Daini TSUKAHARA, l’ambassadeur du Japon près le Bénin est le 75e invité de la rubrique « Sous l’Arbre à Palabre ». Avec une équipe de journalistes mobilisés pour le rencontrer, Daini TSUKAHARA a brossé les 34 années de coopération qui lient l’Empire du Soleil Levant au Bénin.
Les trois domaines prioritaires d’intervention du Japon au Bénin, à savoir la santé et l’hygiène, le développement du secteur primaire et le renforcement des capacités humaines sont longuement abordés dans cet entretien exclusif. L’absence remarquée de son pays dans le domaine clé des infrastructures routières au Bénin est aussi évoquée par le diplomate.
A cœur ouvert avec les journalistes, Daini TSUKAHARA parle aussi de la catastrophe qui a frappé le Japon en mars 2011, encore ému par les marques d’affection et de soutien dont ont fait preuve le Bénin et les Béninois à l’égard de son peuple.
Monsieur l’ambassadeur quel sentiment vous anime d’être au sein de l’équipe de L’Evénement Précis ?
C’est un plaisir de rencontrer les journalistes qui travaillent dans les média. Car les média sont un outil très important pour faire connaître tous les événements, tout ce qui se passe dans le pays et dans le monde à la population. Donc, la presse joue un rôle très important dans tous les domaines, sur le plan du développement, sur le plan de l’éducation, sur le plan sanitaire etc. Dans ce sens, je suis très heureux d’être reçu par vous en tant qu’invité de cette rencontre.
En tant que représentant du gouvernement japonais au Bénin, quels sont les grands axes d’intervention de votre coopération ?
Le Japon et le Bénin entretiennent une très bonne relation diplomatique et amicale. La coopération japonaise avec le Bénin a débuté en 1980. Et elle a été initiée par un projet pour l’amélioration de la santé.
Depuis lors, elle a progressé, et le Japon est intervenu dans plusieurs domaines. Surtout, je dirais dans le domaine de l’approvisionnement en eau potable. Le Japon a pu réaliser avec les autorités béninoises la construction d’un millier de puits et de points d’eau en faveur de la population. Le Japon a également construit de nombreuses salles de classes au Bénin. Aujourd’hui, nous pouvons compter jusqu’à huit cent vingt (820) salles de classes construites grâce aux grands projets que le Japon a financés au Bénin.
Le troisième domaine, c’est le domaine de la santé. Là, nous avons réalisé pas mal de projets qui ont permis d’améliorer les conditions sanitaires et d’hygiène au Bénin, y compris les actions menées par de jeunes volontaires qui travaillent dans ce domaine. Ensuite nous avons réalisé quelques projets qui touchent le secteur de la pêche et de l’agriculture. Nous avons également accordé de l’aide alimentaire au Bénin. Voilà quelques unes des grandes réalisations que la coopération japonaise a effectuées jusqu’aujourd’hui. Je pourrais dire aussi qu’au mois de décembre 2012, le Japon a fixé les grandes orientations de la coopération japonaise au Bénin.
Et dans ces grandes orientations, nous avons fixé trois(03) domaines prioritaires d’intervention. Le premier domaine prioritaire, est la santé et l’hygiène, le deuxième domaine est le développement du secteur primaire. J’entends avec ce terme, secteur primaire, l’agriculture et la pêche surtout. Et le troisième domaine prioritaire est le renforcement des capacités humaines.
D’ici quelques années, nous allons orienter notre coopération prioritairement dans ces trois domaines que nous avons fixés. Cela ne veut pas dire que le Japon n’intervient pas dans d’autres domaines. S’il y a des projets très importants et très urgents qui correspondent aux besoins de la population de base, alors nous sommes toujours prêts à les examiner sérieusement.
Spécifiquement pour cette année fiscale, à combien s’élèvent ces interventions ?
Chaque pays a sa méthode de travail. Pour le cas du Japon, contrairement à d’autres pays, nous ne fixons pas préalablement le montant à allouer pour un pays spécifique. Ce n’est qu’à la fin de l’année que nous pouvons savoir finalement combien d’argent nous avons accordé, combien de projets nous avons réalisés dans chaque pays.
Par exemple, certains pays occidentaux prononcent le montant qu’ils fixent pour un pays sur deux ans ou cinq ans `a venir par exemple. Ce n’est pas du tout le cas de la coopération japonaise.
