Échange de bons procédés : corruption au sud, régionalisme au nord, népotisme partout, telles sont les données, conséquences et motivations de la fausse bonne volonté républicaine des sudistes, érigée en système et qui, au Bénin, depuis 50 ans, se traduit par le soutien systématique à l’élection d’un homme politique du Nord comme président de la République.
Quelques repères
*1960, le Dahomey devient indépendant. On ne sait par quel miracle, M. Hubert Maga, un homme originaire du Borgou par sa mère et de la Haute-Volta par son père, devient président de la république du Dahomey… !
*1972. Une junte de jeunes officiers fait un coup d’état ; ils sont en quasi-totalité originaires du sud : Aïkpé, Alladayè, Assogba,, etc.… Mais pour les chapeauter, ils font appel à un officier du Nord, qui a évolué politiquement dans le sillage de Maga —Kérékou.
*1995-. En plein Renouveau Démocratique. Le démon de la division battait son plein dans l’ambiance politique sous la présidence de Soglo. Comme toujours, les hommes politiques du sud n’entendent pas faire allégeance à un homme du sud, encore moins reconnaître sa pleine autorité—ce qu’ils font facilement à un homme du Nord. C’est dans ces conditions que quelques-uns d’entre eux vont faire appel à un homme politique du Nord—Kérékou—déjà en disgrâce de la culture démocratique, et oeuvrent à sa réintégration dans le système où il entamera une deuxième vie politique qui durera 10 ans !
*2006. Ce nordique —Kérékou—finit son mandat et manque de le perpétuer par traficotage de la constitution. Et la même clique de faiseurs de roi et d’autres nouveaux venus dans le sérail ayant compris l’utilité du soutien à l’homme politique du Nord, manœuvrent et sortent pour ainsi dire du chapeau un homme jusque-là inconnu. Au club ancien des Tévoédjrè et Zinsou , il faut ajouter les néo-manipulateurs à motivation financière comme Talon. Ainsi, M. Yayi Boni arrive-t-il au pouvoir, avec toutes les calamités et le style tyrannique qu’on lui connaîtra.
Comme on le voit, le procédé reste le même. Une mafia d’acteurs politiques et de groupes d’intérêts économiques du sud choisissent comme cheval de Troie un homme du Nord, qui au nom de la république, gouverne le pays. Et ce en dépit du fait que le régionalisme gouverne les mœurs politiques, et qu’en raison de la proportion qui les favorise, ç’aurait dû être les sudistes qui enverraient un président au sommet de l’État. Au cours des 50 dernières années—en démocratie comme en dictature, avec la bonne volonté insidieuse d’une clique d’acteurs du sud—la présidence nordique du Bénin a été naturalisée. C’est devenu un système et une évidence. Cette bonne volonté affairiste n’est pas sans conséquences néfastes.
1. D’abord elle instaure et naturalise une injustice politique. Car dans la mesure où le régionalisme ne doit s’estomper dans nos moeurs politiques que progressivement, pendant qu’il sévit encore et régit nos moeurs politiques, dans les conditions normales, c’est le sud qui devrait être politiquement majoritaire dans le rapport de 60/40. Et c’est donc le sud, fort de sa majorité qui devrait envoyer un président au sommet de l’État. Au lieu de quoi, s’appuyant sur la mentalité des sudistes portée à la haine de soi, le système exacerbe et cultive subtilement la division du sud— comme le colon l’a fait en 1960 pour placer Maga à la tête du pays. Ainsi non seulement les populations du sud n’obtiennent pas ce qui politiquement leur revient de droit, mais ils en ressortent divisés. Ainsi, même en 2011, le système a encore frappé avec plus de visibilité et de ruses. Cette année-là, il se trouvait encore un regroupement de gens du sud qui sous le nom de « les amis de ABT » était prêt—au cas où le remplacement de Yayi Boni serait acté, à produire un avatar de ce dernier sur le même procédé et avec les mêmes objectifs. Et ce par refus de leur congénère du sud, qui s’était pourtant préparé pour le poste et qui en avait les qualités, l’expérience requise et les atouts ; ayant longtemps attendu son tour et qui n’eut pas la grâce de ses semblables pour la reconnaissance de sa légitime attente.
2. L’objectif et l’usage de ce tropisme septentrional en matière du choix du président de la république dont font preuve les gens du sud souvent passionnément ou hypocritement comme c’est le cas lors des élections de mars 2011, qui ont abouti au hold-up par lequel Yayi Boni s’est maintenu, l’objectif et l’usage consacré de ce tropisme septentrional en politique est de mettre en cheville une division ethnique ou régionaliste du travail politique avec la division éthique des avantages et intérêts sociaux et économiques que recèlent le pouvoir et l’activité politiques.
Toute l’administration politique du pays étant concentrée au sud, de même que la convergence des infrastructures économiques ; toute l’histoire politique ayant le sud pour centre et le Nord apparaissant comme la périphérie historique et économique du sud sinon un simple outsider ; enfin le sud étant démographiquement—dans un rapport de 60/40—plus développé que le Nord, sociologiquement plus avancé et économiquement plus doté, le Nord apparaît comme le parent pauvre de la vie sociopolitique et socioéconomique du pays.
Mais c’est déjà en soi une erreur de représentation et un consensus erroné que de mettre l’accent sur l’opposition Nord/sud ; plutôt que sur la prépondérance historique de la zone d’influence historique du Dahomey par opposition à ceux qui à des degrés divers ne relèvent pas strictement du Dahomey. Car le cœur socioéconomique et historique du sud reste Porto-Novo Cotonou et Abomey.
