La visite inopinée du ministre de la Justice, Reckya Madougou Yedo, à la prison civile de Cotonou, a permis de découvrir la vie en communauté que mènent la plupart des détenus. Toutefois, c’est un véritable enfer terrestre pour eux à voir leurs conditions de détention.
Il est 13 heures 30 minutes à la prison de Cotonou, ce vendredi 12 avril 2013. A l’entrée, deux prisonniers, assis sur un banc, n’ont apparemment aucun souci. Joufflus, ils passent la journée à jouer au Ludo. Non loin d’eux, une prisonnière, téléphone à l’oreille, décontractée, parle à son interlocuteur dans les couloirs du bloc sanitaire. Dans la prison proprement dite, on dirait un marché. Ici, on rencontre des détenus très joyeux.
Il y en a qui font de petits commerces. Parmi eux, les vendeurs de divers et boissons de toutes sortes sont légion. Auprès d’eux, on peut acheter toutes sortes d’articles et boire tout ce qu’on désire. D’autres prisonniers y mènent une vie professionnelle. Des coiffeuses et coiffeurs sont légion. Certains vendent même des crédits de recharge. Certaines prisonnières vendent à manger dans leurs coins. Comme dans les villages et quartiers de ville, les gens se côtoient. Il leur arrive de rire à gorge déployée. Dans cette même prison, il y a une mosquée. Des détenus y viennent faire leurs prières à l’instar des chrétiens détenus dans leur temple. Chacun est libre de pratiquer sa religion. « Les six mois que j’ai passés en prison m’ont permis de me reposer. La prison est comme un pique-nique, si on a de l’argent… », a confié un ancien détenu.
Au quartier des femmes, les lits sont superposés. Leur bâtiment est ventilé. Là, elles ont même installé des postes téléviseurs qui leur permettent d’être en contact avec le monde. De l’autre côté, la grande cour de ladite prison est comparable aux quartiers les plus populeux de Cotonou tels que Zongo, Akpakpa-Dodomè, Jonquet. Cette zone est réservée aux délinquants de grand chemin arrêtés. Ici, les prisonniers parlent le langage des Guettos et fument de la cigarette et du chanvre indien. Sans soucis, ils sont prêts à tout dans la maison. Au bâtiment-ministre réservé aux personnalités incarcérées, c’est le luxe total. Dans cette ambiance, les prisonniers se font des amis et vivent dans une ambiance qu’on ne pourrait imaginer de l’extérieur.
Peines des détenus
« La prison n’est pas une expérience de vie à faire. Je ne la souhaite même pas à un ennemi. On vit dans de très mauvaises conditions… », a confié un journaliste ayant passé une quarantaine de jours à la prison civile de Cotonou pour diffamation au lendemain de l’arrivée au Pouvoir du Président Yayi Boni en 2006. Malgré la vie en communauté entre détenus, les conditions de vie des prisonniers sont alarmantes.
A des endroits donnés, ça pue. Leur alimentation est de qualité douteuse. C’est pourquoi, dans les après-midis et soirées, les gens défilent à la maison d’arrêt de Cotonou pour aller donner à manger à leurs proches détenus. « Depuis deux ans, je vais donner de la nourriture à mon mari, parce qu’il ne peut pas manger ce qu’on sert aux prisonniers… », a fait savoir une femme rencontrée à l’entrée de la prison civile de Cotonou, ce lundi 15 avril 2013. « Les nuits, on se touche les uns sur les autres… », criaient les prisonniers, lors de la visite du ministre de la Justice, Reckya Madougou Yedo dans leurs locaux. Ils dénonçaient l’exigüité de ladite prison par rapport à leur nombre. Selon leurs propos, beaucoup d’entre eux meurent du fait de leurs mauvaises conditions de détention. « Dites aux autorités de nous libérer. Nous sommes prêtes à renaître de nouveau… », criaient des femmes et mineurs prisonnières à l’endroit de madame Yedo.
A l’exception de certains délinquants de grand chemin arrêtés, plusieurs prisonniers plaident pour leur liberté, afin d’être utiles eux-mêmes à la société. « Nous demandons à la justice de faire quelque chose pour nous, afin qu’on contribue au développement de notre pays, pourquoi pas de l’Afrique… », a déclaré, une détenue lors d’une cérémonie de remise de dons aux pensionnaires de la prison civile de Cotonou. Il en ressort que la liberté est une chose précieuse pour l’Homme. Certains connaissent sa valeur quand ils la perdent.