Pendant 48heures, la section béninoise de l’Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique a fait le diagnostic de la panne de dialogue qui affecte actuellement les relations entre le peuple et ses dirigeants et entre les dirigeants eux-mêmes. Des propositions ont été collectées pour engager un vaste projet visant à réconcilier les Béninois entre eux.
Dans sa démarche, la section béninoise de l’Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique (Arga/Bénin) a identifié des acteurs politiques et sociaux auprès desquels des informations ont été collectées pour apprécier l’état du dialogue au plan social et au plan politique.
Une analyse transversale a été faite pour dégager les enjeux, la situation réelle et des propositions pour une sortie de crise. Au cours de la conférence organisée les 8 et 9 avril 2014, ses propositions ont été validées pour contribuer à l’apaisement du climat politique et social.
On peut retenir en ce qui concerne le dialogue politique qu’il désigne la dynamique d’échanges, de concertation et de discussion inclusive organisée par les acteurs politiques sur des questions de développement d’une Nation.
Ses enjeux sont entre autres de :
• Garantir la liberté d’expression et le droit de participation des citoyens et des acteurs (partis politiques, société civile); d’améliorer la qualité et la légitimité des décisions politiques.
Etat de la situation
En ce qui concerne la situation actuelle du dialogue politique, il a été retenu qu’il est en panne. Et les réactions des acteurs se font par presses interposées.
Les acteurs politiques s’accusent mutuellement. Pourtant, il existe un Haut Commissariat à la Gouvernance Concertée et un Médiateur de la République. Il y a une prééminence des calculs politiques dans le jeu public où pour les uns l’échec est une chance pour prendre le dessus ; et pour les autres, le succès est une chance pour rester aux commandes. Il existe aussi une faible internalisation des valeurs de la démocratie et une faible appréhension des enjeux et de la portée du dialogue politique. Le manque de formation sur le dialogue politique et le manque d’éthique et de conviction en politique fragilisent les groupes politiques. Il faut y ajouter le refus d’admettre les résultats de la présidentielle de 2011. Ce qui soulève un problème de légitimité et d’acceptation d’aller au dialogue.
-On n’ignore pas les grèves des syndicats jugées à tort ou à raison de manipulations politiques de l’opposition. La monopolisation des organes de service public par un camp caractérise aussi la situation de panne de dialogue au Bénin.
Propositions
Face à cette situation, quelques propositions ont été faites et pourront faire l’objet d’un grand projet que conduira Arga-Bénin avec la méthode et la contribution de tous les citoyens pour aboutir à des solutions.
On peut citer, entre autres, qu’il faut :
- Restaurer la confiance entre les acteurs à travers un débat national sur le pluralisme démocratique : les enjeux, les fondamentaux, la prise en compte de nos valeurs endogènes pour bâtir notre démocratie;
- Instaurer et mettre effectivement en œuvre le fonctionnement d’un cadre permanent de dialogue politique entre les acteurs autour des questions d’intérêt national;
- Veiller à ce que toutes les forces sociopolitiques aient un accès équitable aux médias de service public;
- Garantir la liberté de parole et de manifester à tous;
- Travailler à la décrispation politique au sein des institutions qui doivent être des creusets de dialogue, des exemples à suivre;
- Instituer un mécanisme de suivi du dialogue politique;
- Renforcer les capacités des acteurs politiques et de la société civile pour des plaidoyers et des lobbyings en matière de dialogue politique qui doit être inclusif;
• Organiser des fora réguliers pour recueillir les points de vue des acteurs ;
• Eviter des programmes préconçus et laisser l’initiative de consensus se dégager.
• Cultiver l’écoute réciproque;
• Faire l’apprentissage du dialogue politique dans les partis politiques (dialogue intra-partis) et l’étendre à l’endroit des partis politiques (dialogue inter partis)
• Organiser le dialogue politique de façon thématique.
Dialogue social en panne aussi
En ce qui concerne le dialogue social, la conférence a dégagé qu’il recouvre toutes les initiatives qui favorisent ou qui concourent à la compréhension voire le consensus sur les questions sociales touchant à la Nation.
Les enjeux qui en découlent sont :
L’institutionnalisation et le fonctionnement effectif d’un cadre légal; la mise en cohérence des idées pour bâtir un projet commun de développement social; la réussite d’une cohésion sociale qui puise ses racines dans le système social (les religions, les traditions, l’éducation,…). Il y a aussi l’entente des différents acteurs en présence malgré la divergence des intérêts dans une démarche inclusive qui privilégie l’intérêt général; enfin, la promotion d’un état d’esprit favorable au dialogue social: la volonté de dialoguer, la tolérance, le respect mutuel, la confiance et la patience.