Nous examinons la demande du gouvernement bénéficiaire au coup par coup. Et après examen fait, si nous considérons que le projet est pertinent et qu’il pourrait apporter beaucoup de bénéfices à la population de base, nous allons envoyer les missions d’étude sur place pour examiner en détail la pertinence aux yeux des experts. Ces études déterminent l’envergure de notre coopération eventuelle et également la responsabilité ou les efforts à assumer par les autorités bénéficiaires. Dans le cas de l’assistance dans le domaine sanitaire par exemple, il faut que les médecins et infirmières soient affectés quand il y aurait la réalisation d’un nouveau bloc quelconque dans cet hôpital.
Donc nous faisons ce genre d’étude bien détaillées, et nous faisons une autre discussion avec le gouvernement bénéficiaire et si les deux parties sont d’accord, nous pouvons enfin signer un échange de notes, qui est une sorte de contrat et d’engagement des deux parties que nous allons financer et exécuter le projet.
Et si on prend spécifiquement pour les deux dernières années ?
Pour les deux dernières années, j’ai grosso modo le montant déjà calculé sur la base de l’année du calendrier. En 2012, nous avons engagé pour un montant de huit milliards de francs Cfa. Et pour 2013 également, huit milliards de francs Cfa. Dans ces montants, le montant que nous avons versé dans le cadre de la coopération technique n’est pas inclus, puisque nous n’avons pas encore de chiffres calculés.
Qu’en est- il des bourses octroyées aux Béninois durant les années 2012 et 2013 ?
Le Japon a octroyé deux bourses d’études pour ce qui concerne l’année 2013, dans le cadre de la recherche post-universitaire et de la formation professionnelle. Pour l’année 2014, le nombre de bourse d’étude dont les Béninois vont bénéficier est de trois. C’est l’occasion de dire qu’à part ces bourses d’études du gouvernement, financées par le Ministère de l’Education, nous avons d’autres formes de formations. Nous pouvons citer la formation pour l’apprentissage de la langue japonaise, prévue pour les diplomates et les fonctionnaires. A cet effet, nous avons eu en 2013, un stagiaire béninois.
Cette année, le recrutement est en cours. Pour ce qui est du stage de formation technique, la JICA (Agence japonaise de la coopération internationale), accueille de nombreux stagiaires béninois au Japon ou dans des pays tiers où ils sont formés. 37 stagiaires béninois ont bénéficié de cette formation en 2012 au Japon et 45 en pays tiers.
Nous n’avons pas encore les chiffres exacts pour l’année 2013 mais, plus de 30 stagiaires béninois ont reçu cette formation au Japon, et environ 40 dans les pays tiers. Pour ce qui est des bourses d’études du Ministère de l’Education, nous vous annonçons que le nombre de candidats que le Bénin peut présenter a augmenté puisque Tokyo nous a demandé d’offrir deux bourses d’études supplémentaires au Japon. Jusqu’ici, nous recevons les étudiants ayant fini leurs études universitaires pour des recherches. A partir de l’année prochaine, nous recrutons des candidats pour faire des études universitaires au Japon. Une autre bourse va concerner la formation en ingénierie
Le processus de recrutement est actuellement en cours et j’espère que les médias s’occuperont de la diffusion de l’information afin que beaucoup de candidats chercheurs ou personnes ayant fini les études universitaires, puissent s’adresser à l’Ambassade pour présenter les dossiers d’inscription.
Quel bilan faites-vous pour avoir contribué à la construction de plusieurs infrastructures scolaires, sur toute l’étendue du territoire national ?
Le Japon a contribué à la construction de plus de 820 salles de classe au Bénin, à travers les quatre dernières phases de construction de salles de classes. Actuellement, la cinquième phase de construction de salles de classe dans les écoles primaires est en cours, dans les deux départements au Nord.
Dans cette phase, nous comptons construire plus de 200 salles de classes dans l’enseignement primaire. De plus, il y a aussi des réalisations faites en acceptant l’utilisation du fonds de contre-partie qui émane de la vente de riz sous l’aide alimentaire japonaise et d’autre aide financière.
