Le transport en commun dans la ville de Cotonou et ses environs est marqué par un phénomène : les minibus, un nouveau moyen de transport, à moindre coût et très prisé par les populations. Un tour dans l’univers des « Tokpa-Tokpa », comme on les appelle, a permis de faire quelques découvertes.
« Tokpa-Tokpa ». C’est ainsi qu’on les appelle à Cotonou. Présents sur toutes les artères principales de Cotonou, des minibus plus ou moins neufs pullulent. Quelques-uns sont peints aux couleurs de certaines sociétés de la place. « Tokpa Tokpa !… » ; c’est ce qui se laisse entendre dès le passage de ces bus devant vous. Ce cri, c’est l’assistant du conducteur qui l’émet, la tête au travers des vitres. C’est une manière propre à eux de rechercher les passagers. Le conducteur, quant à lui, assis peinard au volant se contente seulement de conduire les passagers à destination.
« Très tôt le matin, à 4 heures, je me lève, pour nettoyer mon véhicule et me préparer pour la journée. A 5 heures 30 minutes, je vais sur le parc de stationnement des minibus de Cococodji. Je cherche quelques clients. Le bus à moitié rempli, je démarre, espérant trouver d’autres passagers sur la route. Mon assistant assis juste à côté de la portière s’occupe de la recherche de nouveaux clients et de la collecte des fonds », confie Louis, un conducteur de minibus.
C’est ainsi que les minibus assurent tous les jours le transport des usagers, des localités ou quartiers environnants de Cotonou vers le Marché international de Dantokpa. C’est d’ailleurs ce trajet habituel qui a inspiré le nom « Tokpa-Tokpa » aux populations. Par ce moyen de transport, les usagers des villes environnantes telles que Ouidah, Abomey-Calavi et même Allada rallient, non seulement le grand marché Dantokpa, mais aussi les autres quartiers de la ville de Cotonou, et ceci à un coût relativement forfaitaire. Ce qui explique d’ailleurs le fait que bon nombre de citoyens les préfèrent aux taxis-ville et aux taxis-moto.
« Moi je préfère les Tokpa-tokpa, car ils sont moins chers. Je ne paie que 300 Fcfa pour me rendre au marché. Avec les taxis-ville, il faut payer 500 Fcfa », déclare Joséphine, une jeune revendeuse de tomates au marché Dantokpa, résidant à Gbodjè, un arrondissement de la commune d’Abomey-Calavi. Mais en plus de leur tarif forfaitaire, les minibus « Tokpa-Tokpa » disposent également d’une forte capacité de transport de marchandises et autres bagages.
Sêna, une jeune commerçante résidant à Pahou, doit rallier la place de l’Etoile rouge avec deux sacs de maïs, des cartons de pâtes alimentaires et des paniers d’oignons. Debout au bord de la route inter-Etats Cotonou-Lomé, elle attend patiemment que stationne un minibus “Tokpa-Tokpa“. « Les taxis-ville ne pourront pas transporter tous ces bagages pour moi. Et même s’ils devraient le faire, cela me reviendrait cher. Avec « tokpa-Tokpa » je ne payerai qu’au plus 800 Fcfa », dit-elle.
Une activité créatrice d’emploi !'
« J’étais conducteur de taxi-moto. Un ami m’a conseillé, après une tontine, d’acheter un minibus et de me lancer dans le transport en commun. Ce que j’ai fait tout en mettant ma moto sous contrat. Aujourd’hui, j’ai quatre minibus en circulation…. ». Telle est l’expérience de Landry, un jeune conducteur de minibus affecté au transport en commun. A l’en croire, il aurait acheté un minibus sur un parc de vente de véhicules d’occasion à 1.800.000 Fcfa, qu’il a affecté au transport en commun « Tokpa-Tokpa. Le coût d‘achat, la réparation et la mise en règle des papiers de ce véhicule lui ont coûté environ 4.000.000 Fcfa.
Actuellement, en plus de ce minibus, il dispose de trois autres, qu’il a mis sous contrat avec des prestataires qui, à la fin de chaque journée, doivent lui verser une somme de 20.000 Fcfa chacun, soit 60000 Fcfa. « Cette somme est directement versée à la banque. Je me débrouille avec ce que me rapporte le véhicule que je gère moi-même », ajoute-t-il. Aujourd’hui, Landry dispose d’une maison, de 2 parcelles, d’un véhicule personnel,…et même d’une ferme.