L’état de la situation du dialogue social aujourd’hui montre qu’il est en difficulté. On constate : une inexistence de mesures préventives des crises sociales; la non anticipation pour contenir le déclenchement des crises sociales (réactions tardives suite à l’éclatement des crises); la politisation des structures chargées de gérer les crises sociales; le non fonctionnement des creusets de dialogue social ; le non respect des engagements pris par l’Etat (crise de confiance entre l’Etat et les partenaires sociaux). A tout ceci, il faut ajouter la provocation de certaines autorités politiques à travers des déclarations médiatisées ; l’intransigeance des partenaires sociaux face aux revendications ; l’exigence de certaines revendications syndicales jugées politiques (rapprochements et soutiens de l’opposition à la cause syndicale); le déficit cruel des fondamentaux du dialogue social; et la culture du monologue et de la sourde oreille.
Propositions
Face à cet état des lieux, des propositions ont été formulées.
Il s’agit par exemple de rendre fonctionnelle la Commission Nationale de dialogue et de négociation collective pour anticiper sur les crises sociales; de dépolitiser l’administration publique et les structures chargées du dialogue social ; d’amener les acteurs à tous les niveaux à cultiver un certain nombre de valeurs dont notamment: l’honneur, la sincérité, la probité, l’humilité, la tolérance, l’esprit de responsabilité, le sens du devoir, le respect mutuel, le respect de la parole donnée et l’écoute.
Il est aussi proposé de faire de la gouvernance sociale une priorité ;
De réduire la fracture sociale en concevant et en mettant en œuvre une vision de partage plus ou moins équitable des richesses nationales; et d’éviter les fausses perceptions et les accusations réciproques tendant à diaboliser les uns et les autres (Cesser de percevoir les partenaires sociaux comme des acteurs politiques ou à la solde de l’opposition; cesser de percevoir les gouvernants comme des prédateurs de l’économie nationale).
Par rapport au dialogue interinstitutionnel, les enjeux relevés sont des relations de convivialité, de franche collaboration, de complémentarité, d’autonomie de chaque institution et d’indépendance totale. Cela pourra garantir la consolidation de la démocratie et de l’Etat de droit basé sur des relations de respect des textes de la République.
Mais l’état des lieux montre qu’il y a une légitimité des institutions de la République, une politisation à outrance de ses institutions ; une crise de confiance vis-à-vis des acteurs animant certaines institutions ; des relations conflictuelles entre certaines institutions ; la cupidité des hommes qui dirigent les institutions (les femmes ont mieux géré dans la transparence les institutions) ; la perte du sens de l’honneur des dirigeants ; la recherche de gains faciles et d’ intérêts personnels et égoïstes ; l’ingérence de l’Exécutif dans les activités des autres institutions ; l’injonction de certaines institutions dans les attributions d’autres (Cas de la Cour Constitutionnelle sur les prérogatives de l’Assemblée nationale). A cela, l’on ajoute le ralliement de certains responsables d’institutions à l’Exécutif ; l’impatience de certains responsables politiques d’attendre leur tour de gestion; le harcèlement politique dans le seul dessein de nuire et de détruire les dirigeants. Face à tous ce qui précède, il a été proposé de : créer et de rendre opérationnel un vrai système de prévention et de gestion de crise; de renforcer les institutions au lieu des hommes (avoir des institutions fortes au lieu des hommes forts); d’élaborer des règles et lignes directrices claires en matière de gouvernance institutionnelle ; de choisir les membres des institutions sur la base de leur capacité, de leur probité et de leur intégrité. Au-delà de ces réalités sectorielles, ce qui s’impose au Bénin aujourd’hui est un dialogue national inclusif qui n’exclut aucun citoyen. Car les chantiers du pays sont nombreux. Il s’agira de voir de fond en comble si le système politique actuel ou les choix de la Conférence servent encore ou s’il faut se réajuster et prendre de nouvelles options pour assurer le développement. Si la crise de confiance est à ce niveau partout, est-ce que la façon de choisir les dirigeants continue de satisfaire les citoyens ? Peut-on avec cela œuvrer sans relâche à l’enracinement de la démocratie et de l’Etat de droit ? Réinventer notre propre économie ? Renégocier notre place dans le monde ? Et investir de manière continue et sans relâche dans le capital humain ?
La section béninoise de l’Alliance pour refonder la gouvernance en Afrique s’est engagée à poursuivre les échanges, à élargir ses consultations pour aboutir à de bonnes stratégies qui rassurent tout le monde et qui contribuent à restaurer et consolider le dialogue à tous les niveaux.