El hadj Osseni Aoussa Aladé au sujet de l’affaire de l’Université koweitienne à Porto-Novo : «Le gouvernement veut nous arracher notre université pour ailleurs»
Publié le mercredi 9 avril 2014 | La Presse du Jour
El hadj Osseni Aoussa Aladé est ancien trésorier général de l’Union islamique du Bénin et principal ami du président du conseil d’administration de l’Ong Agence des Musulmans pour l’Afrique, la cheville ouvrière de l’obtention d’accord de don pour la construction d’une université de huit facultés par le Koweït au profit de la ville de Porto-Novo. Après avoir fait l’historique de ce projet, il appelle les Porto-Noviens à se mobiliser pour protester contre le détournement, au profit d’une autre région du pays pour une raison d’assainissement du site, de ce projet destiné à Porto-Novo. Il clame avoir négocié cette université au profit de Porto-Novo. Le Koweit a accepté le site de 50 hectares octroyés par la municipalité. Mais il ne comprend pas pourquoi le gouvernement veut arracher ce projet pour l’amener ailleurs. Il tire la sonnette d’alarme. Qu’est ce que Porto-Novo a fait pour mériter ce sort, s’est interrogé Osseni Aoussa Aladé dans cet entretien avant d’exhorter les filles et fils de Porto-Novo à la mobilisation pour convaincre le gouvernement.
Bonjour El ha Océni. Vous vous êtes toujours battu pour que Porto-Novo abrite le projet de construction d’une Université offerte par le Koweit au Bénin. Quelle est l’origine de ce projet, et pourquoi pensez-vous que ce projet revient à Porto-Novo ?
Merci de me donner l’opportunité de faire mon devoir de restitution et de vérité à l’égard de mes frères. Ce projet date de 2006. Nous étions partis à Kétaou à la frontière du Bénin-Togo pour rencontrer le Dr Abdou Ramanou Smait, président du conseil d’administration de l’Agence des Musulmans d’Afrique, une Ong Kowéitienne. A sa descente, il me dit en aparté : El hadj Oceni, j’ai un projet d’université pour le Bénin ou pour le Togo. Si vous vous arrangez pour que le Bénin donne vite son agrément, alors le projet reviendra au Bénin. Dès que j’ai reçu l’information, au nom du patriotisme qui m’anime, j’ai engagé les démarches nécessaires pour que le Bénin accepte le projet. Pour y aboutir, j’ai mis à contribution l’Union islamique du Bénin dont j’étais le trésorier général. Elle a envoyé une lettre au gouvernement pour manifester son soutien au projet de l’Université koweitienne pour Porto-Novo.
Dites-nous en quelle qualité avez-vous rencontré l’émissaire de l’Emir Kowéitien, Dr Abdou Ramanou Smait ? Etiez-vous mandaté par le gouvernement d’alors ?
A l’origine de l’accord de siège de l’Ong, l’Agence des Musulmans d’Afrique, j’ai beaucoup contribué. J’ai facilité les démarches administratives pour la signature de l’accord de siège qui était au prime abord compliqué pour l’interface du Koweït, en m’appuyant sur le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères d’alors, Kolawolé Idji, et son collègue Assogba. C’est ainsi que j’ai gagné l’estime de ces Arabes qui ne cessent de me témoigner leur amitié. C’est ainsi que Dr Abdou Ramanou Smait m’a informé.
Est-ce en signe de reconnaissance et de remerciement que Dr Abdou Ramanou Smait vous a donné la primeur de cette information pour que vous arriviez à capter le projet pour le Bénin ?
Je peux affirmer avec modestie que c’est en signe de reconnaissance et d’amitié personnelle que Dr Abdou Ramanou Smait m’a donné l’information. Aussi, je voudrais témoigner ici que feu Dr Abdou Ramanou Smait a un amour profond pour le Bénin. Il a été décoré depuis 2005. C’est ainsi qu’il s’est engagé à faire aboutir le projet si le Bénin l’accepte.
