ardent soleil par des canotiers à rebords extravagants, vendant à la criée du poisson frais ou des crevettes, pour mesurer le rôle qu’elles jouent dans notre économie.
Mais où sont-elles dans les lieux de décision ?
Où sont les femmes dans les ministères, les administrations, les sociétés d’Etat. Elles sont à 90% dans les seconds rôles. Il faut signaler qu’à une période donnée, Boni YAYI a failli donner l’exemple. Mais, on est vite retombé dans nos travers.
Dites à ceux qui sont contre l’émancipation de la femme, et son droit à s’illustrer aux postes clés de l’appareil d’Etat, que Séverin Adjovi est un féministe, et je l’assume car à la vérité, je pense que la femme est l’avenir de l’homme.
En tant que mère, elle ne se lasse pas d’être au chevet de ses enfants et leur reste aux petits soins, jusqu’à l’accomplissement.
En tant qu’épouse, le seul exemple de la mienne suffit pour m’en donner la mesure.
Elles méritent plus de place à l’Assemblée nationale et dans toutes les instances dirigeantes de notre pays.
Aujourd’hui, nous sommes encore loin de la parité tant voulue par les mouvements féministes ; et nous devrons faire des efforts.
Le Forum du Renouveau doit poser ce problème. Mais surtout, il doit le résoudre.
Il y a beaucoup de braves femmes au Bénin. Elles ont du mérite. Dans ma seule commune de Ouidah, beaucoup se sont vaillamment illustrées au niveau national. Elles se reconnaissent et on les reconnaît.
Après cela, on ne peut plus dire que la femme est incapable.
Je pense que le Président Boni Yayi en est conscient et que c’est pour cela qu’il a procédé à la mise sur pied d’un Institut de la Femme.
Mais, n’a-t-on pas parfois l’impression que c’est un institut pour la forme ?
Chapitre X
Les jeunes
La jeunesse dans le monde et particulièrement en Afrique, est en proie à une angoisse existentielle.
Mohamed Bouhazizi est le symbole de cette jeunesse angoissée.
Lorsque le jeune tunisien de 26 ans, s’immole par le feu devant la préfecture de Sidi Bouzid le 17 décembre 2010, il engendre par sa mort, la révolution démocratique désormais baptisée Printemps Arabe.
De même, les Sénégalais se souviennent encore de ces images traumatisantes du jeune Alpha Omar Diallo qui s’est immolé par le feu à Dakar, et plus encore, de celles plus pathétiques de Ahmed Tidiane Ba, qui s’est offert la mort par l’épreuve du feu devant le Palais Présidentiel en Février 2011 pour contester le pouvoir du Président Wade.
Tous ces jeunes qui ont fait ce choix désespéré sont les cousins germains de nos enfants à qui nous fermons la porte de l’espérance.
Je ne sais pas exactement le nombre de milliards que le régime a mis au profit de la jeunesse au cours de l’année 2014. Je crois avoir entendu quatre-vingt dix (90) milliards. Ce n’est pas négligeable. Mais vers quels jeunes va concrètement cet argent ?
Pourquoi, des dizaines de milliers de jeunes sortent chaque année des universités privées et publiques de notre pays, sans issue et demeurent sous la charge de leurs parents ?
Le Chef de l’Etat, qui sait très bien, qu’une jeunesse sans emploi est une « bombe à retardement » et l’a dit dans son discours sur l’état de la nation en 2013, doit travailler à recréer la confiance entre la jeunesse du Bénin et la classe politique. J’ai dit « la jeunesse du Bénin », car il faudra bien la distinguer des jeunes de la mouvance présidentielle.
Chapitre XI
La justice et le renforcement de
la separation des pouvoirs
Chrétien irréductible, presque par déformation, je ne résiste pas à appuyer mes analyses sur ce que je crois être le plus beau livre que je connaisse : la Bible qui est aussi mon livre de chevet.
