Fortuné Sossa, responsable à la communication du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb) et président de l’Association des journalistes culturels du Bénin (Ajcb), se prononce ici sur le processus qui a conduit à la désignation du directeur actuel du Fitheb.
Fortuné Sossa n’approuve pas les propos d’Eric Hector Hounkpè
L’Ajcb était aux journées de réflexion sur le Fitheb, les 06 et 07 juin 2013, à Grand Popo. Quelles ont été les motivations de ces assises ?
Courant mars-avril 2013, nous avons été informés de ce que le Conseil d’Administration du Fitheb venait de rejeter le rapport de la gestion du Directeur d’alors. Ensuite, on apprend également que le ministre en charge de la culture a fait auditer la gestion du directeur et les résultats de l’audit ne lui sont guères favorables.
Or, dans le même temps, le directeur menait des démarches pour briguer un troisième mandat à la tête de l’institution. Des réactions de tous genres, de façon formelle et informelle, fusaient de partout. Certains acteurs culturels du secteur du théâtre sont notamment montés au créneau pour avertir contre toute tendance à maintenir le directeur à sa place, malgré tout ce qui était reproché à sa gestion. On en était là quand le Conseil d’Administration a lancé le processus de l’appel à candidatures pour la désignation du nouveau directeur du Fitheb. Subitement, on apprend que le directeur sortant est aussi candidat. Là, les réactions se sont intensifiées. Du coup, le ministre a demandé au Conseil d’Administration de surseoir aux travaux et a initié deux jours de réflexions pour réformer l’institution. Idée à laquelle le Conseil d’Administration a adhéré.
Ainsi, acteurs culturels, journalistes, enseignants, cadres du ministère de la culture et membres du CA se sont retrouvés à Grand Popo les 6 et 7 juin 2013. Le Conseil d’Administration du Fitheb y était représenté par 8 de ses membres sur 13 réguliers ; il a même siégé au sein du présidium qui a conduit les travaux et pris une part active aux débats jusqu’à la mise sur pied du Comité tripartite de suivi. C’est bien plus tard qu’ils se seraient retirés de cette instance pour aller lever les scellés que le ministre a fait poser sur les dossiers de candidature pour les dépouiller. Ils ont fait ça malgré et contre les injonctions répétées de l’autorité de tutelle.
C’est au terme de ce processus que monsieur Eric Hector Hounkpè aurait été désigné. Je le souligne au conditionnel parce que, dès lors que l’autorité de tutelle n’a pas souscrit à un processus, il est anormal de revenir lui demander d’entériner le résultat de ce processus. Mieux, le fait de passer outre les injonctions du ministre pour dépouiller les dossiers de candidature compromet l’ensemble des candidatures. Donc, même si le ministre avait entériné, comme lui en donnent le pouvoir, les textes du Fitheb ‘’le Directeur du Fitheb est nommé par décret sur proposition du ministre chargé de la culture’’, nous aurions assisté sans aucun doute à des contestations de la part de l’un ou l’autre des autres candidats.
Cela s’appelle de la pagaille. Monsieur Hounkpè ne devrait pas se prévaloir de cette pagaille pour réclamer une légitimité. Surtout en sachant qu’entre-temps, le Conseil des ministres, en sa séance des 17 et 18 septembre 2013, a instruit ‘’le Ministre pour prendre les dispositions et mesures nécessaires en vue de poursuivre les travaux pour la réforme du Fitheb’’. Monsieur Hounkpè sait que depuis le 30 décembre 2013, le Fitheb est régi par le nouveau décret 2013 – 547 et que ce dernier texte abroge toutes dispositions antérieures contraires… Alors, de quelle légitimité se réclame-t-il ? Au plan administratif, humain et juridique, sa position est indéfendable.
Pourtant, Eric Hector Hounkpè affirme que c’est sa personne qui ne plairait pas et que le ministre a trouvé le moyen de l’empêcher de diriger le Fitheb. Qu’en dites-vous ?
Très sérieusement… vous croyez vraiment que le ministre a comploté avec les personnalités respectables comme le professeur Midiohouan, l’écrivain Florent Coua Zoty, Orden Alladatin et tous les anciens directeurs du Fitheb, le président de la ligue des professionnels du théâtre, le président du réseau des comédiens du Bénin, le Président de l’Association des hommes de théâtre et de ballet du Bénin ? Tout ce monde là a comploté contre monsieur Eric Hector Hounkpè ? Soyons sérieux. Faisons attention à ce que nous disons. Le Fitheb est presque le seul festival sur le continent africain dont le budget est financé quasiment par le trésor public.
