La démission du maire de Porto-Novo Océni Moukaram de sa formation politique, le Prd, s’ajoute à la longue liste de jeunes leaders, qui sont de plus en plus en désaccord avec Me Adrien Houngbédji. Ce dernier après avoir confié autant que possible des responsabilités à cette classe de jeunes actifs et dynamiques subit les conséquences de ses choix. Dans de pareilles circonstances, beaucoup attendent de Adrien Houngbédji une nouvelle gouvernance.
Personne ne doute de la volonté et de l’engagement de Me Adrien Houngbédji à promouvoir de jeunes dynamiques et actifs au sein de son parti. Mais beaucoup se demandent si sa politique se révèle toujours payante. Face aux dernières tempêtes qui secouent le Parti du Renouveau démocratique (Prd) et provenant de l’intérieur de cette formation politique, cette question est parfaitement d’actualité.
Alors que pour la plupart, ils ont été préférés à leurs aînés pour occuper des postes de responsabilité soit au sein du parti ou propulsés à des fonctions politiques de par leur positionnement aux élections, on constate, que chemin faisant, ils n’entretiennent plus de bons rapports avec leur leader. Le cas de Océni Moukaram en est la parfaite illustration, démontrant à suffisance que Me Adrien Houngbédji n’a plus la même influence sur « ses jeunes ».
Ce dernier s’est trouvé contesté par le jeune maire dans la gestion de plusieurs projets de développement de la ville de Porto-Novo, notamment celui portant construction d’un parc d’attraction dans le troisième arrondissement. Malgré l’opposition des conseillers Prd soutenus par le Président Adrien Houngbédji, Océni Moukaram a défendu qu’il soit implanté à l’endroit prévu initialement.
Le chantier a déjà démarré et cela se révèle un camouflet pour l’ensemble de cette formation politique. Un autre différend entre les deux les hommes, c’est celui concernant la construction de l’hôtel de ville. L’autorité municipale reste confrontée au refus de son président pour le démarrage des travaux.
En cause, le financement des travaux. Me Adrien Houngbédji reproche au locataire de l’hôtel de ville de n’avoir pas bouclé le financement avant de vouloir lancer le projet. Leurs relations se sont dégradées au fil des semaines. Dans cette guéguerre, certains cadres du parti ont pris position en faveur du N°1 des « Tchoco-tchoco ».
Mais Océni Moukaram ne manque pas de soutien. Ceux qui estiment qu’il est sur le droit chemin, notamment quelques bras financiers du Prd se réclamant du "groupe des Yoruba" ne l’ont pas lâché. Au sein des Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe), la cause du maire a été défendue bec et ongles. Il n’en fallait pas plus pour accuser l’autorité municipale d’agir contre les intérêts du parti.
Déjà flingué
Après avoir été la cible de plusieurs attaques, des sanctions ont été prises à l’encontre du maire de Porto-Novo allant jusqu’à la non reconnaissance de ses droits et devoirs par la Direction exécutive nationale qui a rendu public un communiqué en octobre 2013 à ce propos.
Au cours du Conseil national du Prd tenu à Adjarra en janvier 2014, il a été procédé à son remplacement au sein des instances dirigeantes de la famille des « Tchoco-tchoco ». Il ne restait que son exclusion qui ne peut être prononcée qu’au cours du prochain congrès attendu pour 2017. Seulement, Océni Moukaram disposait d’une voie de recours pour espérer être réintégré.
C’est de saisir le Conseil des Sages, qui après l’avoir écouté peut plaider pour qu’il soit réintégré. Il n’a pas préféré cette solution, sans doute parce qu’il savait que son sort au sein du parti était scellé. En toute logique, il a décidé de quitter le navire "Arc-en-ciel" pour tenter de sauver sa jeune carrière politique.
Avant de quitter, « Mouka » a fait savoir qu’il existe une crise au Prd, mais personne ne veut l’évoquer pour recentrer la vision du parti. Sans attaquer celui qui l’a imposé à tous, il a dénoncé la mauvaise gestion de la crise qui est née des options de développement qu’il a faites pour Porto-Novo. Dans son discours d’au-revoir, il a montré que les vrais problèmes sont là et minent le Prd, mais personne n’a le courage de les étaler.
En clair, Océni Moukaram s’est trouvé mis à l’écart parce qu’il n’avait plus la même vision que Adrien Houngbédji. Ceux qui comme le maire de Porto-Novo font ce procès au leader des « Tchoco-tchoco » sont malheureusement de plus en plus nombreux.
Des jeunes se décident
En somme, beaucoup de jeunes, bien qu’étant des personnages clefs au sein du Prd n’hésitent plus à dénoncer les dichotomies en faisant constater qu’il y a des lacunes graves à corriger. Au lendemain de la présidentielle de 2011, le Professeur Joël Aïvo, membre éminent de l’entourage immédiat de Adrien Houngbédji et considéré comme faisant partie de la jeune classe habile et dynamique ne s’est pas fait prier pour claquer la porte. Il a évoqué habilement des raisons qualifiées de convenances personnelles.