Mais pour mettre en circulation ses véhicules, Landry a souvent recours aux services d’un garage automobile pour les réparations nécessaires. Car généralement, les véhicules d’occasion sont achetés dans un état presque totalement défectueux. Dans ce garage donc, mécaniciens, soudeurs, électriciens, peintres, vulcanisateurs et autres encore travaillent de commun accord pour remettre ces véhicules en bon état. Ceux-ci, selon le travail qu’ils abattent, peuvent gagner une somme allant de 50.000 à 200.000 Fcfa et plus.
« Nous taxons les propriétaires de véhicules selon le problème de leur véhicule. Celui là, je dois le segmenter. J’ai déjà reçu 150000 Fcfa du propriétaire, sans compter la main d’œuvre », explique Egbèmako, mécanicien dans l’un des garages de la place.
Et comme lui, ses coéquipiers (soudeurs, peintres, électriciens…) jouiront des fruits du même véhicule. Parfois, ceux-ci sont obligés de faire appel à d’autres ouvriers de leurs secteurs respectifs, lorsqu’ils sont débordés. C’est le cas de Egbèmako, qui emploie dans son garage plus d’une douzaine d’ouvriers pour assumer diverses tâches. Et comme lui, beaucoup d’autres garagistes fonctionnent de la sorte. Un système qui, en plus de créer la richesse crée aussi des emplois.
Victimes d’abus…
Certains propriétaires sont parfois victimes d’escroquerie de la part leurs prestataires. Ils sont déçus, soit par le conducteur ou l’un des réparateurs au garage. Ce que n’accepte jamais Landry. « Il m’est arrivé de porter plainte contre mon mécanicien à la brigade. Alors que mon véhicule avait des problèmes de bougie, il m’a dit que je devais aussi changer la pompe qui en réalité n’avait aucun problème. Je lui ai remis l’argent qu’il a demandé, mais deux jours plus tard, la pompe a eu de problèmes.
Et c’est ainsi que la vérité a éclaté… », raconte-t-il. Landry n’a pas été trahi que par son mécanicien, mais aussi par un de ses prestataires, à qui il a confié un véhicule. Ce dernier, après plusieurs jours de travail, a disparu avec toute la recette.
Landry prie toujours qu’aucun accident ne survienne. « Lorsque vous faites un accident, les policiers vous attaquent tout de suite. Même lorsque vous êtes en règle, ils s’arrangent toujours pour vous créer des faux frais… », Déclare-t-il.
Du gain à l’insécurité !
Tout comme les conducteurs de camions, les conducteurs de minibus « Tokpa-Tokpa » s’érigent en « maîtres » sur les axes routiers. Ils s’arrêtent où quand ils le veulent et redémarrent quand ça leur plaît. Il suffit de les observer le long du trajet et le constat est flagrant. Lorsqu’ils doivent s’arrêter pour prendre ou descendre un passager hors parc, c’est tout un « spectacle » qui s’ensuit. Place aux propos injurieux et parfois des bagarres. Certains ne sont même pas dotés de feux stop, ni de clignotants pour indiquer leurs mouvements.
Aussi, ces conducteurs ne font-ils l’objet d’aucun contrôle de la part des forces de l’ordre. « Les policiers ne nous arrêtent pas… », déclare Lucien, un conducteur de « Tokpa-Tokpa ». Du coup, la surcharge devient leur chou gras. Dans le véhicule, pas d’exigence. « Soit vous acceptez ou vous descendez ». On est donc obligé de se serrer et d’accepter les supplices qui en découlent dans un véhicule à peine entretenu et dont les amortisseurs ne répondent presque plus.
Une petite imprudence du conducteur qui passe dans un trou suffit pour que les douleurs musculaires s’accentuent. Parfois, on assiste à des disputes entre passagers et conducteurs. Et ces véhicules, dans leur majorité, ne disposent pas d’une assurance valable. Les visites techniques sont irrégulières. Interrogés, les responsables en charge de la sécurité routière n’ont pas voulu se prononcer sur la question. Les conducteurs eux aussi se refusent de livrer toute information que ce soit sur cette même question. Un silence auquel il est pourtant nécessaire de mettre fin.