Finies les audiences reportées pour faits de grève. Finies les interminables 96 heures de grève par tacite reconduction. Les justiciables béninois peuvent désormais pousser un ouf de soulagement. Depuis hier, mardi 4 mars 2014, les magistrats et autres auxiliaires de justice ont décidé de reprendre le chemin des tribunaux.
Le message du Chef de l’Etat a donc été entendu.
Après leurs collègues du secteur de la santé, les acteurs de la justice, réunis au sein du Syntrajab et de l’Unamab, ont décidé de déposer les armes. Ils donnent, chacun en ce qui le concerne, un moratoire au gouvernement pour régler les problèmes qui se posent au secteur de la justice.
C’est d’abord les travailleurs du Syntrajab qui ont donné le top de cette reprise de travail. Au terme de leur Assemblée générale tenue hier, 4 mars 2014, les membres de ce syndicat ont décidé de suspendre leur mouvement de grève déclenché depuis le 10 décembre 2013.
Ensuite, ce fut le tour des syndiqués de l’Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab). Suite à une Assemblée générale ordinaire tenue dans la matinée d’hier au Tribunal de Première Instance de première classe de Cotonou, le Président Michel Adjaka et les siens ont en effet décidé de siffler le cessez-le-feu.
Dans sa déclaration, l’Unamab a fait le point du mouvement de grève qu’elle a déclenché depuis le 3 décembre 2013 pour exiger du gouvernement la rétrocession de l’intégralité des fonds illégalement et arbitrairement défalqués ; la mise en place d’un dispositif pour assurer la sécurité de tous les magistrats et la correction des irrégularités contenues dans les nominations de 2013 et de 2014. Des avancées ont été faites. Mais il reste des choses à revoir. C’est ce qu’il faut retenir du bilan qui a été fait.
Et pour éprouver, une fois encore, la bonne foi du Gouvernement et de son Chef, et surtout soucieux de compatir aux souffrances des justiciables, notamment des détenus, l’Unamab, tout en demandant à ses membres de reprendre service à compter du jeudi 06 mars 2014, exige du Gouvernement :
- la rétrocession sans délai des fonds qu’il a illégalement et arbitrairement défalqués en janvier et février 2014,
- la correction des irrégularités contenues dans les nominations de 2013 et 2014.
Elle impartit, par ailleurs, jusqu’au vendredi 04 avril 2014 au Gouvernement pour concrétiser les mesures de sécurité promises et parachever le processus de correction des irrégularités dans les affectations. Passé ce délai, l’Assemblée Générale a donné pleins pouvoirs au Bureau Exécutif de l’Unamab pour reprendre le mouvement de grève.
Le secteur de l’éducation : le nœud gordien
Le Chef de l’Etat et les membres de son gouvernement peuvent se réjouir du pas ainsi franchi dans le dégel de la crise sociale qui secoue le Bénin depuis décembre 2013.
Mais ce n’est pas encore le bout du tunnel. Il leur faudra démêler l’écheveau du secteur éducatif. Ici, la grève bat encore son plein. L’intersyndicale des universités nationales du Bénin refuse de déposer les armes malgré les assurances données par le Chef de l’Etat.
Il en est pratiquement de même pour les enseignants réunis au sein de la Confédération syndicale des travailleurs du Bénin (Cstb) et ceux des trois ordres de l’enseignement, de façon globale. Hier, mardi 4 mars 2014, les cours ont été perturbés dans tous les établissements scolaires. Une situation aggravée d’ailleurs par le départ en grève des enseignants vacataires qui suppléaient le débrayage des enseignants agents permanents de l’Etat et autres agents reversés. La situation est bien grave avec le spectre de l’année blanche qui pointe à l’horizon. Ce n’est donc pas encore le moment pour le gouvernement de crier victoire.
DECLARATION DE PRESSE DE L’ASSEMBLEE GENERALE DE L’UNION NATIONALE DES MAGISTRATS DU BENIN (UNAMAB)
Réunie en Assemblée Générale Extraordinaire ce jour mardi 04 mars 2014, l’Union Nationale des Magistrats du Bénin a procédé à une évaluation du mouvement de grève déclenchée le 03 décembre 2013. Ledit mouvement vise à exiger du Gouvernement :
1- la rétrocession de l’intégralité des fonds illégalement et arbitrairement défalqués;
2- la mise en place d’un dispositif pour assurer la sécurité de tous les magistrats;
3- la correction des irrégularités contenues dans les nominations de 2013 et de 2014.
En ce qui concerne la revendication incidente relative à la rétrocession des défalcations sur salaires opérées en janvier et février 2014, l’Assemblée Générale a pris acte de ce que le Président de la République, dans son adresse à la nation du 28 février 2014, s’est engagé formellement devant l’opinion publique nationale et internationale à les faire restituer.