Mais je suis à l’aise en le faisant, parce que je sais que la plupart des acteurs politiques béninois, tout en croyant à la laïcité de l’Etat, sont aussi des Chrétiens bon teint.
Le Président Boni Yayi, en particulier, l’expose plus ouvertement que d’autres.
Or, voici que se désole l’Ecclésiaste : « J’ai […] vu sous le soleil qu’au lieu établi pour la justice, il y a de la méchanceté » Eccl 3V 16
Dans nombre de pays, les tentatives de l’Exécutif pour contrôler le pouvoir judiciaire sont fréquentes.
Plus encore les démocraties récentes, affrontent ce défi comme test de leur santé politique.
Si le pouvoir parvient réellement à arrêter le pouvoir, et que les parlements par ailleurs ne se font univoques pour voter des lois équivoques, la démocratie sera sauvée.
Le Grand forum du renouveau pour sauver le Bénin doit se pencher sur un modèle de séparation intangible et efficace des pouvoirs pour le bien de notre pays.
Chapitre XII
La grande muette
J’ai beaucoup de respect pour l’armée. Je la sublime et la crains tout à la fois, en raison de son rôle statutaire, mais aussi de son extrême sensibilité, comme a pu le monter l’histoire politique de notre pays les douze (12) premières années de l’indépendance.
Mais je pense personnellement en tant que Ministre Honoraire de la Défense Nationale, que nous devrons rendre hommage à cette armée pour le respect de son serment de rester dans les casernes, formulé à la Conférence nationale.
Cela, d’autant plus qu’après la victoire de Mathieu Kérékou à la présidentielle de 1996, j’ai été porté à la tête de ce grand Ministère, succédant ainsi à Georges Guedou qui assurait l’intérim à ce poste après l’éviction de Désiré Vieyra, beau-frère du Président sortant, Nicéphore Dieudonné Soglo.
En me passant service, je me souviens que celui-ci me fit, la mine boudeuse et l’air menaçant : « Encore vingt-quatre heures et j’aurai fait un coup d’Etat ». Il n’avait pas digéré la défaite de son camp. Mais j’ai compris qu’il me taquinait aimablement, parce que l’armée béninoise, telle que je la connaîtrai, en tant que ministre, n’accompagnerait plus jamais, moins encore, n’orchestrerait, un coup de force.
Mon expérience politique me convainc que le rôle de l’armée se trouve dans les casernes et que notre armée en a une conscience aiguë. Si elle en sort, ou c’est pour défendre la nation contre l’ennemi extérieur, ou dans le cas contraire, elle abjure sa foi.
Le soldat est soldat pour défendre la nation. La force des baïonnettes a besoin de la vertu des cœurs pour qu’il s’acquitte de ce devoir avec abnégation. Ces valeurs sont présentes dans notre armée, telle que je l’ai connue. Je voudrais espérer qu’elles continuent d’y être entretenues, et que jamais les injustices, frustrations, ou brimades n’y trouveraient un terreau favorable.
C’est un jeu dangereux quand un régime politique s’amuse à introduire l’injustice et la frustration dans les casernes, et pour dire vrai, j’ai l’impression que nous devrons plus que jamais, faire attention, à ce corps sensible.
Le président Boni Yayi, devra revenir à des normes, et certaines attitudes qui pourraient aiguiser des appétits dans ce corps et se retourner contre lui, en cas de crise aigüe au sein de l’armée républicaine.
Chapitre XIII
L’unité nationale
Notre pays est un et indivisible. Nous devrons rappeler ce fondamental à l’occasion du Forum du Renouveau et bannir des esprits, le sentiment communautaire, les replis ethniques, tribaux et régionalistes qui semblent germer au sein de nos populations.
Lors de la première élection présidentielle de l’ère du renouveau démocratique, je me rappelle comment je me suis rendu, comme candidat à Djougou où j’ai clôturé ma campagne le 08 mars 1991.
