Le ministère béninois de l’Intérieur vient de sortir un communiqué qui révèle un plan malveillant envisagé par certaines personnes pour déstabiliser le pays. Vrai ou faux ? En tout cas, ça craint comme on le dit de l’autre côté de la lagune Ebrié.
Signé du ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, ce communiqué, qui date du 10 mars 2014, fait état de ce que « certains hommes politiques et syndicalistes préméditent, préparent et planifient en ce moment l’enlèvement d’un syndicaliste. » Le ministre ajoute que l’information est corroborée par les services de renseignement béninois et ceux de « pays amis ». La logique des commanditaires est, selon le communiqué, de « faire porter la responsabilité de ce kidnapping au Gouvernement, à jeter le trouble dans les esprits, à provoquer l’insécurité et le mécontentement populaire propices à l’implosion sociale ». La finalité de cet acte « dangereux et gravissime » est de « ternir l’image de notre pays et de sa démocratie puis de contrarier les négociations gouvernement-syndicats en cours en vue du dégel de la crise sociale ». Pour « prévenir ce projet anti patriotique et garantir la paix », le gouvernement dit prendre des « dispositions conséquentes. »
Comme en 2012
Le communiqué du ministre François Houessou, au lieu de rassurer les populations, va plutôt créer la panique en leur sein. En août 2012, la publication d’un communiqué similaire a débouché sur une situation presque d’Etat d’urgence dans le pays.
Communiqué : François Houessou prévient du kidnapping en vue d’un syndicaliste
« … des informations persistantes font état d’un grand projet de déstabilisation de notre pays par l’organisation d’actes d’insécurité dont notamment des attentats contre des personnalités pour lesquels le gouvernement sera tenu responsable… » Ceci est un extrait du communiqué du 20 août 2012 signé par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Benoît Dègla. L’homme, tout feu tout flamme à l’époque, avait instruit toutes les forces de défense et de sécurité à « renforcer les contrôles à l’entrée du territoire national et à multiplier les opérations coup de poings et les patrouilles de sécurité. »
La suite est connue. Circulation des chars à Cotonou la nuit comme si on était en état de siège ou de guerre. Rumeurs de complot çà et là. Psychose généralisée dans le pays. Interdiction des marches pacifiques de toute organisation critique vis-à-vis. C’est dans ce contexte qu’ont éclaté les affaires de présumées tentatives d’empoisonnement et de coup d’Etat visant le président Boni Yayi. Véritable affaires d’intrigues politico-financières et médiatiques au sommet de l’Etat, ces deux affaires, qui ont jusque-là tenu en haleine l’opinion publique, ont fait du Bénin le pays du complot et de la psychose. Elles ont terni son image à l’extérieur.
Psychose et ‘’complotite’’
Comparaison n’est pas raison. Mais il faut noter qu’en 2012, le gouvernement avait sorti son communiqué dans un contexte de tollé généralisé et de contestation du régime Yayi. C’était dans la polémique née du très controversé entretien à cœur ouvert de Boni Yayi. Largement médiatisé, cet entretien avait été réalisé le 1er août 2012. En 2014, le ministre Houessou sort son communiqué dans un contexte similaire. Le régime Yayi bat de l’aile. Absence totale de dialogue politique avec l’opposition. Crise sociale avec des syndicalistes déterminés à avoir la tête du préfet Placide Azandé et du commissaire centrale de Cotonou, Pierre Agossadou.
L’information diffusée par le communiqué du ministre Houessou est-elle juste ? Sans doute oui. Le gouvernement a à sa disposition plusieurs canaux, dont les services de renseignement ; officiels et non officiels, fiables et non fiables. On pourrait donc lui donner la communion sans confession.
Néanmoins, le gouvernement a-t-il besoin de la distiller dans l’opinion pour ameuter les pollutions. Les services de renseignement ne peuvent-ils pas épier les instigateurs identifiés afin de les prendre la main dans le sac ? A quoi veut-on conditionner l’opinion publique ? Autant de question que suscite le communique du ministre Houessou.
En attendant d’en trouver les réponses, on redoute que le gouvernement profite de cette situation pour instaurer dans le pays une gouvernance par la peur. Et ce, sur fond d’autorisation sélective des marches. Car, faut-il encore le rappeler, en 2012, pendant que les opposants et organisations de la société civile étaient interdits de marches, les pro-Yayi en avaient l’autorisation.
Par la grève en cours, les syndicalistes luttent déjà pour que soient garanties à tout citoyen quel que soit son bord, ses libertés publiques et/ou syndicales, y compris la liberté de manifester. Pourvu donc que ce communiqué du ministre Houessou ne soit un autre alibi du gouvernement pour pérenniser sa logique de gouvernance dans la psychose.