Le gouvernement bénéficiaire accumule des montants de vente de ces produits et l’utilisation de ce fonds est un sujet de discussion entre les deux gouvernements. Nous avons déjà accepté l’utilisation d’une partie de ces fonds pour la construction de salles de classes.
J’ai participé moi-même à l’inauguration de ces modules de classes avec le Ministre de Développement. Je n’ai pas encore compté le nombre de salles de classes réalisées grâce à ces fonds, mais c’est considérable. A part les grands projets de construction d’un millier de salles de classes, l’Ambassade a un moyen de soutenir les activités des Organisations non gouvernementales, les projets qu’elles initient en faveur des populations de base.
Jusqu’aujourd’hui, l’Ambassade du Japon a déjà financé plusieurs projets présentés par les ONGs pour la construction de salles de classes. Nous soutenons donc, par divers moyens, la construction de salles de classes au Bénin.
Le Japon attache une importance particulière au développement de l’éducation parce que cela émane de nos propres expériences. Si le Japon se réjouit d’être la troisième puissance économique aujourd’hui, nous pensons que c’est grâce au développement de l’éducation. Le Japon n’a pas de ressources naturelles importantes.
Nous n’avons que des hommes et des femmes et le renforcement de capacités humaines est la clé du développement économique et sociale du Japon. A l’époque féodale d’Edo qui allait de 1600 à 1868 et gouvernée par les Shoguns, il n’y avait pas de guerre au Japon, excepté quelques conflits. Des Samouraï lisaient des livres et apprenaient la lecture aux enfants. Même les bonzes (maitres bouddhistes), enseignaient à lire, à écrire et à calculer aux enfants.
Vers les années 1850, les Européens et les Américains étaient venus pour demander au Japon d’ouvrir sa porte. Le constat était amer pour les Japonais. La différence du développement technologique était évidente. Si les Européens avaient recours à la force, le Japon auraient été colonisés, comme d’autres pays voisins. Donc, après la restauration de Meiji en 1868, nous avons formé le gouvernement et une des premières tâches importantes du gouvernement a été d’envoyer de nombreux ministres en fonction et des jeunes cadres et étudiants à l’étranger pour apprendre la réalité de l’Europe ou des Etats Unis, et introduire leurs savoirs-faires, la technologie, les systèmes avancés pour construire le pays.
Le Japon a invité de nombreux ingénieurs étrangers pour former notre jeunesse et apprendre leur technologie avancée. L’éducation que ces enfants avaient reçue lors de la période féodale a certainement contribué à la compréhension rapide de ce qui se passe à l’étranger et à l’identification des moyens pouvant être utilisés pour rattraper ce retard et au renforcement de la connaissance intellectuelle.
Notre propre expérience de cette époque a joué un rôle capital dans le développement de notre pays. Nous pensons que les pays en développement pourront tirer une leçon à partir de nos expériences, dont le Bénin qui n’a pas de ressources naturelles importantes comme le Japon. Voilà les idées principales et des raisons pour lesquelles le Japon attache une importance particulière au développement des ressources humaines, dans le cadre de la coopération japonaise au Bénin.
Quel est le contenu du programme des activités culturelles ?
Nous n’avons pas de capacités matérielles et humaines pour lancer des activités culturelles de grandes envergures. Mais nous considérons que les échanges culturels sont très importants et constituent un moteur pour mieux connaitre les peuples. La compréhension mutuelle favorise la création du monde pacifique.
Grâce aux efforts du personnel de l’Ambassade et de certaines personnes qui ont déjà certaine connaissance sur la culture japonaise, quelques projets culturels ont été réalisés. Nous avons fait l’exposition des poupées japonaises, réalisée l’année dernière grâce au concours de l’Institut Français. Nous avons reçu de nombreux visiteurs à cette exposition.
Sachez que la fabrication de poupées a une longue tradition au Japon, et les poupées font partie de la vie japonaise. Le 3 mars, par exemple, est la journée de la jeune fille au Japon, et c’est en moment que les parents souhaitent le bonheur et la longévité à leurs filles en exposant des poupées pour elles. A part cette exposition, nous avons réalisé quelques séances de projection de films japonais, ceci en collaboration avec certaines organisations telles que IFE, qui donne les cours de l’apprentissage de la langue japonaise à Cotonou.
