Meilleure actrice de l’année 2012 consacrée par les Trophées Kob Awards, Delphine Aboh s’est confiée à nous. Sans tabou, elle lève ici un coin de voile sur sa vie privée et sa carrière. A travers cet entretien exclusif, vous découvrirez une femme plutôt sereine, souriante, tout le contraire de la femme emmerdeuse, arrogante que vous avez l’habitude de voir sur les écrans.
L’Evénement Précis : Il y a quelques jours, vous avez été sacrée meilleure actrice par les Trophées Kob Awards. Qu’est ce que ça vous fait ?
Delphine Aboh : Ça me donne de la joie et ça me prouve que ce que j’ai choisi m’est reconnaissant. Ça me permet de beaucoup travailler et de gagner davantage la confiance de la population et de mes fans ainsi que de tous ceux qui m’aiment. J’ai une grande joie au cœur.
C’est le film « Adingban » qui vous a permis d’avoir ce trophée. Racontez-nous un peu les coulisses de ce film ?
Je pourrai vous dire que le producteur de ce film me connait très bien et sait de quoi je suis capable. J’ai été toujours fidèle par rapport à ses personnages qu’il me confie. Du coup, lorsqu’il a écrit le scénario, il m’a attribué le rôle et sait que je vais bien le jouer. C’est ainsi qu’il m’a appelé pour me le confier.
Alors, nous allons parler un peu de vos débuts. Depuis quand vous avez eu cette sensation de faire comme votre maman ?
Je peux dire que je n’ai pas eu envie de faire comme ma maman, mais je suis née pour puisque c’est depuis son ventre que le 6ème et le 7ème art m’appelaient. Elle me portait dans son ventre quand elle montait encore au podium. Je suis née avec l’art. Je ne l’ai pas choisi. C’est plutôt l’art qui m’a choisi.
Votre premier pas sur la scène. A quand remonte-t-il?
Ça, c’est en 1992 que j’ai fait le premier pas sur la scène. C’était au cours de la représentation de la pièce ‘’Femme, souviens-toi de tes devoirs’’, une pièce écrite par ma maman.
Quel âge aviez-vous en ce moment ?
J’avais entre douze et treize ans.
Après cette toute première prestation, quelle remarque maman vous a-t-elle faite ?
Aucune. C’est bizarre. Mais, elle ne m’a jamais fait de remarque. La première fois qu’elle m’avait confié le rôle, elle ne m’a pas fait de remarque. Mais, la seule chose qu’elle se tâchait de me dire, c’est : « je ne veux pas que cela prenne la place sur tes études ». Elle insistait comme ça parce qu’en leur temps, il leur était très difficile de se faire valoir. Ce n’est pas parce qu’elle ne croyait pas en ce que je faisais. Mais, elle avait peur que j’aime de trop le métier et que je m’y abandonne totalement. C’est pour cela qu’elle me chantait tout le temps, n’abandonne pas tes études parce qu’elle a déjà vu le talent et s’est déjà imaginé tout ce que je suis capable de faire dans le métier. C’est maintenant quand vous m’avez posé la question que je me suis rendue à l’évidence, qu’en fait, ma maman ne m’avait jamais rien reproché, genre tu as mal joué ce rôle, tu as mal fait telle chose ou telle autre. Depuis le début, elle a eu une totale confiance en moi.
Cela voudra-t-il dire que depuis cette toute première expérience, elle a fini par vous associer à tous ses projets ?
Oui, bien sûr.
Petite, comment parveniez-vous à joindre les spectacles et l’école ?
C’est Dieu seul qui peut bien le dire. Moi-même, je ne sais pas comment je parvenais à unir les deux. Mieux encore, je faisais aussi des tournées avec elle à l’époque. En tout cas, je la suivais. Mais, malgré cela, je travaillais encore à l’école. Vraiment, je ne saurais l’expliquer. C’est Dieu seul qui a su tout planifier et aussi m’a soutenu dans ce que je faisais.
Vous étiez en quelle classe en 1992 quand vous avez fait vos premiers pas sur la scène ?
J’étais en classe de quatrième, parce que je travaillais beaucoup.
Avez-vous une idée de l’année où vous avez réalisé votre premier film ?
J’ai fait mon premier film en 2000.
C’était un succès ?
Oui, c’était un succès. On l’avait d’abord fait en pièce et on l’a présenté avant que cela ne devienne un film. Cela a été réécrit sous forme de scénario et puis bon ça a été tourné.
Vous avez joué quel rôle dans ce film ?
Dans ce film, j’ai joué le rôle principal, celui d’une fille de village, qui a quitté sa maman pour aller habiter avec l’une de ses tantes en ville qui l’a sérieusement maltraitée. Mais, elle a finalement retrouvé une vie paisible en rencontrant un homme riche. Celui-ci est tombé amoureux et puis elle est devenue très riche.
Alors Amanda est un personnage de pièce qu’on reconnait bouillante et parfois emmerdeuse. Est-ce que vous faites la différence entre Amanda et Delphine Aboh ?
