La vague des téléphones portables multimédias et leurs applications, ainsi que les facilités de communication qu'ils offrent n’ont pas épargné les médias au Bénin ainsi que leurs acteurs. Par affinité ou par convenance, ces applications permettent de développer un autre moyen de diffusion et de partage de l’information et ceci, en temps réel.
Vendredi 7 mars, bientôt 20 heures. Dans l’un des bars climatisés les plus animés de la commune d’Abomey-Calavi, un groupe d’une trentaine de jeunes est en fête.
La plupart d’entre eux ne se sont jamais vus. Ils se connaissent de nom et peut-être aussi de vue grâce à leurs photos respectives, partagées via leurs téléphones portables à l’occasion des présentations. Mais au cours de cette soirée, ils sont venus briser les frontières du virtuel pour établir des contacts physique, fraternel et chaleureux.
En réalité, tous ceux qui prenaient part à cette soirée sont des professionnels des médias, sinon essentiellement des journalistes et des animateurs. Ils officient dans le secteur public comme privé. On y retrouve aussi des freelance.
Ils appartiennent à toutes les générations, des plus jeunes sortis ou non des écoles de formation et découvrant fraichement le métier, en passant par ceux qui ont cinq, dix, quinze ans d’expérience professionnelle et même plus. Ils sont tous membres d’un forum de discussion créé via l’application multimédia WhatsApp.
Dans ce creuset, une cinquantaine d’acteurs des médias se côtoie au quotidien, échange, communique, partage l’information, la commente, s’entraide et se soutient presque 24 heures sur 24. Le groupe est baptisé «Boulevard des infos». L’idée a vu le jour grâce à un certain Is Deen Tidjani, rédacteur en chef d’un quotidien privé de la place. C’est lui qui a eu l’idée de fonder le fameux boulevard devenu en un temps record, le premier forum de discussions entre journalistes dans le pays. Mais dans cette caste informationnelle, n’y entre pas qui veut.
«Les membres de ce forum sont essentiellement des professionnels des médias. Pour ce qui est de l’adhésion, certains en font la demande. Mais nous suscitons personnellement l’adhésion d’autres confrères qui ont de belles plumes », explique l’initiateur qui est aussi l’administrateur du groupe. En tant que tel, il veille à la discipline et au respect entre les membres du creuset. «Nous arrivons à nous auto-discipliner en tant que membres du Boulevard. Mais par moment, des sanctions tombent aussi».
Ainsi, il n’est pas rare de voir l’administrateur poster un carton jaune en guise d’avertissement contre un membre qui aurait commis une bévue. Cette discipline interne permet de maintenir l’harmonie et la cohésion et de concentrer les «boulevardiers» comme on les appelle, sur l’essentiel de ce qui les réunit, à savoir l’information.
Une autre approche de gestion de l’information
«Le Boulevard des infos» n’est pas le seul groupe de journalistes créé avec l’application WhatsApp. Avant et après lui, de nombreux autres groupes ont vu le jour. Certains, à l’instar de «Tout le sport » sont purement thématiques HAAC 2014, Bénin debout, Koi de 9, Entre confrères… Ils sont nombreux et s’inscrivent en droite ligne d'une tendance générale dans d’autres secteurs d’activités.
Le mérite d’une telle initiative réside dans le fait qu’elle permet aux professionnels des médias de disposer à temps des informations, même celles qui se déroulent à des milliers de kilomètres de leurs localités.
En effet, certains professionnels des médias absents du territoire national pour des raisons de formation ou autres, n’hésitent pas à partager les informations du lieu où ils se trouvent via ce groupe.
Au plan national, tout le territoire national est ceinturé. Dans tous les départements du pays, il y a plusieurs journalistes membres du "boulevard" qui, chaque jour, envoie les informations en direction de leurs autres confrères.
Il arrive souvent aussi qu’un membre du forum demande à un autre de par sa position géographique d’aller à la quête d’une information, de la vérifier et de la publier. Ce faisant, la plupart des événements qui se déroulent ici et là sont vécus en direct sur les téléphones portables à travers images, sons et vidéos. « A partir de ces éléments, il devient plus aisé de vérifier l’information, en dehors de ces éléments multimédias qui constituent déjà des preuves », commente un membre du Boulevard des infos.
L’autre innovation trouvée par les membres du groupe, c’est de recevoir en direct des invités. Une sorte de plateau sur lequel l’invité vient se soumettre aux questions des journalistes. Depuis son bureau ou son domicile, l’invité qui est connecté comme les membres du "Boulevard" à un support de communication reçoit les questions des journalistes et leur envoie en même temps ses réponses.
« Pour des rencontres du genre, l’entretien se prépare en étroite complicité avec les membres du "Boulevard". Ainsi, un ou deux membres du groupe sont chargés de préparer le terrain avec l’invité. Seulement deux membres désignés à l’unanimité s’entretiennent avec lui et les autres, tels des spectateurs, suivent religieusement », détaille l’administrateur Is Deen Tidjani. Selon ses explications, l’entretien est structuré de manière à ce que les membres qui sentent le besoin de poser des questions les font parvenir à l’un des interviewers qui se charge à son tour de les poser à l’invité». Plusieurs invités ont eu la chance de participer à de tels débats.
Même des autorités au plus haut niveau de l'Etat se sont soumises à l’exercice sans s’en plaindre. Bien au contraire, ils s’en sortent ravis et séduits par la trouvaille. Dans ce genre d’exercice, il arrive parfois que l’invité accepte de disposer de l’application. On procède alors à l’installation (si possible) afin de lui permettre d’être à jour.
Une fois cette formalité accomplie, le jeu de questions-réponses prend place et dans la plupart du temps, les invités s’en sortent soit ragaillardis, soit déprimés. Toujours est-il que ce jeu est plaisant et loin de déplaire, il accroche beaucoup plus d’invités qui trouvent là, à la fois une innovation et un moyen de se tenir dans la danse du multimédia qui dicte actuellement sa loi.
Une demande de plus en plus forte
Pour la véracité des informations publiées sur le "Boulevard des infos", le principe est simple et est d’ailleurs bien facilité par l’application WhatsApp qui offre une possibilité d’envoie et de téléchargement de fichiers multimédias (Sons, photo et vidéo). Avec une telle approche, on pourrait penser à première vue que les risques de diffusion d’informations erronées sont moindres.
Pourtant, plus d’une fois reconnaît Is Deen Tidjani, certains "boulevardiers" trop pressés sans doute de balancer des informations ont manqué d’attention et ont envoyé de fausses nouvelles. Fort heureusement, grâce à la vigilance d’autres membres, ces genres de manquements ont pu être rectifiés. Malgré cette faiblesse, le désir d’appartenir à ce creuset va de plus en plus grandissant.
Aujourd’hui, le nombre limite de 50 personnes plus un administrateur indiqué dans un groupe sur cette application est déjà atteint. Pourtant, les demandes d’appartenir au "Boulevard" ne cessent d’augmenter. Finalement, avance l’administrateur, un deuxième boulevard des infos a été créé. Mais face à la demande d’autres acteurs d'intégrer ce groupe, il a été créé sur facebook un autre "boulevard des infos" qui totalise à ce jour plus de 200 membres.
Et comme si WhatsApp commençait à être saturé, c’est vers une autre application, Viber que les journalistes s’orientent et se mettent en réseau avec les mêmes objectifs.