Au niveau de notre Ambassade, nous avons des DVD sur la culture japonaise et nous avons déjà fait quelques projections de ces DVD lors de l’inauguration des salles de classes réalisées pour montrer les aspects culturels du Japon et la vie des élèves japonais. Nous avons aussi reçu les spécialistes de pliage de papier, appelé le ORIGAMI, qui est une spécialité du Japon. C’est une pratique qui permet de fabriquer des objets comme les bateaux, les animaux, les armures, etc, en pliant le papier sans couper.
Parlez-nous un peu du projet de l’aide aux microprojets culturels…
L’Ambassade dispose de moyens de financement pour des projets dans deux domaines. Le premier est par exemple pour la construction d’infrastructures scolaires, la réhabilitation des centres de santé ou l’acquisition d’équipements et le second concerne le domaine culturel et sportif. Avec le gouvernement béninois, nous avons conclu un accord d’introduction de l’appui culturel et sportif en décembre dernier.
Ce volet de coopération permet d’offrir des instruments musicaux, de réhabiliter des salles pour les artistes, ou la fourniture des équipements sportifs. C’est toujours à travers les ONGs que nous réalisons ces projets. Comme ce système a été nouvellement introduit au Bénin, nous n’avons pas encore des cas concrets mais je souhaite que ces informations soient partagées d’abord avec les journalistes et diffusées aux différentes ONG parce que ça permet d’étendre leurs activités.
A quoi sert alors l’accompagnement du Japon aux populations à la base ?
L’un des objectifs majeurs de notre coopération de petite taille est d’atteindre aussi largement que possible la population de base. C’est un système pour soutenir les populations de façon directe et non par l’intermédiaire du gouvernement. Nous souhaitons qu’au-delà de ce que nous faisons avec le gouvernement, notre coopération de petite taille soutienne directement les populations de base.
Nous comprenons qu’il y a de nombreuses organisations non gouvernementales qui travaillent en faveur des populations. Et c’est aussi pour soutenir les efforts de ces ONG qui sont en contact permanent avec la population de base et qui travaillent bénévolement. C’est important pour le gouvernement japonais de disposer des moyens pour soutenir les activités de ces ONGs.
Nous avons déjà fait l’expérience avec une trentaine d’Ongs qui ont bénéficié de cet appui. Récemment, nous avons signé deux contrats dans le domaine de la santé avec l’Ong Béthesda et l’Association Médico-Sociale de Ménontin. Même un groupement des maraichers a bénéficié de ce financement pour l’acquisition d’équipements de maraichage.
Avez-vous fait une étude pour savoir l’impact de ces différents financements sur les populations à la base ?
Pour vérifier l’impact, nous demandons à l’Ong bénéficiaire de nous présenter des rapports périodiques et le rapport d’audit fait par l’institution indépendante. La plupart des rapports sont positifs.
Est-ce que l’aide alimentaire japonaise au Bénin va continuer ?
Nous examinons au coup par coup pour voir s’il y a des déficits au niveau de la production, consommation, exportation et importation alimentaire. Nous demandons au gouvernement bénéficiaire de nous présenter la requête avec des données statistiques pour évaluer si ce besoin existe réellement.
Comment vous gérez alors les contentieux liés à cette aide-là ?
Nous avons une commission qui se charge du projet d’aide alimentaire. Nous exigeons dans le cas de l’aide alimentaire de déposer un fonds de contrepartie et nous demandons un rapport périodique de la gestion de l’aide. En plus, nous nous réunissons pour discuter de l’état d’avancement des choses. Donc, nous prenons toutes ces précautions, pour éviter des situations qui pourraient compromettre la coopération entre les deux pays.
A combien pouvez-vous évaluer alors la coopération bénino-Nippone à l’Homel dans le domaine de la santé ?
Le montant que le Japon a accordé au projet de l’HOMEL est évalué à environ six milliards de franc Cfa. En ce montant, le Japon a réalisé la construction des blocs sanitaires de traitement, d’hospitalisation et d’accouchement. L’acquisition des équipements médicaux a été également financée.
En plus de ce montant que j’ai cité, le Japon envoie des volontaires japonais et des experts dans le domaine de la santé à l’hopital. Cela montre que le Japon attache une importance à la santé des enfants et des mères béninoises car la réduction du taux de mortalité des enfants est un engagement pour le Japon.
