Haies de fleurs, espaces engazonnés et bien arrangés, de petits arbres autour. Cet ensemble qui forme un espace vert ne signifie pas grand-chose pour la plupart des Béninois. Espace Gantin, entre la Faculté des sciences de la santé et le 12ème arrondissement, aux environs de 16heures, Elie est assis sur l’un des sièges en béton, l’air préoccupé. « C’est sa beauté qui m’a attiré. Sinon, je passe souvent par ici mais ça ne me disait pas grand-chose. Je suis venu attendre ici pour retirer dans quelques 30 minutes, une pièce au 12ème arrondissement », confie-t-il. Vers 19heures, au coucher du soleil, Solange est accompagnée de Tiburce. Les deux amoureux ont choisi cet espace pour échanger sur le contentieux qui les oppose depuis plusieurs jours. Pour l’homme, il a amené sa compagne à cet endroit, primo, à cause de la beauté de l’espace vert et, secundo, parce qu’il croit qu’en contact avec la nature, on est mieux inspiré.
Ainsi, diversement apprécié, le rôle des espaces vert n’est pas ce qui est important, mais l’intérêt que chacun y accorde. Pour Claude Ahouangninou docteur en science de l’environnement et du développement durable, l’espace vert joue un rôle purificateur de l’atmosphère, c’est-à-dire, qu’il absorbe le dioxyde de carbone, le recycle et purifie l’oxygène». Donc, si l’individu à la recherche de l’air pur va dans un espace vert, il doit pouvoir être satisfait, selon le spécialiste.
Place Lénine, un véritable dépotoir d’ordures
A la place Lénine, l’un des grands carrefours au cœur du 4ème arrondissement de Cotonou, Roger Minhinto dans son blouson jaune est couché sur sa moto. C’est l’heure de la pause. « Le soleil est trop ardent et j’ai décidé de venir prendre un brin d’ombrage ici avant de reprendre le chemin. Mais les tas d’ordure derrière moi là m’indisposent», se plaint-il. A l’entendre, une place publique comme celle-là doit être bien protégée et bien nettoyée. Pour Hérode Kounasso, aussi conducteur de taxi-moto, c’est la mairie de Cotonou qui ne joue pas bien son rôle. « Sinon, entre temps, il y avait des partisans de la Renaissance du Bénin qui s’occupaient périodiquement du nettoyage de ce site, mais depuis des mois, on ne les voit plus », ajoute Hérode. Ce n’est pas l’avis de Brice, un étudiant qui habite les environs de la place Lénine. «Moi j’accuse les populations environnantes qui ne veulent pas corriger leurs sales habitudes. Elles attendent la nuit pour venir verser les ordures ici parce que toute la journée, il y a les éléments de la police municipale qui surveillent les indélicats », dénonce Brice. Ce constat n’est pas aussi alarmant sur les autres sites d’espace vert. Toujours est-il que si ce n’est pas l’invasion des mauvaises herbes, c’est la présence de petits tas d’ordures, des sachets d’eau, des coques d’arachides, des peaux de bananes, d’ananas ou des sachets de biscuit qui s’amoncellent.
« Entre deux maux, choisir le moindre… »
A la mairie de Cotonou et plus précisément à la Direction des services techniques (DST), on est conscient de la situation. Mais, les moyens font défaut. Didace Adjohounto est le chef service de la prévention des risques, des espaces verts et des cadres de vie à la direction des services techniques de la mairie de Cotonou. Il reconnait que beaucoup de choses restent à faire dans ce domaine. « Les espaces verts dans la ville de Cotonou, c’est comme les feux tricolores. Vous entretenez aujourd’hui, quelques jours après pour une raison ou une autre, ils ont encore besoin d’un coup de tourne-vice ou des ampoules de rechange. » Mais, le réel problème, c’est le manque de moyens, ajoute Didace. « Nous sommes conscients de la situation. Mais entre deux maux, il faut choisir le moindre mal pour aller mieux », renchérit-il. Rémi Akpovi, chef division environnement municipal et des espaces verts, fait le point des Ong et structures d’entretien qui s’investissent aux côtés de la mairie pour le bien-être des espaces verts. Mais, tout ce qu’il y a à faire est classé dans les perspectives puisqu’il n’y a aucune précision sur telle Ong ou structure pour s’occuper de l’entretien de telle artère central ou espace vert comme le carrefour Vèdoko dont l’entretien est sous la responsabilité de Cfao Motors contre des arrangements pour ses espaces publicitaires dans la ville. Pour le spécialiste Claude Ahouangninou, la municipalité peut mieux faire afin de rendre la ville de Cotonou plus belle. A l’entendre, c’est qu’il y a des agents d’entretien dans les arrondissements et les services déconcentrés de la mairie qui ne font pas grand-chose et sont payés. Il propose qu’on exige de ceux-là qu’ils procèdent tous les trois jours, par exemple, à l’entretien de l’un quelconque des espaces verts. Tailler les arbres, arroser les fleurs et le gazon, enlever les mauvaises herbes de façon périodique, associer les groupements de femmes de même que les structures d’entretien.
