La cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou a connu lundi 14 avril dernier du 13e dossier inscrit au rôle de la première session 2014. Il s’agissait d’une affaire de coups mortels impliquant quatre accusés dont seuls deux étaient présents à la barre : Mohamed Assouma et Thomas Fatoumbi. Après que leur cas eut été disjoint de celui des autres, la cour les a jugés et condamné Thomas Fatoumbi à 5 ans de réclusion criminelle et acquitté son co-accusé, Mohamed Assouma au bénéfice du doute.
Par Claude Urbain PLAGBETO
Une vindicte populaire tourne au drame à Kandi courant juillet 2004. Un présumé cambrioleur d’un atelier de coiffure assommé, succombe plus tard des suites des coups et blessures à lui infligés. Quatre personnes sont interpellées, à savoir Mohamed Assouma, Thomas Fatoumbi, Abdoulaye Moussa et Saadath Kada Gado et placées dans les liens de la justice. Seuls les deux premiers encore en prison sont présentés hier à la barre pour répondre de leurs actes ; les deux autres jouissant d’une liberté provisoire n’étaient pas dans le box des accusés.La cour qui a connu du dossier est composée du président Paul Aklamavo, de ses assesseurs : Hamza Sidi Gauthé Sanni et Gabriel Taurin Affognon et des jurés tirés au sort : Mèmouna Boni Yarou, Sarè Tassou, Sophie Avaho Codjia, François K. Gbaguidi. Le greffe était tenu par Me Habiba Bawa N’gobi Zato.
Retour sur les faits
Dans la nuit du 24 au 25 juillet 2004 aux environs de 1 heure, le sieur Mohamed Assouma dont le domicile se trouve en face de l’atelier de coiffure dénommé « Menos Coiffure » de dame Brigitte Dagba et sis au quartier Banigourou dans la commune de Kandi, s’est réveillé pour uriner en dehors de sa concession. Il aperçut un individu accroupi qu’il dit avoir vu en train d’ouvrir la porte dudit atelier en tirant la barre de fer cadenassée à la porte. Sans prendre le temps de s’enquérir suffisamment de ce que cet individu qui se révèlera être le sieur Inoussa Nourou Moumouni, faisait à cet endroit, il s’écria « Oh voleur ! ». Inoussa Nourou Moumouni tenta de fuir. Il n’ira pas trop loin avant d’être rattrapé par les sieurs Mohamed Assouma, Thomas Fatoumbi, Abdoulaye Moussa ainsi que d’autres personnes qui le maîtrisèrent. Fatigué des nombreux coups qui lui sont portés sur le trajet et dont le certificat médico-légal produit au dossier rend compte, Inoussa Nourou Moumouni s’écroula et fut abandonné en ces lieux>
C’est dans cet état qu’il dut être transporté au commissariat de police de Kandi par un agent de la police informé de la situation avec l’aide du sieur Thomas Fatoumbi. Thomas Fatoumbi, Abdoulaye Moussa, Mohamed Assouma et Saadath Kada Gado ont été inculpés de coups mortels.A l’audience lundi dernier, seuls les accusés Thomas Fatoumbi, chauffeur, et Mohamed Assouma, enseignant, étaient à la barre.
Les débats à l’audience
Après que le ministère public ait déclaré que les diligences ont été faites pour toucher les deux accusés absents, la cour s’est retirée sur la demande formulée par l’avocat général, se référant à l’article 217 du Code de procédure pénale, afin de disjoindre le cas de Thomas Fatoumbi et Mohamed Assouma de celui des accusés absents. A la reprise de l’audience, la cour a prononcé la disjonction en deux procédures de l’affaire, pour débattre séparément du cas des accusés présents et pris un arrêt de renvoi à une session ultérieure de la cour en ce qui concerne leurs co-accusés absents.Thomas Fatoumbi et Mohamed Assouma, présents, n’ont pas nié leur implication, à la barre. Mais chacun a choisi de donner la version qui l’arrange afin de se tirer d’affaire. Ils se sont accusés mutuellement de tenir des propos mensongers.
Thomas Fatoumbi reconnaît avoir infligé une paire de gifles à la victime, et l’a conduit plus tard dans un pousse-pousse au commissariat avec l’aide d’un policier. Quant à Mohamed Assouma, il dit avoir crié « Oh voleur ! » mais n’a pas participé à la bastonnade du présumé cambrioleur. Comme Thomas Fatoumbi au cours de l’audience, des co-accusés ont soutenu à l’enquête préliminaire ou à l’instruction que le voleur se débattait dans les mains de Mohamed Assouma avant que les autres ne viennent l’assommer. Certains l’auraient cogné avec leur moto ; d’autres auraient carrément roulé sur lui, sans oublier tous ceux qui l’ont assailli de coups par divers objets.