Au Japon, le taux de mortalité des enfants est très bas et je souhaite que cela soit ainsi pour les enfants béninois afin que la coopération puisse se réjouir des efforts faits dans ce domaine-là. Comme je l’avais dit tout à l’heure, la santé fait partie des trois domaines prioritaires de la coopération japonaise et nous allons continuer à étendre nos actions dans ce domaine. Nous avons eu des requêtes dans ce sens et nous souhaitons avoir une mission d’étude du Japon pour examiner la possibilité de la poursuite de coopération dans le domaine de la santé.
Nous constatons aujourd’hui que les entreprises japonaises sont carrément absentes du Bénin. Pourquoi ?
C’est vrai que les entreprises japonaises ne sont pas fortement représentées au Bénin. Pourtant, je pourrais citer, par exemple, la CFAO, qui était une société française, est devenue aujourd’hui comme une société japonaise. A travers cette société, les produits de marque TOYOTA, YAMAHA et les pneus Bridgestone sont commercialisés au Bénin. Il y a également des sociétés béninoises jouant comme une agence des sociétés japonaises comme RICOH, une société spécialisée dans la fabrication des copieuses, imprimantes et autres matériels informatiques.
En plus, nous recevons des visites des hommes d’affaires japonais qui cherchent des opportunités et c’est le cas de Yamaha-Motor qui travaille aussi dans le domaine de la purification de l’eau de surface. Dans le domaine de la santé, il y a des hôpitaux et des centres médicaux au Bénin qui utilisent des microscopes de l’OLYMPUS.
Donc, il y a des produits japonais qui sont très connus surtout pour leur qualité. J’ai un espoir, car l’Afrique se développe et l’émergence des classes moyennes des consommateurs africains est déjà tangible. Alors il va arriver que ces derniers choisissent non pas seulement au fonction des prix mais surtout au fonction de la qualité. Donc, si les consommateurs commencent par tenir compte des critères de qualité, ce qui est reconnu pour les produits japonais, je crois que ces produits vont s’ouvrir réellement au marché africain.
Même si les sociétés japonaises ne sont pas très présentes ici, je souhaiterais mentionner qu’il y a des sociétés japonaises qui achètent des produits béninois tels que le coton, le beurre de karité. Je connais au moins deux société qui importent ces produits béninois qu’ils transforment en produits fini. Pour le coton, c’est pour fabriquer des textiles et pour le beurre de karité, c’est pour fabriquer des cosmétiques pour les femmes.
Pourquoi le Japon n’intervient pas dans la réalisation des infrastructures routières ?
Pour le moment, la coopération japonaise au Bénin se fait sous forme de don. La réalisation des projets d’infrastructure tels que les routes, nécessite énormément d’argent qui n’est pas couvert par le don. Or, les projets d’infrastructures se font en général sous forme de prêt, sous forme de crédit.
Donc, en tenant compte de la capacité de remboursement des prêts et d’autres, le Japon se contente, pour le moment, de sa coopération avec le Bénin sous forme de don uniquement. C’est la raison pour laquelle le Japon n’intervient pas dans la réalisation des projets d’infrastructure de grande envergure. Je pourrais ajouter que le Japon examine toujours s’il y a des possibilités de revoir cette coopération sous forme de crédit pour le Bénin. Nous faisons toujours des études. Si la situation socioéconomique s’améliore, nous allons examiner.
Les projets d’infrastructures sous-régionales sont également une possibilité que nous pouvons examiner et qui pourrait nous intéresser. Ce n’est pas l’intervention pays par pays mais plutôt des projets régionaux et en ce moment-là, le gouvernement japonais examine de quelle manière il peut financer ces projets d’infrastructures au niveau régional. Tokyo examine la possibilité de financement aux projets qui permettent l’intégration régionale et le développement régional. Le problème est de savoir par quel moyen on peut financer. Est-ce à travers les structures financières régionales ou bien à travers les organisations régionales ? C’est un autre élément d’examen.
L’un des grands moments de la coopération entre le Japon et l’Afrique est la TICAD 5. Quelles sont les perspectives pour le Bénin ? Qu’est-ce que cette TICAD 5 rapporte au Bénin ?