Cette réalité de région périphérique à maints égards est source de frustration et de complexe d’infériorité chez les non-dahoméens en général et les nordiques en particulier. Ce complexe bien compris par le sudiste fait l’objet d’une manipulation sous couleur d’une bonne volonté républicaine dont la face diurne de l’application se traduit par un paternalisme de compensation qui met en scène l’élection fatale du président nordique en dépit du déficit démographique du Nord conjugué avec la prédominance et la prégnance du régionalisme dans les mœurs politiques.
La face nocturne de la bonne volonté républicaine des béninois du sud prend une tournure éthique pour le moins catastrophique. C’est elle qui d’une manière générale, en Afrique, conçoit de la politique une formidable occasion de bonheur personnel, familial ou tribal au détriment de l’intérêt de la collectivité nationale dans son ensemble, et plus particulièrement de la mise à l’honneur des exigences de la rationalité légale et économique.
La manière dont cette tournure éthique catastrophique sévit consiste en une division mafieuse du travail du pillage des ressources de l’État. Aux sudistes le monopole sur le marché de la corruption, au nordique assoiffé de reconnaissance, le monopole sur le marché du népotisme dont la devise phare consiste en la mainmise sur l’administration publique par le pouvoir de nomination, de remplissage des ministères et sociétés d’État sur une base régionaliste systématique et sans vergogne ni scrupule.
Voilà la forme spécifique par laquelle le Bénin—à l’instar de la plupart des états noirs d’Afrique—a choisi le non-développement. Il y a dans cette affaire certes le coup d’envoi inaugural du colonisateur qui dans une bonne volonté paternaliste s’est mis en tête de rééquilibrer le jeu sociopolitique. Et puis, la triste relève d’une élite aliénée qui ne trouve son bonheur et sa satisfaction mentale que lorsqu’elle s’est assurée d’avoir mis ses pieds dans ceux du blanc, même lorsque du bout des lèvres et par bonne conscience, elle dénonce à grands cris le colonialisme et le néocolonialisme. La conséquence tragique pour le Bénin est la division du sud du pays dont l’unité culturelle, symbolique et historique tombe pourtant sous le sens. La facilité de la division du sud est entée sur les séquelles inhérentes à sa proximité historique du colonisateur. L’expérience montre qu’en Afrique, les peuples et les régions qui ont historiquement accueilli les européens, développent la maladie de l’aliénation qui fait que leurs ressortissants éminents ayant intériorisé les travers des blancs n’ont de cesse de les régurgiter, et ne se croient les plus intelligents que lorsqu’au détriment de leur unité et de leur solidarité, ils étalent leur bêtise mimétique de ces travers et vices érigés en valeurs transcendantes. Alors que par opposition, les contrées éloignées de l’influence historique du colonisateur, qui le plus souvent se sont montrées rebelles et hostiles à son commerce, sont celles dont les ressortissants font preuve de solidarité et de discipline collective, toutes dispositions et attitudes très précieuses à la sauvegarde de leurs intérêts politiques.
L’un des aspects du paternalisme politique qui constitue le fardeau de l’homme politique du sud est le consensus erroné de la parité Nord-Sud. En règle générale, la parité est un principe d’équité et de pondération. Elle est effectuée de manière à compenser en proportion les lacunes relatives d’un groupe ou d’une communauté. Aux Etats-Unis par exemple, elle s’applique dans le cadre de la loi sur la discrimination positive. Mais en aucun cas, la positive action ne consiste à mettre un noir sur le plateau d’une balance et un blanc sur l’autre. Parité ne veut pas dire égalité, car il faut tenir compte de la réalité du rapport démographique entre les groupes ou les communautés considérés. Or au Bénin, consécutive à la construction mentale de l’opposition Nord/sud, et au mépris de la réalité, sévit l’idée que nordistes et sudistes devraient être représentés en nombre égal dans chaque institution, chaque domaine de la vie socio-économique du pays. Et le régionalisme politique s’est chargé d’envenimer la pratique de ce consensus frauduleux en agissant sous l’emprise des passions ethniques, ce qui le plus souvent fait exploser le carcan idéologique déjà erroné de l’égalitarisme. L’idéologie égalitariste est erronée au moins pour deux raisons. D’une part, au Bénin le ratio démographique est de 60/40 en faveur du sud. Ce qui veut dire que déjà sur cette base, d’un point de vue légal et rationnel, sur 10 nominations dans les diverses institutions, il devrait y avoir 6 sudistes pour 4 nordistes.
Mais d’autre part, d’un point de vue rationnel et légal, et dans l’esprit de choisir l’homme qu’il faut à la place qu’il faut, le Nord, pour des raisons héritées de l’histoire— est très désavantagé sur le plan éducationnel. Et il saute aux yeux qu’il y a plus de personnes instruites et bien formées au sud qu’au nord et ce dans un ratio de 70/30.
Toutes ces comparaisons, il est vrai sommaires, amènent au constat qu’une politique inspirée par la bonne volonté paritaire axée sur le régionalisme, si elle se veut appliquer dans l’intérêt du pays et non pour le bonheur personnel de quelques-uns, ne peut que donner droit à la supériorité sociologique et démographique du sud sur le Nord dans un rapport de 70/30 ou au pire de 60/40.
Or les manipulations politiciennes qui résultent de la bonne volonté paternaliste des sudistes, pour les intérêts d’une classe minoritaire rompue à l’enrichissement personnel, en arrivent au résultat contraire. Si bien qu’au nom de la parité, on aboutit à une injuste disparité. Telles sont les conséquences désastreuses du Fardeau politique de l’homme du sud !