Oui, la différence, elle est nette. Amanda, c’est un personnage qui peut incarner une folle, une pute. Mais Delphine, c’est elle, les caractères d’Amanda ne peuvent pas atteindre Delphine parce qu’elle est bien sereine et calme.
Voulez-vous dire que les rôles que vous incarnez n’ont jamais influencé d’une manière ou d’une autre votre personnalité ?
Non, pas du tout parce que moi, je prie beaucoup et me confie à Dieu. Souvent, c’est quand tu incarnes tout le temps le même rôle que tu es influencé. Mais moi, je dis non, je demeure qui je suis quand je ne suis pas sur scène.
Vous n’avez pas des reproches selon lesquels « celle-là, tel qu’elle se présente dans les films, c’est exactement tel qu’elle doit être . Si on s’approche d’elle, elle va insulter tout de suite »?
Je n’ai jamais entendu ça de mes proches encore moins de mon entourage. C’est vrai que beaucoup ont l’impression que je suis dure de caractère. Mais, après m’avoir approchée, ils sont souvent surpris et ils me disent « je ne sais pas que tu étais aussi simple, aussi abordable ». Donc, c’est quand ils m’abordent vraiment qu’ils se rendent compte qu’ils se faisaient des illusions. Ceux que j’aborde moi-même ne font que me féliciter. « Ah ! Tu joues bien ». Ce sont ces félicitations que je reçois.
Dans combien de films avez-vous joué?
J’ai joué déjà dans plus de trente six (36) films.
Citez-en quelques-uns
Il y a, par exemple, » La femme noire dans la nuit noire », « Vihotogbé », « Djangban », « Ah, ma belle mère », « Tcha Alinfin », « Assougbo », « Sans blague », « Calebasse », « Au dessus de la corruption, Un pas en avant », « Deuxième bureau », « Adingban », « Sinzozo ». Il y a plein de films.
Avec autant d’expérience, vous auriez pu en réaliser un vous-même. Pourquoi ne pas l’avoir fait jusqu’à aujourd’hui ?
(Elle sourit légèrement puis répond) : Je ne cours pas plus que le temps. Je ne cours pas plus que mes efforts. Je confie tout à Dieu. Moi, je dis que l’heure de Dieu est toujours la meilleure. Je suis en train d’analyser. Je ne veux pas faire pour faire. Je veux faire pour en être fière. C’est parce que jusqu’ici mon Dieu ne me l’a pas encore ordonné. Si je le fais sans son ordre ça ne va pas réussir.
Une artiste-femme, ce n’est pas toujours facile. Dites-nous, qu’est-ce qui vous a négativement marqué depuis que vous avez commencé cette aventure ?
Négativement marqué, je dirai que ce n’est pas personnel. Mais, c’est par rapport à l’expérience de maman. Elle s’est réellement donnée à l’art. Mais, je ne vois pas encore le gouvernement en train de la soutenir. Ils le font, mais ce n’est pas encore ça.
Ça veut dire que tout roule bien pour vous ?
Oui, tout roule toujours pour ceux qui se sont confiés à Dieu. Jésus-Christ qui est mort pour nous, je ne crois pas qu’il puisse nous abandonner. Donc, je me suis confiée à lui, ainsi que ma carrière.
On constate que Delphine Aboh fait régulièrement référence à Dieu dans ses propos, elle est évangéliste ?
Non, je suis protestante méthodiste. Je crois en Dieu, c’est tout ce que j’ai. C’est ma richesse.
Selon vos propos, vous avez vécu un certain moment auprès de votre maman, vous avez appris auprès d’elle. Alors dites-nous quels sont ses secrets, ses amertumes qu’elle a partagés avec vous ?
(Subitement, elle devient triste, respire longuement puis répond) : Ses amertumes sont tellement nombreuses qu’à chaque fois que j’y pense, ça m’amène des larmes aux yeux. Je n’arrive pas à en parler. Je n’aime pas du tout aller sur ce plan.
C’est important d’en parler parce qu’il s’agit quand même de laisser quelque chose à la postérité ?
Je ne suis pas prête.
Alors, si vous permettez, on va s’intéresser à vous un peu de façon personnelle. Si on vous invite à table, qu’est-ce que vous aimez prendre ?
Delphine aime tout ce qui est mangeable, notamment du riz, du man tindjan (sauce de légume bien assaisonnée), par exemple.
Une boisson ?
De l’eau plate.
Ça veut dire qu’elle ne prend jamais de la bière ?
Si, je prends de la bière. Enfin, j’ai commencé par la prendre sinon avant je n’en prenais pas. Je la prends mais pas pour en abuser.
Et vos loisirs ?
C’est le cinéma. Je peux rester devant la télévision pendant des heures à suivre des films. Ensuite, j’aime la lecture, la promenade, le voyage et la musique.
Alors, une question qui vient souvent quand on interroge une femme artiste, est-ce que vous avez un homme dans votre vie ?
(Avec un léger sourire, elle répond sans hésitation) : Oui, je suis mariée et je suis avec mon homme.
Depuis quand ?
Depuis bientôt un an et demi.
C’est la joie ?