La TICAD 5 comme vous le savez, est un forum au cours duquel les dirigeants, les leaders d’opinion, et les opérateurs dans divers domaines se rassemblent pour discuter du développement économique de l’Afrique toute entière. Dans ce cadre-là, nous l’avons déjà débattu en juin dernier à Yokohama en rassemblant plus de 4000 participants à ce processus. C’était la 5ème conférence de ce genre, ce qui signifie que nous avons déjà 20 ans de processus de la TICAD.
Nous déterminons et établissons une feuille de route du développement dans les domaines où nous intervenons. Les 4 et 5 mai prochains, nous allons organiser à Yaoundé, une première réunion ministérielle de TICAD 5. Là, nous allons faire le suivi de ce que nous avons débattu en juin dernier à Yokohama.
Durant la TICAD V, le Japon a annoncé sa volonté de soutenir le développement du continent africain en contribuant pour les 5 prochaines années aux alentours de 32 milliards de dollars. 14 milliards de dollar seront offerts sous forme d’aide publique au développement et les autres sous forme de participation du secteur privé ou de soutien pour les investisseurs japonais qui interviennent sur le marché africain.
A priori, la TICAD ne vise pas nécessairement la coopération pays par pays. Donc, c’est très difficile de prévoir comment le Bénin pourrait tirer profit de la TICAD 5. Ce n’est pas de cette manière qu’on voit les choses. Une fois qu’une feuille de route est établie durant la TICAD, notre coopération est orientée dans ce sens.
Donc, si le Bénin présente un projet qui rentre dans la droite ligne de la feuille de route, c’est sûr que ce projet sera examiné sérieusement. Voilà pour le moment tout ce que je pourrais dire. Mais toujours est-il que nous avons fixé trois domaines prioritaires de coopération vis-à-vis du Bénin. Nous travaillons en tenant compte de l’engagement que le Japon a fait durant la TICAD 5 et aussi en tenant compte de notre axe prioritaire afin de renforcer davantage notre coopération avec le Bénin.
Qu’en est-il de la visite annoncée du premier ministre japonais au Bénin ?
Je voudrais commencer par vous dire que le premier ministre du Japon n’a pas annoncé la visite au Bénin. Nous avons examiné la possibilité quand nous avons reçu l’invitation du président de la République du Bénin, Boni Yayi. L’examen a révélé que ce n’est pas possible.
Car, il faut bien que des critères soient remplis avant que notre avion officiel pour les déplacements de notre Premier Ministre puisse atterrir quelque part. L’avion officiel est géré par notre agence d’autodéfense qui a ses propres critères techniques pour opération. Et là-bas, ils ont leurs propres critères techniques. D’après l’examen, il s’est avéré que l’aéroport de Cotonou ne remplissait pas certaines exigences techniques pour l’opération de notre avion officiel.
Pourquoi l’année a-t-elle été déficitaire au Japon ? Est-ce à cause des catastrophes qui sont survenues ?
Je crois que vous mentionnez les balances commerciales du Japon. Alors, pour ce qui est de la balance commerciale, il y a longtemps que le Japon est un pays excédentaire. Mais en 2011, cette année coïncide avec celle où il y a eu ces grandes catastrophes naturelles (tremblement de terre suivi de tsunami) qui ont causé beaucoup de dégâts matériels et de pertes humaines.
A partir donc de 2011, la balance commerciale est devenue déficitaire. Par contre, je dirais que la balance des comptes qui tient aussi compte des flux des investissements et des redevances ou d’autres, reste toujours excédentaire. J’avoue que bien avant qu’il n’y ait eu ces catastrophes, l’excédent de la balance commerciale du Japon commençait à diminuer. Mais cela n’empêche pas de reconnaitre que les catastrophes ont joué un rôle important dans le déficit de la balance commerciale du Japon. Car, surtout sur la production de l’électricité, les centrales nucléaires fournissaient un tiers de la production d’électricité au Japon.
Avant l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima, nous avions 54 réacteurs nucléaires. Après l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi, nous avons pris des mesures très strictes pour la sécurité. Avant que les réacteurs ne redémarrent, il faut faire l’examen de stress.
Après l’examen de stress positif, nous demandons l’accord de la population riveraine. Actuellement au Japon, il n’y a aucun réacteur nucléaire qui soit en opération. Qu’avons-nous donc fait pour combler ce déficit d’électricité ? Au début, le gouvernement et les opérateurs d’électricité ont demandé à la population d’économiser l’énergie électrique.