Mon arrivée avait été préparée par un ami devenu plus tard imam de la mosquée centrale de Jonquet, et qui a eu comme successeur à son office religieux, le fils d’un de mes neveux.
Quand je me rappelle avec quelle ferveur, j’ai été accueilli sur cette terre située à mille lieues de mon Ouidah natal, comment ne pas être fier d’appartenir à ce beau pays !
J’ai même le souvenir qu’au cours du meeting, une dame est entrée en travail et accouché sur place et que mes prénoms et nom furent donnés à l’enfant, en plus du nom de ses parents, pour marquer ce moment mémorable.
Cela ne s’oublie pas.
Mais quand je note qu’en 2011, des affrontements meurtriers ont opposé les enfants de Djougou, entre partisans du président Boni Yayi et partisans de Bio Tchané, j’en ai le cœur déchiré.
Le Grand forum du renouveau doit impérativement réinventer cette fraternité nationale et les acteurs politiques, du sud et du nord, doivent parcourir ensemble, les hameaux et campagnes, et expliquer à leurs électeurs, que c’est le même sang qui coule dans nos veines. Que nous sommes tous les enfants d’une même mère, à savoir, le Bénin.
Chapitre XIV
La diaspora
La Conférence nationale des Forces Vives de la Nation, comme je l’ai relevé, doit beaucoup aux Béninois vivant à l’étranger.
Aujourd’hui comme hier, ils sont nombreux à être dans ce cas et leur contribution peut être précieuse pour la réussite du Forum que je préconise.
A ce titre, je suggère que le Haut Conseil des Béninois de l’extérieur et les associations de Béninois vivant dans divers pays du monde soient mis à contribution, pour la qualité de leur expertise et leurs différentes expériences.
De même, je suggère que nous puissions donner une chance à la réconciliation intégrale en permettant à ceux qui sont perçus aujourd’hui comme des exilés politiques, tels que Patrice Talon, Olivier Boco, le juge Angelo Houssou et Lionel Agbo de rentrer dans leur pays, le cœur tranquille, et de contribuer à son apaisement et son développement.
Le Chef de l’Etat pourrait en donner la possibilité en garantissant leur liberté et leur sécurité par un décret présidentiel.
Enfin, comme le Général Mathieu Kérékou, il est impérieux qu’il s’engage à mettre en œuvre toutes les décisions du GRAND FORUM DU RENOUVEAU POUR SAUVER LE BENIN.
Chapitre XV
Grand forum du renouveau : mode d’emploi
L’expérience de la Conférence nationale a validé la pertinence des propositions du Club Perspective 99.
La libération des détenus politiques et le retour de tous les exilés politiques, la reconnaissance de la liberté de conscience, la liberté de culte, la liberté de presse, liberté d’entreprise et la garantie constitutionnelle du libéralisme économique ; la souscription à la déclaration universelle des droits de l’homme et la garantie constitutionnelle des libertés individuelles…ont rejoint textuellement les propositions de mon Club et témoigné de la qualité de nos travaux à la Table Ronde de Versailles.
Nous avions été loin en 1989 quand nous avions proposé exactement les concepts de "la conférence nationale" ainsi que d’autres tels "Haut conseil de la République" etc les 2 / 3 décembre 1989.
Aujourd’hui encore, nous pensons avoir quelques idées-clés dont les prémices, en termes de sujet de débats, ont été exposées ci-dessus.
Si aujourd’hui, l’édifice du Renouveau démocratique affiche quelques fissures, il importe d’apporter des ingrédients de renforcement.
Pour utiliser un lexique des travaux publics, je dirai que l’enjeu quasi exclusif, pourrait être de trouver des matériaux pour fabriquer du béton, de savoir assembler du ciment, des granulats, des armatures en fer, et insuffler les bulles d’air qu’il faut, afin de conférer à l’édifice l’isolation thermique et la solidité d’un béton armé.
