Les électeurs n’en sauront certainement rien. Sur l’origine des milliards à faire déferler sur tout le pays dans quelques mois ; d’abord à l’occasion des municipales, ensuite lors des législatives puis enfin en prélude aux présidentielles.
À chaque acteur son ordre de priorité. Pendant que certains s’activent pour la bataille locale, ou législative, d’autres s’affichent clairement pour le sprint suprême. Nul doute que parmi les sujets en débats, il n’y aurait le moindre intérêt pour l’origine de l’argent des majestueuses estrades prévues pour accueillir les meetings géants. C’est presque sûr qu’aucun présidentiable ne serait interpellé sur ses bailleurs connus et inconnus.
Pourvu que les tee-shirts, les casquettes, les gadgets, les billets de 1.000 Fcfa, les packs de riz et de sucre coulent à flot. Tant pis si dans le passé du débonnaire de service, les fonds d’un ministère, d’une institution internationale, d’une administration publique ou destinés à l’achat d’un avion présidentiel avaient beaucoup souffert de mauvaise gouvernance ou de gestion peu orthodoxe.
Il ne fait l’ombre d’un doute qu’aucun des discours à venir ne ferait l’économie du slogan : "lutte contre la corruption". Pourtant, on voit mal un présidentiable se contenter de son salaire ou de son patrimoine personnel pour gagner la Marina. Et même s’il le faisait, au nom de quelle morale on pourrait lui interdire de ne pas tenter de reconstituer sa fortune ainsi dilapidée une fois arrivé à ses fins ?
Que l’argent ait été pris auprès d’un tiers ou qu’il ait été puisé de sa propre tirelire, il n’y a qu’un nom pour désigner cela : "financement occulte" voire "corruption". Comment exiger alors d’un président élu dans ces conditions troubles pour ne pas dire mafieuses de nettoyer les écuries après avoir été proclamé vainqueur sous réserve de tout ce qui se serait tramé de sonnant et de trébuchant tout le long de la chaîne de manipulation et de proclamation des résultats.
Tout le monde a pu constater avec quelle aisance un des plus célèbres mécènes politiques du Bénin a revendiqué sur Rfi avoir financé la campagne électorale de son ancien allié aussi bien en 2006 qu’en 2011. Imaginez Liliane Betancourt avouez avoir mis de l’argent dans une campagne électorale de Sarkozy ; de quoi débloquer enfin de nombreuses procédures judiciaires enclenchées en vain depuis des année. Mais au Bénin, financer la propagande politique n’a pas de normes ni de règles.
Avis à tous les narco-mécènes sud américains désireux de faire élire un président de la République sans craindre une inquisition moralisante. Tout ce qui est demandé au candidat c’est d’être suffisamment généreux aussi bien vis-à-vis du petit peuple électeur, de la structure en charge de l’organisation du scrutin et ses démembrements ainsi que des validateurs des résultats.
Mais en général, ce petit peuple électeur ne se sent nullement outrer de se faire gouverner par l’argent du crime. Au contraire, la prodigalité est devenue un des critères d’évaluation de tout aspirant aux plus hautes fonctions. Je ne vois vraiment pas comment le prochain président pourrait être celui que l’argent occulte n’aurait pas choisi. A travers ce qui tient lieu de partis politiques aux allures de sociétés secrètes ou d’associations de malfaiteurs.
Le plus inquiétant est la révulsion quasi pathologique que provoque auprès de la majorité des Béninois, la moindre réflexion sur une éventuelle législation sur l’argent de la propagande. On feint souvent d’oublier que l’article 5 de la constitution a consacré l’exclusivité de l’animation de la vie publique aux seuls partis politiques.
Un simple plaidoyer pour la prise d’une loi d’application de cette disposition constitutionnelle est perçu comme un sacrilège de la part des partisans de l’immobilisme et du statu quo en la matière. Nos dirigeants sont élus avec l’argent douteux voire l’argent sale ; et alors ? Il paraît que le vote-business ou le vote-prestation-de-service n’est qu’une manière de redistribuer l’argent volé à l’État.
Vive le règne de l’argent occulte en 2016 et après...