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Séances tournantes du conseil des ministres : une décision inopportune et coûteuse
Publié le mercredi 23 avril 2014   |  L`événement Précis


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© AFP par GEORGES GOBET
Conférence des Donateurs pour le développement du Mali: l`arrivée du président Yayi Boni à Bruxelles


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Le gouvernement a décidé d’organiser désormais des séances tournantes du conseil des ministres dans tout le Bénin, sans tenir compte du caractère inopportun de cette initiative et les nouvelles dépenses qu’elle engendrera. Les motivations seraient peut-être ailleurs.

A chaque nouveau conseil des ministres, une innovation. La toute dernière sort de l’ordinaire : la réunion hebdomadaire du gouvernement sera désormais tournante dans les chefs-lieux de départements du Bénin. L’objectif, selon l’exécutif, est « d’assurer davantage la proximité entre le gouvernement et les populations ». Pour une décision aussi importante, c’est le seul bout de phrase qui en présente les raisons dans le très long compte-rendu de ce dernier conseil des ministres. Mais, elle ne passe pas inaperçue et alimente déjà des interrogations.

Des séances tournantes pour quoi faire ? La question se pose en ce sens que la quintessence même d’un conseil des ministres est de réfléchir et de prendre de grandes décisions pour le développement d’un pays. Le lieu importe donc. Qu’il se tienne à Parakou, à Cotonou ou à Malanville, le conseil du ministre a plus de sens quand les décisions qui en ressortent visent l’intérêt supérieur de la nation. Il n’y a donc visiblement aucun intérêt particulier à le faire tourner dans le pays, un peu comme si cette option pourrait contribuer à son efficacité. Bien au contraire, elle risque de le distraire et de l’écarter de ses fondamentaux.

Mais, il y a encore plus préoccupant dans un pays aux ressources limitées comme le Bénin, où la réduction du train de vie de l’Etat demeure une conditionnalité pour son développement. Sortir le conseil des ministres de son lieu habituel engendrera, à coup sûr, des dépenses supplémentaires non négligeables et à plusieurs niveaux. Le déplacement du chef de l’Etat et les 26 ministres vers le lieu choisi, leur hébergement, leur sécurité, leur restauration, leurs primes et autres prises en charge ne manqueront pas d’alourdir l’ardoise financière traditionnelle, et ceci davantage quand la région ciblée est plus loin.

Les autres perturbations attendues dans cette délocalisation ne sont pas moindres, lorsqu’on sait que tous les ministres devront consacrer deux à trois jours pour répondre à ce conseil quand il se tiendra dans les villes du nord, avec les longs trajets qui les relient à Cotonou. Ils auront ainsi à sacrifier d’autres activités liées à leurs fonctions ministérielles pour un conseil des ministres qui aura tout l’air d’une grosse manifestation départementale.

Conseil des ministres ou campagne électorale ?

L’organisation tournante du conseil des ministres cache mal, par ailleurs, un arrière-goût de campagne électorale. La multitude des descentes sur le terrain du président Boni Yayi depuis qu’il a accédé au pouvoir en 2006 participe sans doute de la même stratégie : être en campagne électorale permanente.

Si des observateurs estiment plutôt que cela s’explique par la caractéristique de «président du peuple » qu’on lui colle, il n’empêche que ses tournées incessantes dans le pays révèlent le souci de Yayi de continuer à « damer le pion » à ses adversaires politiques dans leurs fiefs respectifs. Et ceci, à toutes les occasions électorales durant son règne. Même si plusieurs de ses proches et partisans annoncent ouvertement son départ du pouvoir en 2016, en dépit de quelques craintes, l’homme ne semble pas encore prêt à s’offrir du repos sur le terrain politique.

Du reste, cette initiative de faire tourner les conseils des ministres dans le pays, ne semble pas naïve, en cette période de précampagne électorale qui précède trois grandes élections en vue : les communales et locales, les législatives et enfin les présidentielles, le tout dans moins de deux ans.

Le départ plus ou moins assuré de Yayi en 2016, n’empêche apparemment pas l’homme d’assurer ses arrières avec la même fougue quand il se déployait pour conquérir le pouvoir, en 2006 comme en 2011. Il a aussi une famille politique, Forces Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE) qui ne s’en ira pas avec lui. Elle restera dans la course sans doute et a donc encore grand besoin de Yayi et de son appareil d’Etat pour toutes les compétions électorales à venir.

Il est aussi évident que les ministres originaires des chefs-lieux qui accueilleront désormais les conseils des ministres s’offriront de nouvelles occasions de campagne électorale, au-delà de la réunion formelle. Ils sont nombreux qui lorgnent du côté du parlement pour les prochaines législatives et ne s’embarrasseront pas de quelques moments d’activités politiques autour de la nouvelle mouture du conseil des ministres.

Une question pour finir : en ce moment où la crise socio-politique peine à connaître un dénouement définitif, malgré les grèves suspendues, et où la crise économique se fait davantage plus ressentir dans le panier de la ménagère, l’organisation tournante du conseil des ministres ne ressemble-t-elle pas à un mépris vis-vis d’un peuple qui souffre tant ?

Christian TCHANOU

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