Mais surtout, il faudra ce matériau : L’Humilité des acteurs.
Le Président de la République, s’il saisit, cette main tendue de la classe politique, il pourrait aider à sauver le Bénin, et nos compatriotes lui en seront reconnaissants, au moment opportun.
Alors, seulement, nos compatriotes du nord et ceux du sud se feront l’accolade, sans hypocrisie, pour avancer collectivement, sur les chemins du vivre-ensemble, sur les chemins de l’avenir.
Mieux, il sera, je crois, béni par le Seigneur.
Au cas contraire, peut-être écoperait-il de cet hommage rendu par Ernest Renan à Talleyrand de Périgord : « Il a réussi à tromper le monde et le ciel » ; ce qui ne relève point de mes souhaits.
Je ne suis pas un politicien. Je suis un homme politique chercheur de solutions aux problèmes de mes compatriotes, et toute ma vie n’aura été qu’une permanente recherche de solutions depuis la Table Ronde de Versailles jusqu’à mon adhésion à la dynamique de l’Union Fait la Nation, en passant par l’Initiative de Savi, qui ferme cette année son dixième anniversaire.
Je veux être utile à mon pays, comme un homme toujours au rendez-vous de l’histoire. Je ne le fais pas en tant que candidat à quoi que ce soit, ni même en qualité de président de parti politique.
La faillite des partis politiques dit long sur le devoir de renaissance de notre classe politique, et moi, j’ai assimilé la belle leçon de l’Apôtre Paul aux Philippiens que je voudrais dédier à toute la classe politique du Bénin, opposition et mouvance comprise : « Ne faites rien par esprit de parti ou par vaine gloire, mais que l’humilité vous fasse regarder les autres comme étant au-dessus de vous-mêmes. »
Chapitre XVI
Du comite d’organisation et clé de répartition des participants
Je suggère que soit mis sur pied un comité d’organisation de (15) quinze membres composés de :
- Un (01) ancien Président de la République ;
- Un (01) Représentant du Gouvernement ;
- Un (01) Représentant de l’opposition ;
- Un (01) Représentant des Organisations de la société civile ;
- Un (01) Représentant des Centrales Syndicales ;
- Un (01) Représentant des Députés ;
- Un (01) Représentant des maires ;
- Une (01) Représentante des Femmes Leaders ;
- Un (01) Représentant des Jeunes ;
- Un (01) Représentant des Chefferies traditionnelles ;
- Un (01) Représentant des Confessions Religieuses ;
- Un (01) Représentant des forces de sécurités publiques ;
- Un (01) Représentant des Opérateurs économiques.
Par ailleurs, les participants pourraient être désignés selon la clé de répartition suivante :
- TROIS (03) représentants des anciens présidents de la République ;
- Dix (10) représentants de l’opposition parlementaire ;
- Dix (10) représentants de la mouvance parlementaire ;
- Trois (03) maires par département ;
- les douze (12) préfets ;
- Dix (10) représentants des Centrales syndicales ;
- Cinq (05) représentants des organisations de la société civile par département ;
- Cinq (05) représentants des confessions religieuses ;
- Dix (10) Représentants de la diaspora ;
- dix (10) représentants des enseignants ;
- Dix (10) représentants des opérateurs économiques ;
- Cinq (05) Représentants des artistes
- Cinq (05) personnalités qui se sont illustrées par leur sagesse ;
- Cinq (05) représentants des hommes des médias ;
-Cinq (05) représentants de l’armée ;
- Cinq (05) représentants de la police ;
- Cinq (05) représentantes des associations de femmes par département ;
- Cinq (05) jeunes représentants de jeunes de la Mouvance et (05) jeunes représentants de l’opposition, par département ;
- Dix (10) Présidents et anciens présidents d’institutions de la République ;
- Dix (05) Ministres et cinq (05) anciens ministres de la République ;
- Douze (12) religieux, soit un(1) par département.