Cotonou, Une ville pauvre en verdure
25 sites où trônent des monuments et 59 sites d’espaces verts y compris les artères centrales des routes sont aménagés au cœur de la ville de Cotonou. C’est le point que fait la Direction des services techniques (DST) de la mairie de Cotonou en charge de l’entretien des différents espaces du premier au treizième arrondissement afin de donner à la ville sa beauté physique et environnementale. Aéroport international Cardinal Bernardin Gantin. Autour du monument dénommé ‘’Kwabo’’, un espace engazonné où le gazon est dominé par de hautes herbes sauvages. Le terre-plein central de la route qui part du bureau de la poste pour l’avenue de la Cen-Sad est entretenu par des arbustes et des mauvaises herbes. Au carrefour du super marché Erevan, un espace circulaire à la verdure fleurie non engazonné mais bien nettoyé frappe à l’œil. On peut continuer vers le jardin de la primature. Un espace presque engazonné ne reflète même pas l’aspect d’un jardin. A la place du souvenir, le constat est pareil tout comme au carrefour de la poste à Cadjèhoun. Par contre, entre la présidence de la république et le palais de justice, on peut se réjouir de l’existence d’un espace vert. Etendue sur une distance considérable, cet espace bien engazonné parsemé de fleurs et d’arbustes attire le regard par sa beauté. De l’autre côté de la route, il y a l’espace vert que se partagent le Ministère de l’intérieur, le 12ème arrondissement et la Faculté des sciences de Santé (FSS). Là également, on peut contempler une verdure engazonnée parsemée d’arbuste. Mais, on y découvre de petit tas d’ordures à certains endroits. En prenant par le Port autonome de Cotonou jusqu’au carrefour de la Loterie nationale du Bénin et en allant vers Ganhi, rien d’impressionnant sinon que le terre-plein central au niveau de la Banque Of Africa est remarquable par la taille des fleurs. Au carrefour dépôt Sonacop et celui de la Roche, des espaces verts ne sont pas entretenus contrairement au carrefour de la Sobebra où un effort remarquable semble se faire par rapport à l’entretien. Au carrefour Vèdoko, Cfao Motors est responsable de la propreté de l’espace vert, comme l’indiquent les plaques qui y sont posées. A la place Bulgarie, c’est également un combat sans merci que se livrent gazons et mauvaises herbes. ‘’Carrefour 16 ampoules’’, carrefours du Bénin face à son destin, le schéma de la verdure se décime. Mais, c’est également un mélange gazonneux et de mauvaises herbes. Au carrefour Gbèdjromèdé, c’est le comble. Une verdure arborescente capable d’héberger des serpents et des rats de brousses a depuis fort longtemps colonisé l’espace vert. Mais, la plupart des artères centrales des différentes voies sont parsemées d’arbustes bien alignés. Ce constat généralisé des espaces verts dans la ville de Cotonou reflète l’aspect physique d’une ville polluée qui manque véritablement de verdure.
Les non-dits de l’échec d’une politique municipale
Personne ne s’occupe de l’entretien des espaces verts. Aussi, les populations ignorent-elles leur utilité. Ce qui fait de la plupart des espaces verts des dépotoirs permanents d’ordures ménagères, des forêts et ou des jardins de mauvaises herbes jonchés de sachets d’eau, de feuilles mortes et autres. A part quelques-uns qui sont objet d’attention à l’approche des fêtes ou des grands rendez-vous nationaux, l’état de ces espaces n’est pas ce qu’il faut pour une ville moderne. Les populations, elles-mêmes, s’en préoccupent peu. Car, auteurs, par endroit du désordre qui y règne, mais renvoient le tort à la mairie de Cotonou. Pour le chef du 9ème arrondissement, Robert Gbèffè, l’entretien des espaces verts ne relève pas des prérogatives de l’arrondissement mais de la Direction technique de la mairie. A ce niveau, chacun se méfie mais les postes sont bien définis et chacun sait ce qu’il a à faire. Approché, le directeur des services techniques a préféré laisser se prononcer le chef du service de la prévention des risques, des espaces verts et du cadre de vie. En vérité, on reconnait la gravité de la situation, mais personne ne veut le dire à visage découvert.
