A quels critères le Président Yayi Boni apprécie-t-il la compétence de ses collaborateurs ? A leur engagement aveugle et improductif contre Patrice Talon ou à leurs performances techniques ? La gestion axée sur les résultats semble devenir un slogan vide de sens, au regard des conditions de déroulement de la campagne cotonnière en cours qui, à tout point de vue, s’annonce catastrophique.
On s’aperçoit avec recul que Sabaï Katé, ex-Ministre de l’Agriculture, par son seul pragmatisme, aura permis à la campagne 2012-2013 d’enregistrer un succès relatif, comparativement à celle en cours.
Pourtant, il a été viré du Gouvernement. Certes, on croyait à raison que son remplacement visait à améliorer davantage les résultats mais, on constate que la même Société nationale de promotion agricole (Sonapra), s’illustre aujourd’hui par des échecs qui vont définitivement compromettre l’avenir de la filière coton.
L’amélioration notable de la production cotonnière de la campagne 2013-2014 est à mettre à l’actif de l’ex-Ministre de l’Agriculture, puisque liée à l’importance des stocks résiduels d’intrants acquis depuis 2012, qu’il a laissés en héritage à Madame son successeur et qui ont permis un bon traitement des champs par les producteurs de coton.
Mais en dehors de ce résultat positif, qui illustre combien les cotonculteurs ont donné le meilleur d’eux-mêmes, les opérateurs économiques privés sont déçus de la façon dont la Sonapra a conduit la campagne actuelle, pour des résultats qui non seulement détruisent leur image industrielle, mais n’apportent rien sinon que des pertes à l’économie nationale.
1er échec : La mauvaise gestion de la récolte de coton graine
Si les producteurs ont produit une récolte abondante, la Sonapra n’a pas été à la hauteur de ce succès puisque, confie un professionnel privé de la filière coton, « L’année dernière, nous nous étions engagés à bichonner le coton et donner le meilleur de nous-mêmes et nous l’avons fait. Parce que nous étions conscients qu’une campagne laissée entre les seules mains de fonctionnaires non avertis, détruiraient durablement ce que nous étions en train de construire…
Au résultat, nous avons en bons partenaires de l’Etat, donné un rendement à l’égrenage de 43,5%, le meilleur au monde à en croire les experts qui ont accompagné le Gouvernement dans le suivi de la campagne. »
Mais malgré ce résultat positif, minimisant le sens de la gouvernance inclusive prônée par le Chef de l’Etat et souvent réaffirmée devant le secteur privé, le Dg/Sonapra Idrissou Bako a été investi d’un titre pompeux de Coordonnateur des usines de la Sodéco, sans pouvoir se donner les moyens d’associer toutes les usines du Bénin à l’égrenage qui a commencé avec un mois de retard par rapport à la campagne dernière et avec une récolte plus abondante.
Résultat : beaucoup de cotons ont été produits par les paysans mais destinés à des usines en nombre limité, d’où l’exposition d’une bonne partie de la production aux intempéries et aux incendies.
D’où la justification de dépenses inutiles pour l’acquisition de bâches par centaines.
« Même à l’époque de la plus grosse production de 427 000 tonnes atteinte au temps de Kérékou, on n’a jamais acheté autant de bâches pour autant de frais de manutention.
Et pourtant, ça ne suffit même pas. C’est un amateurisme total qui ne trouve ses solutions que dans de grosses dépenses dont on pouvait faire économie pour nous payer nos prestations », ajoute le même professionnel privé.
Les usines de Patrice Talon auraient été impliquées dans l’égrenage comme dans la campagne passée que la récolte aurait été plus vite transformée en balles et moins exposée quantitativement et détériorée qualitativement.
2ème échec : La mauvaise option d’exclure les huileries
Une sagesse africaine dit que si vous voulez brûler votre grenier, il faut savoir où se vend la cendre à un prix plus intéressant que celui de votre mil. En choisissant de priver de graines les usines Shb et Fludor au motif qu’elles n’ont pas fini de payer leurs dettes de l’année dernière et qu’elles appartiennent à Talon, la Sonapra devrait garantir à l’Etat, sa capacité à trouver à la production de graines, des débouchés locaux et internationaux plus sûrs.
Sinon, il aurait mieux valu pour toute la population béninoise et pour l’économie, que les huileries soient approvisionnées et contraintes à l’endettement plutôt de garder en stocks dans les usines, des montagnes immobiles de sacs de graines qui pourrissent de jour en jour et rendent l’air irrespirable.
Cette situation a suffi pour déclencher la colère de Roland Riboux, patron de Fludor et du Conseil des investisseurs privés du Bénin (Cipb), qui aurait été finalement autorisé à acheter plus de 50.000 tonnes.
Malheureusement, les premières livraisons de la Sonapra accusaient par leur qualité, une teneur nulle en huile, justifiant qu’il renonce à ses achats.
La politique d’exclusion n’a jamais payé en économie. Ce que certains collaborateurs de Yayi Boni ne semblent pas avoir compris.
Pendant que le Chef de l’Etat proclame l’inclusion, eux, rament à contre-courant, sauf s’il était prouvé, comme dans le cas de la taxe de 5.900 FCfa qui a eu raison du Dg Port autonome de Cotonou par intérim, que le Gouvernement n’était pas au courant de l’option faite par le Dg Sonapra. Quoiqu’il en soit, cette option aura elle aussi été lourde de conséquences financières, comme dans le cas des bâches de coton.
C’est qu’elle a induit, elle aussi, son besoin de bâches et surtout de sacs que l’Etat a dû acheter cette année pour le conditionnement des graines alors que pour la campagne dernière, ces sacs étaient fournis par Shb et Fludor pour un prix de cession de 85 FCfa le kg de graines.
Un responsable d’huilerie déclare qu’il serait très frustré si malgré cette dépense nouvelle engagée sur le dos de l’Etat, le prix de cession à des commerçants spéculateurs (qui n’emploient aucun ouvrier béninois) n’atteignait pas les 120 FCfa le kg comme au Sénégal qui n’a pas d’huilerie.
Les huileries locales du Bénin ont sans doute eu des difficultés à payer leurs dettes la campagne passée, mais elles revendiquent le mérite d’avoir permis à l’Etat d’encaisser plus de 6 milliards sur 9 milliards FCfa d’achats.
La production de graines ayant forcément été plus abondante en 2013-2014, combien la Sonapra a-t-elle dépensé dans l’acquisition des sacs pour ces graines finalement en stocks et en détérioration progressive ?
Combien cette option d’exclusion des usines de Talon a permis à l’Etat d’encaisser comparativement à la campagne passée ? Les réponses à ces questions permettront de confirmer que l’Etat va continuer de faire les frais du manque de pragmatisme et de l’amateurisme de certains cadres qui semblent avoir trouvé dans le rejet du tout-Talon, un fonds de commerce politique malheureusement générateur d’échecs voire de scandales économiques.