La déclaration du Front des trois ordres de l’Enseignement qui suspend ses mouvements de grève dans le secteur de l’Education a fait monter la tension dans le rang des travailleurs affiliés aux centrales et confédérations syndicales. Pendant que les comités de lutte départementaux se retrouvaient à Porto-Novo pour inciter leurs militants à la poursuite des mouvements de grève, les responsables des centrales et confédérations syndicales ont animé une conférence à la bourse du travail de Cotonou avant de marcher contre leurs collègues duFront dont ils dénoncent la trahison : c'est une guerre de leadership et de légitimité.
La crise sociale au Bénin continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive. Alors que le Front d’action des syndicats des trois ordres de l’Enseignement vient de lever sa motion de grève pour compter du vendredi 21 mars 2014, accordant un moratoire d’un mois au gouvernement, les centrales et confédérations syndicales s’insurgent et invitent les travailleurs à continuer la lutte jusqu’à satisfaction de leurs revendications.
Appréciations diverses
Si pour le Front d’action des syndicats des trois ordres de l’Enseignement le gouvernement fait un effort appréciable dans le dégel de la crise, les responsables des centrales et confédérations syndicales pensent tout le contraire.
Lucien Glèlè-Langanfin et ses collègues estiment que des efforts notables se font par le gouvernement pour la satisfaction de leurs différentes revendications. C’est pourquoi ils ont jugé utile d’accorder au Gouvernement un moratoire d’un mois pour lui permettre de concrétiser ses actions visant à satisfaire totalement les revendications des enseignants. Au lendemain de leur déclaration, la réaction des confédérations et centrales syndicales ne s’est pas fait attendre. Réunis à Porto-Novo, les comités départementaux de lutte des travailleurs ont réaffirmé leur ferme détermination à continuer la grève. Selon eux, la radicalisation des travailleurs ne provient pas des responsables syndicaux mais de la mauvaise gestion du conflit en cours et de la mauvaise foi du gouvernement. Indiquant que l’essentiel de leurs revendications n’est pas satisfait, ces délégués départementaux ont dénoncé la trahison des responsables du Front des trois ordres d’Enseignement, ce qui ne touche point à « la détermination et l’engagement des travailleurs et leurs comités ». Dans le rang des enseignants à la base, le discours est le même. « La décision du Front n’engage que ceux qui l’ont prise. Ce n’est pas le Front des trois ordres d’Enseignement qui nous a envoyé en grève, mais les centrales et confédérations syndicales depuis le 7 janvier2014 alors que le Front est rentrée dans la danse le 28 janvier 2014 », confie un enseignant de mathématique rencontré dans la cour du Lycée Béhanzin où se déroulait la rencontre des comités de lutte. A Cotonou, la tension était plus intense. Les centrales et confédérations syndicales après s’être réunies pour apprécier la situation ont manifesté leurs vives protestations contre la décision du Front. « Pas de moratoire », lance Paul Essè Iko insistant que la grève se poursuivra. Selon le Secrétaire général de la Confédération syndicale des travailleurs du Bénin, la motion de grève lancée le mardi 07 janvier dernier ne porte pas sur les défalcations, mais plutôt sur les défalcations sur salaires opérées en 2012, le droit à la liberté, la démission du Préfet Placide Azandé et du Commissaire central de Cotonou, Pierre Coovi Agossadou et l’annulation du concours frauduleux validé le 04 décembre 2013 par l’Etat. « La question des défalcations des mois de janvier et février n’est intervenue qu’au cours de la grève », a ajouté Paul Essè Iko. Pour sa part, le secrétaire générale de la Confédération syndicale autonome, Dieudonné Lokossou fustige le fait que les négociations sont conclues à la télévision. Selon lui, les négociations doivent être conclues au sein du comité chargé du dialogue Gouvernement-Syndicats et sanctionnées par un relevé des conclusions. «Personne ne peut lever la motion de grève autres que les centrales et confédérations syndicales elles-mêmes », a martelé Dieudonné Lokossou.
Vitesse supérieure
A y voir de près, la levée de la motion de grève du Front d’action des trois ordres de l’Enseignement au lieu d’entamer le dégel de la crise semble radicaliser la position des centrales et confédérations syndicales. Il va donc sans dire que le gouvernement ne parvient pas toujours à toucher le nœud gothique de la crise sociale qui dure déjà plus de deux mois. Le hic, c’est que les travailleurs menacent de passer à la vitesse supérieure. Pour ce faire, ils descendront dans les rues de Cotonou vendredi prochain où ils prévoient de marcher sur la préfecture pour exiger la démission du Préfet des départements de l’Atlantique et du Littoral, Placide Azandé. En attendant de savoir quel sera le comportement des travailleurs et surtout les enseignants qui auront forcément l’embarras entre les deux mots d’ordre contradictoires lancés, on peut tout de même constater que la grève prend déjà une double vitesses. Ce qui soumettra à coup sûr les différentes organisations syndicales engagées dans la lutte à un test de représentativité et de légitimité.