Ils ont dit
Hérode Kounasso, conducteur de Zémidjan usager de la Place Lénine
« Ça ne me dit rien quand vous parlez d’espace vert »
« Je viens passer mes temps de repos ici à cause de l’ombrage que donnent ces arbres. C’est un lieu public, selon moi, si ce n’est pas votre explication maintenant, je ne saurais pas que c’est un espace qui est appelé à être vert. Ça ne me dit rien parce que je n’ai pas cette culture. Mais il faut avouer une chose, la mairie de Cotonou ne fait pas bien son travail. Sinon, ce serait plus beau et bien nettoyé. Selon moi, c’est un espace public que la municipalité loue pendant les périodes de fêtes ou bien à l’approche de la rentrée pour des activités commerciales. Si vous êtes des environs et que cette période arrive, vous saurez que c’est un espace bien fréquenté, donc qui a besoin qu’on y accorde plus d’attention. »
Razak Gbénou, conducteur de Zémidjan usager de la Place Lénine
« … c’est plutôt des tas d’ordures qu’on voit »
« Cet endroit n’était pas comme ça il y a dix ans, par exemple. Mais il s’est dégradé avec le temps à cause de l’incompétence des cadres de notre municipalité. Toutes ces lampes que vous voyez s’allumaient les soirs et on sentait beaucoup plus l’air naturel à cause du gazon. Vous voyez, ce sont plutôt des tas d’ordures qu’on y voit et c’est regrettable pour la ville de Cotonou. »
Roger Mèhinto, conducteur de Zémidjan, usager de la Place Lénine
« Les éléments de la police municipale rodent longtemps par ici la journée mais n’attrapent personne »
« Quand vous parlez d’ordures, ça m’étonne. Parfois, c’est plus grand que ça et il faut même que des gens grognent avant que les éléments de la mairie ne viennent ramasser. Entre temps, il y avait des partisans de la Renaissance du Bénin qui s’occupaient périodiquement du nettoyage de ce site. Mais depuis des mois, on ne les voit plus. C’est comme si ce groupe de partisans avait gagné le marché de l’entretien de la place Lénine et avec le temps, la mairie n’arrive plus à les payer convenablement et ils ont abandonné l’espace à son sort. Qu’est-ce qu’on peut ? Les éléments de la police municipale rodent longtemps par ici la journée mais n’attrapent personne. Donc, c’est la nuit que le dépôt des ordures se fait en réalité et ça ne peut être que les populations environnantes. »
Robert Gbèffè, chef du 9ème arrondissement à propos de l’espace vert derrière le stade de l’amitié
« Rien ne relève de notre compétence »
« Ce n’est pas à moi de vous parler de la gestion des espaces verts à Cotonou puisque cela ne relève pas de mes compétences. C’est à la Direction des services techniques (DST) de la mairie que vous allez avoir des informations fiables. Pour le cas de l’espace qui se trouve derrière le stade de l’amitié, c’est parce que j’ai constaté que c’est devenu un refuge pour les bandits qui sèment à tout moment terreur et désolation que, lorsque celui qui y a actuellement érigé une buvette s’est rapproché de moi pour demander la permission, je la lui ai accordée pour que l’endroit soit désormais éclairé. Sinon, en dehors de ça, rien ne relève de notre compétence. Nous n’avons même pas connaissance du budget alloué chaque année pour cela. Donc, rapprochez-vous de la DST comme je vous l’ai indiqué pour avoir plus d’information. »
Martin Fanou, usager de l’espace vert derrière le Stade de l’Amitié
« L’espace n’est plus trop vert, mais il y a de l’ambiance »
« Depuis un certain temps, je m’arrête ici pour prendre un pot avec mes amis. Cet espace était un dortoir pour certains malades mentaux et si tu commets l’erreur de prendre par ici à une certaine heure, c’est que tu es pourchassé par les bandits. C’était comme ça parce que nous, Béninois, nous ne connaissons pas la valeur d’un espace vert. Si c’était bien entretenu et fréquenté, on n’aurait pas eu ces genres de problèmes. Maintenant, c’est plus utile, l’espace n’est plus vert. Mais il y a de l’ambiance par ici et nous profitons de l’ombrage des arbres qui ont grandi ».