Les députés ont adopté hier lundi 8 avril par 71 voix pour 00 contre et 2 abstentions, la proposition de loi portant Code électoral en République du Bénin. Ce texte électoral constitue une avancée démocratique en ce sens qu’il regroupe en un seul document législatif et en une seule référence juridique uniforme, moderne et d’accès facile, la législation électorale en vigueur au Bénin. Le Code électoral se veut par ailleurs une réponse à la lutte contre la transhumance, la corruption électorale et la réduction des coûts des élections au Bénin.
Le Code électoral proposé est composé de cinq livres constitués de différentes lois électorales en vigueur, reprises et mises en cohérence. Le premier livre traite des règles générales pour les élections en République du Bénin. Le deuxième livre reprend les dispositions de la loi organique sur le référendum. Le troisième livre reprend les règles particulières applicables à l’élection des membres de l’Assemblée nationale. Le livre quatre reprend les règles particulières à l’élection présidentielle. Le livre cinq reprend les dispositions relatives à l’élection des organes des collectivités territoriales.
En dehors de ce regroupement, des innovations ont été apportées au système de centralisation des résultats.
En effet, dans l’ancien système, les résultats de vote des bureaux de vote sont connus par les acteurs présents à la suite du dépouillement qui s’effectue devant le public. Cependant, il faut attendre plusieurs jours pour connaître les résultats sur le plan national qui, souvent ne reflètent pas la réalité des résultats obtenus dans les bureaux de vote. Une situation qui est en contradiction avec la pratique admise au plan international qui permet de connaître les résultats ou tout au moins les grandes tendances le soir même du vote. La réforme préconisée par le Code électoral permettrait à terme de connaître les résultats provisoires au soir du jour du vote et de réduire ainsi les risques de manipulation des résultats sortis des urnes et donc de contestation porteuses de violences électorales.
Les magistrats hissés
La plupart des innovations adoptées par les députés ont été opérées dans le livre premier concernant les règles générales pour les élections en République du Bénin. De façon spécifique, les innovations ici portent sur la création d’une Commission électorale nationale autonome (CENA) permanente composée de cinq membres dont deux représentants de la majorité parlementaire et deux représentants de la minoritaire parlementaire et une personnalité civile. Le débat a été houleux hier à l’hémicycle sur le profil de cette personnalité civile. Au finish, il a été retenu que cette personnalité civile soit issue des ordres judiciaires précisément dans le rang des magistrats de siège. Selon le Code adopté, l’Union nationale des magistrats du Bénin (UNAMAB), réunie en Assemblée générale, désigne trois magistrats de siège dont une femme ayant 15 ans d’expériences. La liste sera soumise à la plénière qui désigne à la majorité qualifiée de ses membres cette personnalité civile.
Les membres de la CENA permanente sont désignés pour un mandat de 7 ans non renouvelable. Lors du débat général, certains députés ont souhaité que ce mandat soit de cinq ans renouvelable une seule fois. D’autres députés ont trouvé pertinente la proposition de 7 ans de la Commission des Lois. La majorité de la plénière penchera pour le mandat de 7ans non renouvelable. Le souci ici est surtout de permettre aux membres de la CENA de travailler en toute indépendance et qu’ils ne soient pas préoccupés par leur renouvellement pour faire allégeance à tel ou tel camp politique.
Les CED, CEC et CEA supprimées
Une autre innovation concerne la disparition des démembrements de la CENA tels que les Commissions électorales départementales (CED), les Commissions électorales communales (CEC) et les Commissions électorales d’arrondissement (CEA). Ils disparaissent désormais au profit des coordonnateurs d’arrondissements qui sont désormais les représentants de la CENA au niveau de l’arrondissement. La loi dispose que ces coordonnateurs d’arrondissement sont désignés parmi les magistrats encore en exercice ou à la retraite, les avocats inscrits au barreau, les greffiers ou à défaut parmi les administrateurs civils en fonction ou à la retraite. Aussi, les présidents des bureaux de vote doivent-ils être des fonctionnaires de la catégorie A ou équivalent. L’objectif ici des députés en élevant le niveau très haut est de permettre une bonne transcription des résultats de vote et éviter les erreurs sur les procès verbaux.
La question du profil des maires et de ses adjoints a retenu également l’attention de la plénière. Les discussions ont été aussi houleuses à ce niveau. Pour certains, les maires doivent avoir un niveau intellectuel d’au moins le baccalauréat. Pour d’autres, ce n’est pas nécessaire. A l’arrivée, la plénière a reconduit le critère d’actualité jusqu’ici à savoir lire et écrire simplement. « Il n’est pas important d’exiger un niveau intellectuel aux maires. La Constitution du 11 décembre 1990 a prévu savoir lire et écrire », a précisé le député Djibril Mama Débourou qui soutient qu’il faut plutôt que l’idéal soit de chercher à élever le niveau politique des maires et leurs adjoints et de renforcer la compétence technique de l’administration communale. « Ce n’est pas le diplôme qui travaille. Les vrais travailleurs, c’est le maire qui connaît le terrain », ajoute le député Gaston Yorou. Mieux, le Code électoral précise que le maire doit être issu dorénavant de la liste ayant obtenu la majorité absolue de conseillers.
Non au scrutin censitaire
En ce qui concerne la caution à la présidentielle, il a été retenu le statut quo. Le montant de 15 millions FCFA en vigueur lors de la présidentielle 2011 a été reconduit. Mais après de longs débat où certains députés ont souhaité que cette caution soit portée à 50 millions et plus pour rester conséquent par rapport aux dépenses de la campagne présidentielle portée de 1,5 à 2,5 milliards FCFA. Les députés toutes tendances confondues ont salué l’avènement de ce Code qui constitue une avancée de la démocratie surtout avec la mise en place de la CENA permanente, indépendante et professionnelle.
Pour Edmond Zinsou, les tensions sociales inhérentes aux élections et les longues périodes d’attente avant les résultats des élections seront désormais conjurées avec l’adoption de cette loi.
Appréciant ce Code, Rosine Soglo dit regretter que cette loi ne soit pas votée depuis un an pour permettre l’organisation à bonne date des élections. Elle se dit par ailleurs pessimiste car rien ne prouve que la CENA permanente va empêcher les fraudes électorales jusqu’ici dénoncées. Toutefois, la démocratie béninoise est en train de s’inscrire dans le concert des nations démocratiques, se réjouit le député Charlemagne Honfo. Avec ce dispositif, il garde espoir que les résultats des élections puissent être connus au plus tard 48 heures après le scrutin.
Candide Azannaï, pour sa part, ne partage pas l’optimisme des uns et des autres. Car, selon lui, ce document comporte assez de pièges stratégiques. Il met également en exergue la force de l’argent qui constitue un handicap sérieux à la transparence des élections au Bénin. Candide Azannaï qui a émis un vote d’abstention tout au long des différents votes lors de l’examen livre par livre de la loi invite le peuple et les Organisations de la Société civile à la vigilance et à la prudence dans la mise en œuvre de ce Code électoral.