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Fraternité N° 3565 du 18/3/2014

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Entretien avec Ousmane Alédji, nouveau directeur du Fitheb : « Si le gouvernement se hisse à la hauteur de nos ambitions et nous assiste franchement, le Bénin sera fier de son Fitheb »
Publié le mercredi 19 mars 2014   |  Fraternité


Ousmane
© Autre presse par DR
Ousmane Alédji, acteur culturel


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Ousmane Alédji, nouveau Directeur du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb) s’est prêté à nos préoccupations.

Nommé par le ministre de la culture pour la relance du plus grand festival de théâtre en Afrique, Ousmane Alédji mesure la portée de cette mission combien délicate et se dit prêt à l’accomplir, ensemble avec tous les professionnels du théâtre. A travers cet entretien, il dévoile ses priorités et les stratégies à mettre en œuvre pour pacifier le milieu du théâtre béninois, créer l’unité afin de faire du Fitheb, cette grand-messe de théâtre africain, un Label.


Ousmane Alédji compte réussir le pari de la réussite de l’organisation du Fitheb 2014
Vous avez été récemment nommé Directeur du. Quels sont les sentiments qui vous ont animé lorsque vous vous êtes retrouvé à la tête du plus grand festival de théâtre de l’Afrique francophone ?

Pas seulement de l’Afrique francophone, le Bénin a la chance de disposer, pour l’instant en tout cas, du seul festival, le plus grand dans toute l’Afrique, essentiellement consacré au théâtre et qui soit d’une envergure mondiale. J’avais quelques appréhensions avant d’accepter la mission, elles ont grossi depuis quelques jours que je suis là, à cause de l’état des lieux que je suis entrain de faire à la demande du Ministre, de l’environnement qui me semble plus difficile à pacifier que je le pensais, mais, on va y travailler.

Le deuxième sentiment est un sentiment de fierté parce que le ministre de la Culture, en me mettant là, a utilisé des mots qui m’ont totalement ébranlé : « venez sauver notre Fitheb ». Les membres du comité de supervision et moi-même, nous nous sommes sentis désarmés et honorés. C’est une mission républicaine et nous n’allons pas, en réponse à l’appel de l’autorité, jouer les difficiles. Ce qui m’a le plus touché, c’est la mobilisation du monde des professionnels du théâtre que j’ai vu derrière moi.

Je n’avais invité personne à la cérémonie de passation de service, mais vous avez vu que la salle ne pouvait pas contenir tout le monde. C’est la preuve que l’énergie est là, les bonnes vibrations peuvent revenir. Nous allons nous y employer. Nous, professionnels, nous sommes prêts. Pas de fausse modestie, les compétences sont disponibles, l’envie de relever le défi aussi, si Dieu nous prête la force et la vigueur nécessaires, si le gouvernement se hisse à la hauteur de nos ambitions et nous assiste franchement, le Bénin sera fier de son Fitheb. Nous nous battrons jour et nuit pour en faire un label pour ce pays. C’est la mission que le ministre nous a confiée.

Quelles sont vos priorités ?

Ma priorité, c’est l’organisation du Fitheb édition 2014. Mais, je veux faire mieux : construire le label Fitheb. Le Fitheb est organisé au Bénin par les Béninois, mais, il intéresse le monde entier. Je veux en faire un lieu d’attraction respectable, pour que le monde entier vienne à nous. Vous me connaissez, je ne suis pas souverain certes, mais, je ne ferai pas de demie-mesure. C’est tout ou rien.

J’ai dit ‘’oui’’ et c’est un ‘’oui’’ par devoir et total. L’autre priorité sera de pacifier l’environnement professionnel pour amener les uns à travailler avec les autres, parce que ce faisant, les uns se nourrissant des autres, la qualité de la création théâtrale au Bénin va se trouver plus éloquente, plus compétitive et plus défendable.

La volonté politique est affichée et vous bénéficiez également du soutien du ministre de la Culture. Est-ce suffisant pour faire un bon Fitheb ?

