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La Nation N° 5973 du 23/4/2014

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Inculpé d’assassinat : Issa Soumaïla acquitté au bénéfice du doute
Publié le jeudi 24 avril 2014   |  La Nation




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C’est d’une affaire d’assassinat qu’a connue la Cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou hier mardi 22 avril, dans le cadre du 19e dossier inscrit au rôle de cette première session 2014. L’inculpé Issa Soumaïla, cultivateur et bouvier peulh, 50 ans environ, père de neuf enfants, a été acquitté au bénéfice du doute. Il recouvre ainsi sa liberté après plus de huit ans et demi passés en détention.



Par Claude Urbain PLAGBETO A/R Borgou-Alibori


A Fêtêkou dans la commune de Kérou, courant l’an 2002, Tchoumon Sambo ayant remarqué la disparition d’un de ses bœufs, a demandé à son fils Djaodji d’aller à sa recherche près du marigot où vont s’abreuver habituellement toutes les bêtes de la localité. Le jeune garçon ne reviendra plus à la maison. Le bœuf égaré est retrouvé tout seul le lendemain. Quelques jours plus tard, le corps inanimé et en pleine décomposition de Djaodji Sambo est découvert dans la brousse.

Se fondant sur un antécédent qui l’opposait au père de la victime, les soupçons ont désigné Issa Soumaïla comme auteur de cet assassinat sans autre indice palpable. En effet, la femme de l’accusé nommée Kouman Sabi a profité d’une longue absence de son mari pour avoir régulièrement des relations sexuelles avec le sieur Tchoumon Sambo, le père du défunt Djaodji Sambo, avec qui elle a même eu une enfant du nom de Baké.

Issa Soumaïla acceptera malgré tout la femme avec l’enfant mais aurait promis de montrer à l’homme qui était le plus fort.Trois ans après le drame, soit en 2005, après une mésentente avec son père adoptif Soumaïla Ada, ce dernier est allé dénoncer Issa Soumaïla qui lui aurait avoué qu’il était l’auteur du crime de 2002. Les deux seront appréhendés et inculpés respectivement pour les faits d’assassinat et de non dénonciation de crime.

Au terme de l’instruction, Soumaïla Ada a bénéficié d’un non-lieu pour insuffisance de charges tandis que le fils «dénoncé» est resté en prison. Ainsi sont présentés les faits qui ont conduit Issa Soumaïla hier devant la Cour d’assises de Parakou composée à l’occasion du président : Malick Nourou-Dine Bakary, des assesseurs : Fortunato E. Kadjègbin et Norbert Lié Dady et des jurés: Mèmouna Boni Yarou, Akakpo Sara Orou Allagbé, Clarisse Dogo et Soulé Chabi Batta. Le greffe est tenu par Me Ambroise Alassane.
L’accusé nie en bloc et accuse

Issa Soumaïla a nié les faits à toutes les étapes de la procédure. Hier encore à la barre, l’accusé a rejeté les charges d’assassinat portées contre lui. Il soutient, ce qu’il n’avait jamais déclaré par le passé, que c’est plutôt son père adoptif qui a tué le petit parce qu’il a reçu des jours plus tôt un étranger qui disait qu’il pouvait fabriquer de l’argent à l’aide du sang humain. Mais, son père adoptif et sa femme ont déclaré que la mort du jeune Djaodji est vraisemblablement son œuvre.

Dans ses déclarations à l’instruction, le père adoptif dit avoir entendu de la bouche de la femme de l’accusé après une dispute. L’inculpé fait savoir que la mésentente entre son père adoptif et lui a commencé quand il a surpris celui-ci en train de coucher avec sa femme, la même qui avait eu une fille adultérine avec le père du jeune Djaodji tué.A noter que ni le père adoptif de l’accusé ni la femme en question ni le père de la victime qui réclamait la somme de 20 millions F CFA à titre de dommages et intérêts à l’accusé, ne vit encore aujourd’hui.

Même l’accusé était annoncé pour mort en prison, selon les rumeurs, a indiqué le seul témoin qui a déposé hier à la barre, surpris de voir l’accusé encore vivant. Il s’agit de Sarè Brisso, 56 ans, maire de Kérou à l’époque des faits. Il dit avoir été informé de la découverte du cadavre enterré en brousse sous un arbre, soit trois jours après le meurtre, par les parents alliés de la victime, situation qu’il a portée aussitôt à la connaissance de la brigade.Soulignons que l’enquête de moralité diligentée au sujet de l’accusé lui est favorable.
L’avocat général lui impute le crime

Dans ses réquisitions, l’avocat général représenté par Ignace Adigbli rappelle l’adage qui dit que «La vengeance est un plat qui se mange à froid». Mais aucun motif ne saurait justifier qu’on ôte la vie à un individu, s’empresse-t-il d’ajouter. Il affirme tout de go qu’Issa Soumaïla est coupable des faits qui lui sont reprochés. Des faits qui, signale-t-il, sont prévus et punis par les articles 295 à 298 et 302 du Code pénal, parlant de l’élément légal.

Tout coupable d’assassinat est puni de la peine de mort», précise l’article 302. Pour ce qui est de l’élément matériel, l’action positive du meurtre est bien matérialisée par le corps du petit enfant décédé qui a été retrouvé. En ce qui concerne la préméditation, le fait que l’accusé ait menti à la brigade qu’il était en prison au moment des faits alors qu’il était déjà libre après quatre mois derrière les barreaux pour vol de bœuf, et qu’il ait accompagné la victime en pâturage, est illustratif selon le ministère public.

Les fausses déclarations de l’accusé montrent ses intentions criminelles et expliquent tous les soupçons qui pèsent sur lui, fait observer Ignace Adigbli. Au regard de tous ces éléments, il conclut que l’infraction d’assassinat est constituée. Il requiert qu’il plaise à la cour de déclarer Issa Soumaïla coupable. Et puisque le rapport psychiatrique et médico-psychologique mentionne qu’il n’était pas en état de démence au moment des faits, le ministère public le déclare alors accessible à la sanction pénale. Il requiert contre lui 15 ans de travaux forcés.

Un procès de soupçons, dénonce la défense
Me Wilfred Kounou assurant la défense de l’accusé prend le contre-pied des arguments développés par l’avocat général pour plaider le bénéfice du doute en faveur de son client. «C’est un dossier de rumeurs, de doute qui doit profiter à mon client…

Aucune preuve ne l’accable», laisse-t-il entendre. Ni l’arme du crime, encore moins les circonstances de l’assassinat, rien n’est perceptible dans ce dossier. Pour l’avocat, son client est un innocent qui a été privé de sa liberté depuis plus de huit ans pour rien, pour un crime qu’il n’a pas commis.

L’on ne doit pas payer pour ce qu’on n’a pas fait, ajoute Me Wilfried Kounou.Du retour du délibéré, la cour déclare le nommé Issa Soumaïla non coupable d’avoir donné la mort au petit Djaodji Sambo, ordonne sa mise en liberté immédiate si d’autres charges ne sont pas retenues contre lui et met les frais à la charge du Trésor public.C’est avec sourire que l’inculpé a accueilli la sentence avant de se confondre en remerciements à l’endroit des membres de la cour.

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