C’est la joie totale. Je disais tout à l’heure que quand tu demandes quelque chose à ton Dieu, il te le donne, et même au-delà de ton entendement. Et bien c’est ça. C’est la joie totale.
Vous êtes souvent sur scène, donc pas très souvent disponible à ses côtés comme l’aurait voulu tout homme. Ne lui arrive-t-il pas parfois de faire des crises de jalousie ?
(Avec un long sourire, elle répond) : Pas du tout. C’est un ange puisque, entre temps, j’ai eu à demander à mon Dieu de ne pas me donner un homme qui va m’empêcher de faire ce que j’aime. Les hommes que j’ai rencontrés au départ m’ont souvent dit, pour la plupart, quand tu vas me faire un enfant, tu vas devoir abandonner le cinéma. C’est alors que j’ai commencé par demander à mon Seigneur de m’envoyer un ange. Celui-là qui va m’accepter tel que je suis. Alors il est arrivé.
Vous avez été très déçue par les hommes?
Quelques deux fois. C’est vrai que quand on est déçu ne serait-ce qu’une seule fois, ça prend du temps avant de guérir. Vous comprenez donc que deux fois, c’est énorme.
Est-ce parce que vous êtes artiste ?
Oui, c’est parce que je suis artiste. L’homme vient vers toi parce que tu es à l’écran. Ils ne font plus la différence entre l’artiste et la personne que vous êtes. Eux autres, ils vous aiment juste à l’écran, surtout pour vos jeux de scène. Mais, celui-là, il aime Delphine Aboh avant d’aimer l’artiste.
Quel est alors le nom de cet ange que vous qualifiez si tant?
(Avec un air étonné, elle esquive la question) : Non, je ne dirai pas son nom.
C’est un pacte que vous avez fait de ne jamais vous révéler ?
Non, c’est juste pour sa sécurité et aussi il faut que je prenne son avis d’abord. Là, s’il me donne le quitus, j’en parlerai.
C’est un Béninois ?
Oui.
Quelles sont vos perspectives d’avenir ?
Mes perspectives d’avenir, c’est mon film. Que mon film que j’aurai à réaliser ait un véritable succès. J’envisage aussi de voyager pour des formations à l’extérieur, embrasser également ma carrière à l’échelle internationale. Grandir, être vraiment la fierté de mon pays. Et être tout le temps devant mon Dieu, ne pas perdre son chemin.
Pas de projet pour avoir un enfant ?
Si ! Mais comme tout appartient à Dieu, on le laisse faire.
Dites-nous un peu ce qui vous a positivement marqué dans la carrière que vous avez embrassée ?
Ce qui m’a positivement marqué dans ma carrière, c’est mon évolution que je n’ai pu diriger, qui m’a choisi et qui vient à moi. L’autre chose qui m’a aussi positivement marqué, c’est mon premier pas dans le cinéma. Je n’avais pas subi des pressions de ma mère. Elle m’a laissé choisir moi-même mes costumes de scène, faire mes jeux. Du coup, parfois, je me demande si ce que je fais plait à ma mère puisque c’est une femme très rigoureuse. Et je me dis si j’avais mal fait elle m’aurait fait des reproches. Mais, tout le temps, elle est restée là, confiante. Et c’est ça qui fait beaucoup plaisir.
Delphine a-t-elle des frères et sœurs ?
Oui, je suis la benjamine de ma mère. Mon père est polygame. Nous sommes neuf (09). Donc, j’ai quatre frères et quatre sœurs. Pour maman, j’ai deux frères et deux sœurs.
Votre père vit-il toujours ?
Oui, il vit toujours.
Qu’est-ce qu’il vous dit en vous voyant à l’œuvre ?
Je n’échange pas trop avec mon père. Mais, quand il me voit il me dit « ah ! Je t’ai vu sur les écrans en train de jouer quelque chose ». Est-ce qu’il aime ou est-ce qu’il n’aime pas ? Moi, je ne sais pas.
On raconte que dans le monde artistique, il y a toutes sortes de rivalités, de méchancetés, de jalousies. N’en avez-vous jamais été victime ?
Non, parce que quand je travaille, je prie pour moi-même, mon projet, mon entourage. Donc, rien de tout cela ne m’arrive. Je ne pense pas du mal de quelqu’un. Je sais que tout le monde ne peut pas m’aimer. Mais ceux qui pensent du mal de moi auront simplement le retour. Je prie mon Dieu pour aller de l’avant et je prie aussi pour mes collègues. Dans notre domaine, il faut connaître Dieu et il faut être franc envers tout le monde.
Un mot pour conclure ?
Je remercie beaucoup l’Evènement Précis pour tout ce qu’il fait pour les artistes. Et je profite de l’occasion pour remercier monsieur Alain Amoussoukpèvi pour le trophée qu’il m’a octroyé et souhaiter que KOB Awards continue d’être réellement décerné aux meilleurs pour les encourager puisque notre métier est ingrat. Tu es en train de bosser dur, mais il n’y a souvent personne pour t’encourager.
Interview réalisée par Donatien Gbaguidi
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