Dans les maisons, au lieu d’allumer 5 lampes, les populations sont tenues d’allumer deux ou trois au maximum par exemple. Et au niveau des gros consommateurs d’électricité, surtout les usines, il a été demandé que l’utilisation de l’électricité soit étalée. Car les week-ends, les nombreuses usines ferment et l’utilisation de l’électricité baisse. Et la tension de l’électricité baisse.
Travailler les samedis et dimanches et reposer les mardis et mercredis par exemple. Ce qui a été fait et qui permet pour le moment de fournir suffisamment d’électricité au peuple japonais avec l’utilisation maximale des centrales thermiques. Cela alourdit la facture pétrolière comme le Japon importe presque à 100% sa consommation en pétrole.
Ce qui devient aussi coûteux quand le prix du pétrole monte. Mais il faut reconnaitre que la facture pétrolière n’est un élément parmi d’autres. D’autres éléments comme la situation économique générale du monde, l’exportation des produits japonais vers d’autres pays, la fluctuation de taux de change pour ne citer que ceux là, expliquent aussi la balance commerciale déficitaire du Japon pour ces trois dernières années. Grâce aux efforts du gouvernement japonais, il y a quelques signes de la reprise de l’activité économique. Cela pourrait d’ici quelques années donner de répercussion sur la balance commerciale.
Avec ces difficultés, beaucoup s’attendent à ce que le Japon réduise ses champs de coopération. Mais c’est tout le contraire. Comment expliquez-vous cela ?
La raison pour laquelle le Japon n’a pas baissé son niveau de coopération malgré les difficultés, est que le Japon a été, dans le passé, soutenu par la communauté internationale. Surtout après la deuxième guerre mondiale où le Japon est redevenu un pays en développement. Pour se développer, nous avons reçu beaucoup de soutien financier et moral de la part de la communauté internationale.
Les Américains et les Européens nous ont aidés, et même la Banque Mondiale nous a prêté de l’argent. Ce n’est que dans les années 90 que nous avons pu rembourser la totalité de nos dettes. Et également nous avons besoin du soutien de la communauté internationale dans divers domaines. Nous obtenons toujours le soutien des amis pour des actions sur la scène internationale.
En plus, le Japon est un pays qui tient toujours la parole donnée et nous tenons toujours à cette réputation. Je pense que sans le développement des pays en développement, il n’y aura pas de prospérité du monde entier, ni de la prospérité du Japon. Donc c’est important pour nous de continuer notre coopération vis-à-vis des pays en développement qui sont pour la plupart des pays amis ou qui nous fournissent de matières premières nécessaires à notre économie.
En plus, l’expérience des catastrophes montre combien nous avons été soutenus par nos amis du monde entier. Nous avons reçu la solidarité, le soutien financier, matériel et moral chaleureux de la part de la communauté internationale.
Le Bénin aussi nous a beaucoup soutenus et le gouvernement béninois nous a envoyé une aide financière, de même que des particuliers qui ont contribué à travers une campagne. La Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ainsi que la Croix-Rouge Béninoise nous a aussi aidé. Ce qui nous a beaucoup encouragé est ce sentiment ressenti à notre égard, en ce moment de détresse où nous avons été battus par la puissance de la nature et où nous avons perdu 18 mille personnes en un coup.
C’était une expérience très difficile à vivre. Le moral des hommes japonais et des femmes japonaises était complètement bas. C’était difficile d’imaginer que nous pouvons relever la tête après cette catastrophe. Mais en même temps, nous avons compris que nous n’étions pas seuls. A côté de nous, nous avons su que des amis du monde entier, des Béninois, des Africains, des Européens, des Asiatiques, des Américains, nous soutenaient chaleureusement.
C’est donc cette prise de conscience que nous étions soutenus, qui nous a rehaussé notre moral, et qui nous a donné le courage de surmonter cette difficulté. Il y a certe beaucoup de défis que nous devons relever et un long chemin à parcourir pour effacer définitivement le trace de cette catastrophe de notre mémoire, mais le plus important est que nous avons retrouvé le moral. C’est grâce à vous que nous y sommes parvenus.
Qu’en est-il du jugement sur la consommation des baleines qui frappe le Japon ?