Mais en réalité il a quitté ce navire pour sauver sa jeune carrière professionnelle. Très ambitieux, celui qui était dans tous les coups du leader ne respirait plus un environnement sain dans la famille politique. Le cas de Moukaram Badarou, ancien Secrétaire général du parti, aujourd’hui Préfet de l’Ouémé-Plateau met également en évidence que quelque chose ne va pas bien au Prd.
Celui-ci tout comme Joël Aïvo, qui détenait les principaux dossiers de cette formation politique ne se retrouvait plus dans les plans de Adrien Houngbédji. Il lui a fait ses adieux. En quête d’une carrière politique riche, et lassé de rester dans l’ombre, il a également choisi de prendre son destin en main. Il peut déjà se frotter les mains d’avoir pris cette décision.
Le cas Atao Hinnouho
Tout aussi dynamique comme les autres jeunes, le député Atao Hinnouho. Il a été aussi coopté contre toute attente par le président pour défendre les couleurs du parti dans la 15ème circonscription électorale lors des législatives de 2011. Il était déjà connu sur le terrain pour avoir entrepris des actions de bienfaisance à l’endroit des couches défavorisées et des œuvres au profit de la jeunesse. Son dynamisme a séduit alors le président Adrien Houngbédji qui l’a propulsé au devant de la scène politique en favorisant son élection pour siéger à l’Assemblée nationale.
C’est surtout de son exemple dont se moquent certains caciques du Prd pour montrer que c’est la faute au leader s’il démissionne. Atao Hinnouho a quitté également son mentor. Depuis son départ, le député est apparu aux yeux des observateurs comme une menace pour son ancienne formation politique. Mais attendons le premier test électoral que constituent les prochaines élections locales et communales pour être édifiés.
Quoi qu’il en soit, maintenant ou après, les différents cas évoqués pour ne citer que ceux-là prouvent que la gouvernance à la tête du Prd a besoin d’être rééquilibrée et réadaptée aux enjeux du moment et du futur. Le parti doit montrer ses capacités à faire face aux crises en adoptant des approches basées sur des valeurs susceptibles de fédérer les forces du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest. Il est tout aussi important d’ouvrir le débat sur les questions des valeurs à promouvoir, les compétences à utiliser et le positionnement des hommes.
Très engagé et brillant avocat, Adrien Houngbédji a largement ouvert les portes du succès à des jeunes qui débordent de bonne volonté et de dévouement pour servir le parti. Même si cette politique a contribué à maintenir le Prd parmi les formations politiques les plus représentatives avec des structures de base qui fonctionnent malgré quelques fausses notes, cela continue à être marqué par des frustrations qui débouchent de plus en plus sur des départs.
Le passage de témoin...
A analyser de près les raisons de ces départs, on se rend compte que le parti est confronté à trois problèmes fondamentaux. Le premier. Alors que Me Adrien Houngbédji continue de diriger le Prd de main de maître, beaucoup de militants préfèrent qu’il adopte un autre mode de gestion qui tranche avec ses penchants de dirigeant qui impose tout à tous.
La plupart des jeunes qu’il a imposés à des postes de responsabilités ne sont plus aujourd’hui au rendez-vous. Le voir continuer dans ses choix serait sans doute contreproductif pour sa formation politique. Personne ne condamne sa politique de promotion des jeunes dynamiques, mais il reste que ses pioches ne sont pas toujours bénéfiques pour le parti.
Le deuxième problème auquel le Prd est confronté, est l’absence d’un dauphin de Adrien Houngbédji. Ce dernier ne représentant plus l’espoir des militants, il est temps qu’il passe le témoin. Cette question ne date pas d’aujourd’hui. Mais le débat reste fermé, alors que cela taraude beaucoup d’esprits. Peut-être qu’il faut attendre le prochain congrès, prévu pour 2017 pour l’aborder.
Il faut que Adrien Houngbédji s’inspire des exemples de Nicéphore et Rosine Soglo et de Bruno Amoussou, qui ont compris la nécessité de confier la chaîne de commandement de leur parti respectif à ceux qu’ils jugent compétents et qui méritent leur confiance. Certes, ce sera une transition difficile à gérer, mais au fil du temps elle permettra à d’autres cadres de s’affirmer pour prendre le devant des affaires. La Renaissance du Bénin expérimente déjà cela avec son nouveau président Léhady Soglo.
Le Parti social démocrate avec Emmanuel Golou fait également son petit bonhomme de chemin. En réalité, au Prd, la majorité des militants attendent que le même changement se produise et les jeunes cadres qui ont tourné le dos à Adrien Houngbédji n’ont pas besoin de le dire sur la place publique. Beaucoup voyaient en la personne de Océni Moukaram, le dauphin de Me Adrien Houngbédji. L’autre mal qui mine le parti et se révèle comme une menace à sa cohésion et son unité, c’est le clivage Goun-Yoruba.
La guerre des clans qui existe et que personne ne peut nier au sein du Prd y tire son origine et alimente davantage la crise larvée. Les deux groupes ethniques ont toujours affiché une cohésion de façade et dans la réalité des choses, ils se combattent pour la gestion de la municipalité de Porto-Novo. Cela est devenu un "clivage idéologique" dont la plupart des maires quelque soit leur provenance ont été victimes.