La vie au pouvoir puis la vie après le pouvoir. Des millions de citoyens ne connaissent d’ailleurs rien du pouvoir, une vie sans pouvoir du tout. De toutes les expériences que j’ai connues sur le continent, celle du Bénin m’a particulièrement marqué lorsqu’à la fin du 2ème mandat du président Mathieu Kérékou, le débat sur sa succession a surgi surtout dans les cercles du pouvoir au sein desquels je comptais beaucoup d’amis. Un débat si passionné qui m’obligea à donner une interview à un journal paraissant à Cotonou où j’y étalais ma conception sur le sujet. À cette époque-là, comme aujourd’hui, où l’alternance demeure encore une problématique dans plusieurs pays africains notamment francophones, ma contribution est la même : "l’alternance ne s’évite pas, elle se prépare dans tous cas de figure".
Je disais, en effet, aux amis Béninois partisans du régime d’alors qu’au lieu de paniquer face à la perspective d’un départ définitif du général Kérékou au terme de son deuxième et dernier mandat constitutionnel, il était dans leur intérêt de penser à un futur sans leur leader charismatique. Même si les velléités de quelques-uns à voir la constitution modifier afin de prolonger le règne du général prospéraient, il arrivera toujours le moment de la fin, soit par un événement naturel soit pas une conjoncture exceptionnelle. Et généralement personne ne sait ce qui pourrait advenir de ces situations imprévues. Grâce à l’esprit de tolérance et d’ouverture qui ont toujours animé le débat public au Bénin, j’ai constaté que la famille politique du général a renoncé finalement à toute idée de faire modifier la constitution. Depuis lors, l’ancien président fait une nouvelle expérience de vie après le pouvoir, lorsqu’on sait qu’il a déjà vécu pareille circonstance entre 1991 et 1996 après avoir perdu le pouvoir une première fois avant de revenir toujours par les urnes.
Dans une République moderne, il est vain de craindre une quelconque survenance de l’alternance. Au contraire, il vaut mieux être préparé à cela à chaque instant que d’y être contraint. Le parcours de plusieurs pays africains montrent bien que le départ d’un president du pouvoir ne signifie nullement la déchéance de tous ses partisans. Afrique du Sud, Tanzanie, Zambie, Namibie, Ghana, Cap-Vert etc.... A peine une recomposition de la classe politique, des grincements de dents, puis une reprise de la vie avec quelques aménagements suivants les circonstances. C’est le principe républicain qui commande que les uns succèdent aux autres dans la conduite des affaires de la citée. Même la grande Chine très jalouse de son modèle de parti unique manie avec maestria depuis Mao les vertus de l’alternance au pouvoir. La vie après le pouvoir devrait donc être une grâce et non une malédiction.