Ce n’est pas négligeable, je dirai même que cela compte pour 75% dans l’envergure et la réussite de l’évènement. Parce que le Fitheb est un festival de l’Etat béninois. Il en est aujourd’hui en tout cas le propriétaire, le "financeur" et le promoteur. Nous, nous ne faisons que prêter notre expertise au gouvernement. Le Fitheb doit être perçu par tous les Béninois comme un patrimoine national.

Et c’est une chance pour notre pays comme le Fespaco l’est pour le Burkina. Il nous reste à redimensionner la taille de notre rêve. Le Fitheb peut être un outil politique plus efficace que la diplomatie et en même temps un marché mondial digne de convoitises diverses. L’Etat béninois sait ce qu’il fait en s’investissant et en investissant dans le Fitheb. Ce n’est pas pour rien qu’il a entrepris avec persévérance de le réformer.

Les réformes tant souhaitées par le ministre sont encore en cours. Cependant, il fallait organiser coûte que coûte la biennale pour la crédibilité du Fitheb. Pourquoi avez-vous accepté cette nomination ?

J’ai accepté parce que j’aime le risque. Très sérieusement, j’ai pris des risques toute ma vie. Je suis incapable de vous raconter comment les choses se sont agencées pour que je me retrouve à ce poste. Dieu dispose les choses selon l’ordre qui lui convient. Nous obéissons tous au maître suprême de l’ordre. C’est très difficile de travailler au Bénin pour l’intérêt commun, parce que tout le monde a des prétentions, il y a des crieurs, des faiseurs de petits coups… Je suis là dedans depuis plus de 25 ans.

A travers les réformes, le gouvernement nous dit clairement qu’il est prêt. Il était important que nous, artistes, professionnels de théâtre, disons que nous sommes aussi prêts. C’est vrai qu’il y a des angles à arrondir, des mécanismes à huiler pour être plus performant. Mais nous sommes positifs et gardons l’espoir que le Béninois lambda sera un propagandiste et un promoteur du Fitheb.

En tout cas, c’est l’esprit qui est le nôtre, celui avec lequel nous espérons contaminer les gens que nous allons côtoyer. Je souhaite que tous les Béninois nous aident à construire cet esprit, pour qu’il soit populaire, et qu’il irrigue le monde.

Le Directeur sortant vous a mis en garde contre les loups du milieu théâtral et la ruse de l’autorité de tutelle qui peuvent vous être préjudiciables. Vous méfierez-vous ou allez-vous foncer en fonction de vos convictions ?

Je comprends l’amertume de monsieur Wanou parce que quand on connaît l’environnement dans lequel il a travaillé, on peut comprendre ces mots-là. Mais je ne crois pas qu’il était dans une démarche conflictuelle. L’autre chose, c’est que le milieu nous est bien connu et ce sont les mêmes acteurs qui travaillent autour du Fitheb depuis plus de 20 ans. Moi, je veux travailler avec tout le monde, surtout avec ceux qui veulent nous tirer vers le haut. A ceux-là qui voudront nous tirer vers le bas, nous ne leur accorderons pas de temps.

Maintenant, s’ils insistent, nous allons leur couper les mains parce que nous, nous voulons avancer. Je connais l’environnement et j’ai accepté la mission en connaissance de cause. Je parle déjà aux uns et aux autres. Il y a un nouvel esprit qui naît. J’ai confiance. A la fin, vous verrez.

L’un des objectifs spécifiques du Fitheb est de faire du Bénin, la capitale du théâtre africain et intercontinental. Après plus de 20 ans d’existence, peut-on dire que cet objectif est atteint ?
Je ne vais pas jouer le mauvais rôle. Révéler l’état réel du Fitheb à la presse aujourd’hui n’est plus nécessaire. L’Etat a pris ses responsabilités. C’est le plus important. Chaque mot, chaque phrase des nouveaux textes du Fitheb ont été écrits par les professionnels du théâtre que nous sommes. Nous allons organiser Fitheb 2014.

