Ainsi donc, le Chef de l’Etat intervient directement dans la gestion des entreprises publiques. La révélation en a été faite par lui-même lors de la rencontre qu’il a eue avec le conseil communal de Calavi, rencontre au cours de laquelle il a cru bien faire en avouant avoir appelé directement le directeur général de la SOBEMAP pour arrêter une procédure d’appel d’offre qu’il estime biaisée.« Je l’ai sommé au téléphone de revenir sur sa décision et de se conformer aux instructions du gouvernement s’il ne veut pas avoir des problèmes avec moi,puis j’ai raccroché », a-t-il affirmé devant le conseil communal de Calavi.Dans les textes en vigueur chez nous, le Président de la République n’a pas de rôle à jouer dans la gestion directe des entreprises d’Etat. Tout au plus, a-t-il une prérogative de nomination, encore que, depuis toujours, chaque nomination est présentée comme étant proposée par le ministre de tutelle. Mais ici, c’est à visage découvert que Boni Yayi vient dire qu’en dehors de ce pouvoir, il s’ingère au quotidien dans la gestion de ces patrimoines qui appartiennent à la communauté. C’est grave. D’autant plus grave qu’il existe dans toutes ces entreprises des directions chargées de l’audit interne et dont le rôle est précisément d’éviter les dérapages éventuels>
Mieux, les ministères de tutelle disposent d’inspections générales qui ont des pouvoirs étendus de contrôle qui les obligent à intervenir dans les entreprises pour empêcher d’éventuels dysfonctionnements. Si tous ces leviers s’avèrent inutiles ou défaillants, il y a au moins les conseils d’administration composés de personnalités averties et jouant un rôle de contrôle que personne ne peut leur nier. Il y a également les ministres qui ont un pouvoir de nomination, de suspension et de limogeage clairement défini. Si tout cela ne satisfait pas le Chef de l’Etat, il peut toujours faire recours à l’Inspection générale d’Etat comme il en a eu l’habitude depuis l’avènement de son régime. Cela lui épargnerait bien des précipitations et des égarements.
Mais alors, d’où vient le pouvoir du Chef de l’Etat au sein des entreprises publiques ? Que cherche-t-il en brûlant la politesse à toutes ces structures existantes pour donner des instructions téléphoniques à des directeurs généraux de sociétés dont la gestion devrait être frappée du sceau de la qualité ? Je continue de m’interroger sur les qualités d’économistes de notre Président. Ses règles de fonctionnement à lui ne respectent aucune norme, aucun principe, aucune règle. Le plus curieux, c’est que dans cette cacophonie qu’il a instaurée lui-même, il se plaint des piètres performances des sociétés publiques. Transformées en officines politiques, elles servent à tout, sauf à la performance. Ce sont des épouvantails que l’on utilise pour satisfaire les copains et entretenir la clientèle électorale.
Que dire des procédures de passations des marchés publics ? Avec ce que Boni Yayi a lui-même révélé ce samedi, elles ne valent rien face à sa capacité d’intervention pour renverser les règles et imposer depuis le palais ce qui lui plait, à lui et à ses hommes. Un exemple parmi des milliers d’autres : la route Godomey-Pahou en construction depuis plus de trois ans. C’est en pleine procédure de passation de ce marché que le couperet est tombé depuis la présidence de la république pour imposer une entreprise chinoise, aux dépens des entreprises béninoises qui ont soumissionné à grands frais. La suite, on la connait. Pour le réaménagement de 16kilomètres de voies, il a fallu trois ans et un calvaire quotidien imposé aux usagers. Et le calvaire continue, pour combien de temps encore, on ne sait.
Nous voici plongés dans une gouvernance où les règles les plus élémentaires de gestion ne valent rien tant que le premier d’entre nous n’a pas attrapé une nouvelle lubie. Et c’est dans cette ambiance ubuesque que l’on nomme un certain Michel Dognon venu des Etats-Unis pour servir à conseiller les entreprises et offices publics. Tout en lui souhaitant bonne chance, on ne peut que lui demander d’exiger une chose, et une seule du Chef de l’Etat : qu’il cesse de s’ingérer dans la gestion des entreprises publiques.