Dès que l’Union islamique du Bénin a notifié son soutien au projet au gouvernement, quelle a été la réaction qui a suivi ?
Le gouvernement a saisi l’opportunité. Il a envoyé une mission au Koweit pour approfondir les négociations. La mission a été conduite par l’ex ministre de l’enseignement supérieur, Pr Mathurin Coffi Nago. Ainsi, le 6 Février 2007, le ministre Mathurin Coffi Nago nous a convié au ministère à une réunion où il disait ceci : « la vision du gouvernement pour l’installation des zones universitaires, c’est dans la région d’Abomey-Bohicon et la région de Porto-Novo ». Il a précisé que « pour cette Université koweitienne, ce serait dans la région de Porto-Novo car la municipalité de Porto-Novo a déjà envoyé une lettre au gouvernement, mettant à sa disposition un domaine de 100 hectares pour abriter l’université ». Mais le ministre Nago ne s’est pas arrêté aux dires. Ainsi, le 21 février 2007, le ministre de l’enseignement supérieur nous a notifié ce qu’il nous a dit le 6 février. Confirmant donc que l’Université Koweitienne sera construite à Porto-Novo. La lettre existe. C’est d’ailleurs avec cette lettre que nous avons poursuivi nos démarches. L’ancien maire de Porto-Novo, Dossou Bernard, suite à la lettre du ministre, nous a conduits sur le site à Lokpodji et il nous a remis le plan de 127 hectares de la zone dont 100 hectares pour abriter l’Université Koweitienne. Malheureusement, une autre personne a remplacé le maire Dossou à la tête de la mairie. Les premières difficultés ont commencé là. Ce nouveau maire nous dit qu’il n’y a pas assez de terres à Porto-Novo et qu’il ne saurait nous laisser 100 hectares. C’est ainsi qu’il a réduit le don à 50 hectares. Mais à ce niveau, il y a eu une avancée car il nous a notifié un arrêté municipal sur décision du Conseil qui affecte 50 hectares à l’Ong l’Agence des Musulmans d’Afrique.
De 2007 à 2011, il y a acceptation du produit, confirmation de l’engagement du gouvernement béninois et don d’un site pour abriter l’Université. Pourquoi les Koweitiens n’ont pas posé la moindre pierre à ce jour ?
Les koweitiens attendaient les documents officiels car quand on a donné le plan des 100 hectares à l’Ong l’Agence des Musulmans d’Afrique, il n’y a eu aucun document officiel. Encore moins un arrêté. Aussi, quand la délégation conduite par l’émissaire de l’Emir Dr Abdou Ramanou Smait était venu à Porto-Novo au détour d’une visite du premier ministre koweitien, elle n’a pas été bien reçue. Donc les Arabes se demandaient si le don du site était sincère.
Porto-Novo a donné 50 hectares contrairement au principe de 100 hectares comme annoncé ; quelle a été votre réaction ?
J’ai rencontré rapidement le feu maire d’Adjarra Albert Gogan pour trouver une solution. Il a accepté donner 50 hectares en complément car la mairie d’Adjarra à des réserves dans la zone de Lokpodji qui sont contiguës au domaine offert par Porto-Novo. Il a répondu à notre courrier, mais il n’a pas pu sortir l’arrêté de dotation avant sa mort. Son successeur n’a pas non plus finalisé le don.
A quel niveau sommes-nous aujourd’hui dans l’évolution du projet ?
Du côté des Kowéitiens, le projet est pour Porto-Novo. Mais je viens d’apprendre avec désolation que le gouvernement béninois en a décidé autrement. Après le dernier voyage de 2013 du chef de l’Etat en Koweit, il paraitrait selon les dires du ministre des affaires étrangères qu’un comité technique est mis sur pied pour visiter les cinq sites afin d’apprécier le site le mieux approprié. Or à aucun moment, l’on n’a jamais parlé d’autres sites au niveau des Kowéitiens.
