La gouvernance par la peur. C’est le nouveau mode de fonctionnement de François Houessou, ministre de l’intérieur, de la sécurité publique et des cultes. Dans un communiqué en date du 10 mars dernier, il a eu la lumineuse idée de révéler aux Béninois ce qu’il considère comme le complot du siècle. Un syndicaliste serait sur le point d’être kidnappé par un cercle qui comporte à la fois des politiciens et des syndicalistes>
Le comble, c’est que les services de renseignements et même certains pays amis auraient confirmé cette information. Du coup, sans prendre la peine de mesurer la portée de cette nouvelle et son impact sur la population, le ministre de l’intérieur s’est empressé d’alerter l’opinion.
En ces temps difficiles où tous les esprits s’accordent à souhaiter l’apaisement, François Houessou n’a pas trouvé mieux que de jeter de l’huile sur le feu. Au lieu d’en rajouter à la psychose, il ferait mieux, si tant est qu’il dispose d’informations vraies et fiables, de traquer les prétendus commanditaires de ce projet d’enlèvement afin de les mettre hors d’état de nuire. En tant que ministre de l’intérieur, il dispose de tous les moyens à cet effet. Si au lieu de l’efficacité dans la discrétion, il fait le choix de la diversion, il ne reste plus qu’à demander au chef de l’Etat de le ramener à l’ordre.
Comme si l’inspiration avait faussé compagnie au rédacteur du texte, celui-ci rassure de ce que des dispositions sont déjà prises par le gouvernement pour déjouer ce complot et préserver la paix. Si tel est le cas, quelle est alors l’utilité de ce communiqué qui constitue en lui-même un trouble à l’ordre public ? Pourquoi tirer la sonnette d’alarme lorsqu’on se sait capable de venir à bout d’une menace ?
Si le droit d’aller et de venir d’un citoyen est menacé, les forces de sécurité publique placées sous la tutelle du ministre de l’intérieur n’ont pas d’autre choix que de se mettre en scène. La fonction d’un ministre de l’intérieur, c’est d’œuvrer pour la libre circulation des personnes et des biens, mais aussi et surtout de veiller au maintien de l’ordre public. Cette fonction régalienne de l’Etat doit s’exercer de manière responsable avec toute la hauteur requise. Les Béninois, déjà en proie aux difficultés existentielles, ont mieux à faire que de prêter flanc à un communiqué à tout le moins alarmiste.