A Parakou, c’est déjà l’apocalypse. L’eau et l’électricité sont devenues des denrées rares. Demain n’est malheureusement pas la fin de ce calvaire.
Trois jours d’enfer. C’est ce que j’ai vécu au cours du week-end écoulé à Parakou. Pour avoir de l’eau pour me laver et faire mes petits besoins, j’ai dû avoir recours aux sachets de « Pure Water ». Pour ce qui est de l’électricité, j’ai vite fait d’oublier mes illusions.
En allant poser mes valises dans un hôtel non loin de la maison du Chef de l’Etat, je croyais me mettre à l’abri de ce délestage sauvage que vivent depuis des mois les populations de Parakou. C’était l’erreur de ma vie. Dans la seule journée du vendredi 21 mars 2014, le quartier du Chef de l’Etat a été mis hors tension plus de deux fois et pendant des heures. Pour soulager ma peine, l’hôtel dans lequel je me suis installé a dû avoir recours à un groupe électrogène. Malheureusement, on ne le met en marche que le soir.
L’enfer n’était pas de mon côté seul. A Parakou, tout le monde se plaint de cette situation qui frôle l’apocalypse et qui dure depuis un mois. « Depuis que ce délestage a commencé, j’ai perdu une bonne partie de ma clientèle », se plaint Moumouni, soudeur de son Etat. Dans son atelier, plusieurs portes et fenêtres ne sont pas achevées, faute d’énergie électrique. « Ce qui se passe est grave. Mes activités ont chuté.
Je suis obligé de fermer ma boutique car si je continue, je risque de mourir sous le poids de la dette. A cause de ce courant, j’ai déjà perdu beaucoup d’argent », se plaint Madina, propriétaire d’une boutique de vente de produits congelés. Même avec son groupe électrogène, cette dame qui a fait un prêt dans des institutions de microfinance n’arrive plus à supporter les charges que lui impose ce délestage.
Ce déficit en énergie électrique et en eau potable impacte aussi le monde scolaire et universitaire. A l’université de Parakou, les résidences sont invivables avec des toilettes qui dégagent des odeurs insupportables. Il n’y a pas d’eau. Pour se laver et faire les petits besoins, la solution, c’est le « Pure Water ».
« Nous n’avons pas le choix. Nous sommes obligés de nous débrouiller avec le « Pure Water » qui malheureusement subit une inflation hors norme », confesse Djèmila, étudiante en droit. Elle dit en avoir marre ! Pour ce qui est de l’électricité, la situation n’est pas reluisante non plus, avoue-t-elle. « Parfois, lorsqu’il y a coupure, nous sommes obligés de recourir aux bougies et aux lampes rechargeables. Et lorsque tu n’as pas les moyens pour t’en procurer, tu fermes alors ton cahier et ça fait à demain », a-t-elle poursuivi.
« Nous souffrons trop. Et si rien n’est fait, les résultats de nos enfants à la fin de l’année scolaire risque d’être catastrophiques », s’est exclamé Saadath, mère de deux enfants. Elle raconte : « Lorsqu’on coupe le courant, le maître d’étude dépose la craie et dit à demain maman. Que pouvons-nous faire ? Rien ! Nous sommes obligés de le laisser partir. A la fin du mois, il va prendre son argent sans que cela ne soit amputé d’un seul kopeck. C’est bien triste ».
Le paradoxe
Demain n’est malheureusement pas la fin. Puisqu’à en croire les explications apportées par les Directeurs généraux de la Sbee et de la Soneb, les deux sociétés d’Etat chargées de la commercialisation de l’électricité et de l’eau, de lourds sacrifices doivent être consentis avant que la situation ne redevienne normale. Le paradoxe malheureusement est que malgré cette pénurie, les factures d’électricité et d’eau délaissées aux consommateurs sont salées. Roméo, un cadre de l’administration publique, évoque son cas.
« Dans mon ménage, il y a ma femme, mon enfant et ma domestique. D’ordinaire, nous ne payons pas plus que 4.000 F Cfa. Mais la facture que vient de nous donner la Soneb affiche un montant de 17.000 F Cfa. Par quelle alchimie cette facture peut-elle passer de 4000 à 17.000F Cfa ? », s’interroge Roméo. Razack est aussi dans le même cas. Il se lamente sur sa facture d’électricité. Elle est très salée pour son ménage modeste où l’on n’utilise même pas de frigo.