Nous allons élire ensuite les membres du nouveau conseil d’administration et pour finir, un Directeur du Fitheb sera choisi et installé. Ce sont là les engagements de l’Etat. Nous avons décidé ensemble de l’accompagner et rien ne va nous arrêter. C’est vous dire que les réformes se poursuivent, que nous avons un chantier important et précieux à conduire. Nous sommes déjà au travail. Soyez patients et bientôt vous verrez.

Selon votre prédécesseur, le milieu est infesté de ‘’loups ravageurs’’.
Monsieur Wanou faisait du 3è degré. Je cultive pour ma part la nature de l’eau : fluide. Suffisamment fluide pour épouser toutes les formes.

Vous n’avez donc pas peur des requins qui ne manqueront pas de surgir.
Les grands croyants utilisent une expression que je trouve exquis. « Dieu est au contrôle ». N’ayez crainte. Je ne suis pas seul. Puis, vous savez… les requins et les baleines doivent leur souffle à l’eau.

Vous êtes un acteur culturel et plus précisément un professionnel du théâtre. Quel est le niveau actuel de la création et de la production artistique et culturelle dans notre pays ?
Là, vous me collez. Mes nouvelles fonctions m’obligent à prendre quelques précautions de forme. Je ne vous dirai désormais que ce qui me semble correct.

Cependant, pour ce qui concerne la production artistique béninoise en général, mon point de vue n’a pas varié. Nous sommes doués, mais il nous reste à être davantage compétitif au plan international. La création, qu’elle soit théâtrale, musicale, plastique, aujourd’hui, elle est plus foisonnante que jamais.

Le Bénin peut être terriblement compétitif si nous commençons à cultiver l’élan des hauteurs, l’esprit qui porte les choses loin, qui les tire vers le haut.

Nous devons apprendre à tirer vers le haut et laisser les querelles dans les souterrains. L’espace public doit nous voir sourire, nous serrer la main, s’applaudir les uns les autres, célébrer la réussite des uns et des autres.

Un mot à l’endroit des différents acteurs qui œuvrent pour la tenue du Fitheb
D’abord à vous-même et à travers vous, à l’ensemble de la presse béninoise, je dis que vous êtes plus que jamais concernés. Chaque mot, chaque parole que vous diffusez au sujet du Fitheb, pesez-le bien, pesez-le très bien. Le Fitheb est devenu avec les réformes en cours, notre patrimoine commun.

A l’endroit de l’autorité de tutelle du Fitheb, du gouvernement béninois dans son ensemble, et bien évidemment, je dis merci d’avoir compris. Je leur dis que nous sommes prêts à rêver grand avec eux. En Afrique, nous nous interdisons le rêve au point où rêver devient une insulte sous nos cieux. Parce que nous nous disons que cela ne sert à rien de rêver quand on n’a pas les moyens de ses rêves. C’est la meilleure de toutes les formes d’appauvrissement ; la pire de toutes les misères. Nous oublions même que notre société actuelle, notre quotidien était le rêve de nos grands-parents. Que sans le rêve, rien de significatif n’évolue, ne change, ne surprend, n’émeut. Là où l’argent manque, la détermination peut compenser, mais là où le rêve manque, tout s’éteint.

A l’endroit des partenaires, nous allons d’ici peu les rencontrer afin de les ramener vers le Fitheb et puisque la gratuité n’existe pas, essayer aussi dans la mesure du possible, de leur faire de la place dans le Fitheb pour qu’ils aient aussi de la visibilité. Quant aux professionnels, je voudrais les remercier pour leur mobilisation et leur soutien. Le peuple béninois nous connaît et je crois qu’avec l’aide du Tout Puissant, nous n’allons pas décevoir la confiance placée en nous. Je voudrais surtout leur dire à tous, le Fitheb, c’est notre affaire. Alors au travail !

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