Le certificat médical d’examen du cadavre signale un traumatisme crânien, de nombreuses lésions, des plaies, des éraflures sur tout le corps, notamment à la tête. Il serait probablement décédé des suites des coups et blessures à lui portés, selon ledit certificat.Les rapports d’expertise psychiatrique et médico-psychologique sur les accusés ne relèvent ni d’anomalies mentales ni de problèmes d’adaptation psychosociale. Ils seraient ainsi lucides au moment des faits. Le ministère public en déduira, au cours de ses réquisitions, qu’ils sont accessibles à la sanction pénale. Mais il faut souligner, à travers l’enquête de moralité, qu’en ce qui concerne Mohamed Assouma, il souffrirait de troubles psychiques et resterait évasif et peu actif par moments, du fait d’un accident de la circulation routière dont il aurait été victime dans son jeune âge. En revanche, l’enquête de moralité lui est favorable. Il est reconnu comme un enseignant dévoué, un homme calme, toujours serein, qui n’aime pas la violence et entretient de bons rapports avec ses collègues et son voisinage.Pour ce qui est de Thomas Fatoumbi, l’enquête de moralité ne lui est pas très favorable.
Un dossier complexe
Si en matière d’infraction de coups mortels, il est facile d’établir la relation entre les coups et blessures volontaires administrés qui ont entraîné la mort de la victime sans l’intention de la donner, la complexité du présent dossier réside dans la pluralité d’auteurs alors que la faute pénale est individuelle, fait observer l’avocat général, Thomas Mahougnon Dassi. Le ministère public se réfère à des jurisprudences pour prendre ses réquisitions. Il rappelle que l’infraction de coups mortels est prévue et punie par l’article 309 alinéa 4 du Code pénal.
A l’en croire, le fait que les deux accusés ont participé au lynchage populaire de la victime, est indéniable, référence faite à leurs propres déclarations. Même si, précise-t-il, Mohamed Assouma tente en vain de se soustraire de l’infraction alors que Thomas Fatoumbi a reconnu avoir giflé par deux fois la victime. Ce dernier ignore que ses gifles pouvaient causer la mort du sieur Inoussa Nourou Moumouni.
L’avocat général souligne qu’il serait surprenant que Mohamed Assouma ait juste alerté les voisins et se soit contenté d’envoyer son neveu pour aller informer la propriétaire de l’atelier de la tentative de cambriolage, comme il tente de le faire croire. « Il serait en pleine bagarre avec la victime quand je suis sorti…C’est le premier à s’accrocher à la victime », a soutenu Thomas Fatoumbi parlant de son co-accusé à la barre.
A supposer même qu’il y ait vol, aucune loi n’autorise à battre à mort un présumé voleur, a martelé le représentant du Parquet qui ajoute que les deux accusés Mohamed Assouma et Thomas Fatoumbi sont accessibles à la justice puisqu’ils n’étaient pas en état de démence au moment des faits. Il requiert que la cour les déclare tous coupables de coups et blessures ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner et les condamne à sept ans de prison ferme chacun et solidairement aux dépens.
Contre-attaque de la défense et verdict
Me Wilfred Kounou, conseil de l’accusé Mohamed Assouma, fait remarquer qu’il y a bel et bien tentative de cambriolage de la part de la victime avant de souligner que son client n’a commis aucun crime en appelant au secours, en criant « Oh voleur ! ». Que cherche la victime à 1heure du matin accroupi devant un atelier et accroché à la barre de fer de sécurité et au cadenas retrouvé défoncé sur les lieux mais absent parmi les objets placés sous scellés, demande-t-il ? Il plaide l’acquittement purement et simplement de l’accusé Mohamed Assouma dont il assure la défense, et la clémence de la cour pour le co-accusé Thomas Fatoumbi qui, lui, a reconnu avoir porté des coups à la victime.Pour sa part, Me Donatien K. Gbadessi défendant les intérêts de Thomas Fatoumbi, tentera de montrer que les gifles données par son client ne peuvent être à la base de sa mort.
Nul ne peut attester des coups dont la victime a succombé ; le certificat médical d’examen du corps reste peu illustratif, fait-il observer. Au principal, Me Donatien K. Gbadessi plaide l’acquittement au bénéfice du doute et au subsidiaire, pour homicide involontaire et surtout la clémence des membres de la cour, particulièrement les jurés.
Au verdict, la cour a déclaré Thomas Fatoumbi coupable d’avoir porté des coups à la victime, avec cette circonstance que ces coups ont occasionné la mort de l’individu sans l’intention de la donner. Elle le condamne à cinq ans de réclusion criminelle et met les frais de justice à sa charge. Ayant déjà passé au total quatre ans neuf mois en prison, il y est retourné pour purger le reste de sa peine de trois mois.Quant à l’accusé Mohamed Assouma, la cour le déclare non coupable et l’acquitte au bénéfice du doute, ordonne sa mise en liberté immédiate si d’autres charges ne sont pas retenues contre lui.