A cet effet, l’Etat, à travers l’Exécutif, a son droit de regard absolu sur son fonctionnement. Quand ça ne va pas, le gouvernement a le devoir de l’arbitrage, de repréciser les règles de conduite pour son bon fonctionnement. Et c’est ce qui est arrivé, sur insistance des acteurs culturels intervenant dans le secteur du théâtre. Chaque mot, chaque phrase des textes actuels du Fitheb a été proposé et validé par les acteurs du théâtre eux-mêmes. Ce sont ces textes qui ont abouti à la prise du nouveau décret, le décret n° 2013-547 du 30 décembre 2013 portant création, attributions, organisation et fonctionnement du Fitheb. Cela, dans le souci d’améliorer la gouvernance de l’institution, actualiser et réorienter le Fitheb en tenant compte du contexte professionnel national et international.
Et là, nous n’en sommes qu’à l’étape 2 du processus. Après l’élaboration et l’adoption des nouveaux textes, il y a la tenue effective et coûte que coûte de l’édition 2014 comme l’ont souhaité les acteurs et dont s’occupe monsieur Ousmane Aledji. Ensuite, il y aura l’élection des membres du nouveau conseil d’administration juste après la manifestation et enfin la désignation d’un nouveau directeur pour le Fitheb. Ce dernier, une fois élu aura un mandat de 4 ans renouvelable une seule fois. C’est dans cette perspective que le ministre avait demandé de mettre sous scellés les dossiers de candidature déjà reçus.
Hector Hounkpè considère la nomination de Ousmane Alédji comme une trahison, parce que celui-ci faisait partie des personnalités qui lui ont signé des lettres de recommandation.
N’oubliez pas qui est Eric Hector Hounkpè. C’est un comédien. Plutôt talentueux. Là, il me semble qu’il nous joue le rôle de la victime. Ousmane Alédji n’en est pour rien. Pour ce que je sais, de la bouche même de monsieur Alédji, il m’a répété mot pour mot « J’ai soutenu, défendu, recommandé la candidature de Eric.
J’ai même fait campagne pour lui auprès des membres du CA et du ministre. Non seulement il ne m’a pas écouté quand il montait ses coups, maintenant qu’ils ont échoué, il essaie de me faire porter le chapeau. Je vais répondre à Eric mais pas maintenant. » C’est un homme choqué et déçu qui m’a parlé. Je vous livre le fond de ma pensée : la victime dans cette affaire, c’est Ousmane Alédji.
Ce sont des gens qui ont parlé d’Ousmane Alédji au Ministre. Je peux vous dire qu’ils ont dû insister parce que nous savons tous que Alédji n’est pas un tendre. Le ministre lui-même a goûté à du Alédji lors de la biennale Regard Bénin 2012. Les articles sont encore sur le net et partout. Alors, s’il en arrive à le nommer, c’est parce qu’il croit vraiment qu’il peut l’aider à ‘’sauver’’ le Fitheb 2014.
Qui connaît Ousmane Alédji, sait que c’est un professionnel du théâtre qui a tourné pratiquement dans tous les grands festivals de théâtre du monde. Dramaturge et metteur en scène très sollicité de part et d’autre à cause de la qualité intrinsèque de ses œuvres, il a été expert du théâtre au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie pendant 8 ans. L’homme dispose d’un carnet d’adresses très dense. Et ce sont autant d’atouts qui ont dû militer en sa faveur. Quant à la question de la trahison, cela est injuste et même méchant.
Faisons de l’analyse journalistique : Ousmane Alédji n’a pas été Candidat et n’a pas soutenu d’autres candidatures contre celle de Eric Hector Hounkpé. Je viens de vous démontrer que le processus qui a conduit à l’élection de monsieur Hounkpè est une pagaille indéfendable et pour clore le tout, depuis le 30 décembre 2013, tout ce processus a été abrogé par un nouveau décret.
Alors, comment peut-on décemment accuser quelqu’un qui a été nommé le 24 février dernier sur la base du nouveau décret, d’avoir pris la place de celui qui était candidat dans un processus rejeté par l’Etat et abrogé depuis le 30 décembre ? Monsieur Alédji devrait mieux choisir ses amis. Nous sommes tous des Béninois. Nous nous connaissons. Nous savons qui est qui et qui peut faire quoi.
Le Fitheb s’est retrouvé dans une situation où il fallait pour le ministre trouver un acteur coriace pour le sortir du gouffre. Je pense qu’aujourd’hui, il faut tourner la page et regarder l’avenir avec espoir. Il s’agit pour tous les acteurs du théâtre de s’unir pour porter avec le directeur intérimaire l’institution jusqu’à l’organisation effective du festival du 29 novembre au 07 décembre prochain. Le Fitheb est un patrimoine national, mieux un événement international porté par le Bénin. Donc, tous les Béninois, où qu’ils se trouvent, doivent en être fiers et œuvrer avec patriotisme pour sa réussite sans faille.