Est-ce que les Kowétiens connaissent le site de Lokpodji ? Est-ce qu’ils ont jamais visité ce site ? Et quelle est leur appréciation ?
D’abord, le directeur régional de l’Agence des Musulmans pour l’Afrique a visité plusieurs fois le site. Mieux, le président du conseil d’administration de l’Agence des Musulmans pour l’Afrique, Dr Abdou Ramanou Smait, porteur du projet, et un membre du gouvernement kowétien ont visité le site au point même de délimiter la partie du site qui doit abriter la faculté d’agronomie car c’est une université de huit facultés. Ils ont apprécié la proximité de l’eau de la lagune. Je ne sais pas sur quels critères les gens se basent pour dire que le site n’est pas approprié. Même s’il y a des aménagements à faire, le gouvernement béninois et la municipalité de Porto-Novo doivent apporter leur pierre à l’édifice. Si c’est un problème d’assainissement ça ne peut pas empêcher l’implantation d’une Université. Lokpodji c’est le quartier de rêve de tous les Porto-Novo car c’est la ville d’avenir de Porto-Novo. Vous avez vu une capitale qui n’a pas d’université ?
Vous êtes l’ami des Kowéitiens. Est-ce qu’ils ont bien apprécié le site de Porto-Novo ?
Il y a un représentant des koweitiens, un Marocain qui est au bureau de Cotonou, qui affirme que le site n’est pas approprié. Il dit qu’ils ont fait des études alors qu’il ne connait pas le site. Il ne peut pas aller là-bas sans moi car il ne connait pas le site. Il déclare que les études sont faites par satellite depuis Koweït. C’est faux ! Il faut d’abord faire des études. Je crois que c’est un problème d’aménagement. Ce Marocain a même déclaré que ce site va consommer 30% du budget du projet de construction de l’Université pour l’aménagement sur site. C’est du bluff. Est-ce que c’est par mépris pour Porto-Novo qu’on fait ces manigances ? On ne peut pas trouver de l’argent pour aménager un site pour l’Université de Porto-Novo ? Le gouvernement peut bien le faire, les Porto-Noviens aussi.
Quelle est votre inquiétude aujourd’hui pour ce projet destiné selon vous à Porto-Novo ?
Mes inquiétudes, c’est que si les Porto-Noviens croisent les bras, le projet va leur échapper. Les politiques vont se mêler et ce don du Koweït pour Porto-Novo partira ailleurs. J’interpelle Porto-Novo. Il faut qu’elle se lève pour réclamer son don. Ce n’est pas un projet du gouvernement mais un don du Koweït pour Porto-Novo. C’est nous qui l’avons négocié pour Porto-Novo. Il faut qu’on se mobilise, jeunes, vieux, fils et filles de Porto-Novo pour maintenir le projet à Porto-Novo. Tout le monde est interpellé, surtout les cadres formés à Porto-Novo. Le gouvernement n’a pas fait un projet d’université pour Porto-Novo. Il a fait des efforts en créant des centres universitaires et une faculté de médecine, mais ils ne valent pas une Université de huit facultés en bloc. Le Koweit est venu nous donner une université et le gouvernement veut nous l’arracher pour l’amener ailleurs. Qu’est ce qu’on a fait pour mériter ce sort ? Porto-Novo, levons-nous comme Abomey l’a fait pour réclamer notre don, notre université koweitienne pour Porto-Novo… Larmes aux yeux, le gouvernement a répondu à leur cri. Sans construire l’université, il a nommé le recteur et un vice-recteur pour activer le dossier. Et nous ? Réveillons-nous de notre torpeur. Ne permettons pas cet abus. On ne peut pas nous tromper avec une faculté. Tous les Béninois sont tributaires de Porto-Novo. Pendant la révolution, on nous a dit d’attendre que les autres régions nous rattrapent en matière de développement car le colon nous a aidés. Et nous voici toujours dans l’attentisme aveugle. C’est fini maintenant. Allons réclamer au gouvernement ce don.