Sur cette question, il faut que j’apporte quelques éclaircissements. D’abord, c’est la Cour Internationale de Justice qui a fait le jugement. Et ce n’est pas à l’unanimité que ce verdict a été pris. En plus, ce n’est pas contre la consommation des baleines que cela a été fait. Le jugement a été fait sur la façon que le Japon utilisait pour faire la recherche scientifique des balaines dans l’Antarctique. Dans la convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine, il y a deux volets.
Il s’agit des volets de protection et d’exploitation. Au niveau de la Commission Baleinière Internationale, normalement on devrait examiner les moyens de protéger les espèces des baleines qui sont en danger de disparition et les méthodes d’exploiter raisonnablement les espèces des baleines qui ne sont pas en danger. Il y a à peu près 80 espèces de baleines au monde.
Il y en a qui sont menacées et qu’il faut être protégees, car certaines espèces sont en voie de disparition déjà. Pour les autres espèces qui sont en croissance, elles peuvent être exploitées d’une manière raisonable en permettant leur reproduction. Donc, nous pensons que la Commission Baleinière Internationale devrait examiner la possibilité d’introduire un quota pour certaines espèces de baleines exploitables. Aujourd’hui, il y a un dysfonctionnement et la discussion sur l’exploitation n’est plus possible.
Pourtant la CBI accepte les activités de recherche et elles sont nécessaires pour avoir des données scientifiques car sans avoir des statistiques exactes, on ne peut pas avoir des discussions sur la nécessité de protection et l’exploitabilité des baleines. Le jugement était fait sur la façon dont le Japon exécutait ses recherches. Le Japon regrette ce jugement mais en tant que pays de droit, nous respectons ce jugement et nous allons examiner d’ajuster nos activités de recherche en tenant compte de ce jugement.
On voit rarement le Japon sur le théâtre des opérations de maintien de la paix dans le monde. Quelles en sont les raisons ?
Le Japon n’est pas réticent pour la participation à des operations de maintien de la paix. Au contraire, Il souhaite jouer un rôle important dans ce domaine. D’ailleurs durant la TICAD, un des thèmes majeurs a porté sur le maintien de la paix et de la stabilité en Afrique et il y contribue énormément. Il faut admettre que ses actions ne sont pas très visibles, si on les compare par exemple avec la présence française, américaine et autre dans ce domaine.
A vrai dire, le Japon participe très activement aux opérations de maintien de la paix à partir de l’année 1992, et nous avons participé aux 14 opérations de maintien de la paix des Nations Unies et nos agents des forces d’autodéfense déployés jusqu’en octobre 2013 ont atteint 9.000. Nous déployons, par exemple, environs 350 agents d’autodéfense au Soudan du Sud. Pourquoi en 1992, parce qu’au Japon, il n’y avait pas de loi qui permettait d’envoyer les agents d’autodéfense à l’étranger.
Après la fin de la 2ème guerre mondiale, le Japon a adopté une nouvelle constitution dans laquelle, il était dit dans un article que le Japon ne dispose pas de forces armées afin de résoudre des conflits internationaux. C’est en 1992 que le Japon a adopté la loi qui permet que nos agents puissent participer aux activités de maintien de la paix dans le cadre des Nations Unies.
Mais même avant 1992, par des moyens de contribution financière le Japon intervenait activement. Au moment de la guerre de Golf en 1990, le Japon a énormément financé pour les opérations dans le cadre des Nations Unies. Pour les frais de maintien de la paix, le Japon contribue de 10 à 12%. Ce centre abritera de nombreux stagiaires de la région et nous continuerons ce genre de coopération dans dix centres qui se trouvent en Afrique.
S’il vous était demandé de conclure cet entretien, que diriez – vous ?
Je considère les Béninois sympathiques. Je m’attache au Bénin par la ressemblance entre nos deux pays et nos deux peuples. Et les valeurs que nous partageons ensemble, ça nous attire. Je souhaite élargir notre intervention de coopération et renforcer nos relations d’amitié dans divers domaines.
Que ce soient les coopérations gouvernement–gouvernement ou avec les organisations non gouvernementales, avec la presse, avec les milieux culturels et même avec les gens de la rue. Je souhaite travailler pour tisser les liens amicaux entre nos deux peuples et que l’échange entre les personnes s’accroissent.