Sur la question de la sécurité des magistrats, l’Assemblée Générale a noté que les négociations enclenchées avec le Gouvernement ont abouti à la mise en place d’un cadre de réflexions et d’actions avec les forces de sécurité pour identifier les mesures susceptibles d’assurer la sécurité du magistrat tant au service qu’à domicile.
S’agissant du troisième point de revendication, l’UNAMAB a relevé que les nominations prononcées les 18 décembre 2013, 20 janvier 2014 et 26 février 2014, en dépit des efforts consentis par le Conseil Supérieur de la Magistrature, recèlent de nombreuses irrégularités attentatoires à la crédibilité et à l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Pour mettre fin à cet engrenage des nominations peu respectueuses de la légalité, le Garde des Sceaux a enfin accepté de faire montre de plus d’ouverture afin que les prochaines propositions à soumettre au Conseil Supérieur de la Magistrature tiennent davantage compte des dispositions de l’article 35 de la loi portant statut de la magistrature ainsi que des règles de préséance qui régissent le corps de la magistrature.
Pour éprouver, une fois encore, la bonne foi du Gouvernement et de son Chef et surtout, soucieux de compatir aux souffrances des justiciables, notamment des détenus, l’UNAMAB tout en demandant à ses membres de reprendre service à compter du jeudi 06 mars 2014, exige du Gouvernement :
- la rétrocession sans délai des fonds qu’il a illégalement et arbitrairement défalqués en janvier et février 2014,
- la correction des irrégularités contenues dans les nominations de 2013 et 2014.
Elle impartit, par ailleurs, jusqu’au vendredi 04 avril 2014 au Gouvernement pour concrétiser les mesures de sécurité promises et parachever le processus de corrections des irrégularités.
Passé ce délai, l’Assemblée Générale donne pleins pouvoirs au Bureau Exécutif pour reprendre le mouvement de grève.
L’UNAMAB rend le Gouvernement responsable des déconvenues qui découleraient de son inaction et de sa mauvaise foi.
Cascade de moratoires au gouvernement
Le message du Chef de l’Etat du vendredi 28 février 2014 est sans doute en train de faire quelques effets. Loin d’arrêter tous les mouvements de grève, Boni Yayi a réussi à semer la zizanie au niveau des responsables syndicaux.
Mais pour combien de temps durera le dégel qui s’amorce? Depuis ce message, plusieurs organisations syndicales ont décidé de suspendre leur grève.
Le bémol est que c’est d’une suspension qu’il s’agit et non d’un abandon de la grève. Les praticiens hospitaliers ont suspendu leur mouvement qui dure depuis octobre de l’année dernière, après la signature, le 28 février 2014, des trois arrêtés d’application du décret portant création du corps des praticiens hospitaliers spécialistes. Avec la décision du Chef de l’Etat de rétrocéder les défalcations opérées sur les salaires pour faits de grève et l’assurance venue de la ministre de la santé que leurs revendications seront entièrement vidées, les praticiens hospitaliers ont mis un frein à leur mouvement. Seulement, ils donnent un moratoire d’un mois au gouvernement pour qu’il joigne l’acte à la parole, au risque de voir la grève reprendre de plus belle.
Lors de son assemblée générale tenue hier, mardi 4 mars 2014, le Syndicat national des travailleurs et travailleuses des services judiciaires et assimilés du Bénin (Syntrajab) a aussi suspendu sa grève. Mais la suspension est assortie d’un moratoire de trois mois. Idem du côté de l’Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab). Son assemblée générale d’hier a décidé de suspendre la grève et de laisser jusqu’au vendredi 04 avril 2014 au Gouvernement pour concrétiser les mesures de sécurité promises et parachever le processus de correction des irrégularités.
« Passé ce délai, l’Assemblée Générale donne pleins pouvoirs au Bureau Exécutif pour reprendre le mouvement de grève », ont conclu les camarades du président Michel Adjaka. Du coup, l’horizon s’éclaircit un peu pour le président de la République et son gouvernement. Mais Yayi et ses ministres devront satisfaire, dans ces délais, les autres revendications en instance. Dans le même temps, les soucis du gouvernement ne sont pas totalement terminés. Disons que le gros souci reste intact. Car les responsables des Centrales et Confédérations syndicales poursuivent pour le moment la grève. Les écoles, les universités et les lycées publics sont toujours ébranlés par le débrayage.
Malgré les menaces de poursuivre les défalcations, les travailleurs de l’administration publique ont encore largement suivi le mot d’ordre dans la journée d’hier. Il y a une grande menace d’année blanche. Certains secteurs vitaux de l’administration publique, comme les finances, sont toujours paralysés. L’économie nationale souffre toujours de la grève. Du coup, tous les regards sont tournés vers les Centrales et Confédérations syndicales. Le danger plane toujours sur la tête du gouvernement.