Les femmes rurales de Sèmè, dans l’arrondissement d’Akiza, commune de Zogbodomey, se battent pour obtenir au prix du travail, leur autonomisation sur le plan financier. Réunies au sein du groupement féminin ‘’Sonagnon’’, elles pérennisent l’initiative du roi Guézo en produisant de l’huile de palme avec leurs moyens du bord.
Regroupées au sein de l’association ‘’Sonagnon’’, ces femmes transforment les noix de palme en huile rouge, un produit de grande consommation. « La fabrication artisanale de l’huile de palme est une épreuve de longue haleine. Elle nécessite une grande consommation en eau et en énergie », déclare Ruth Awadé, présidente de ‘’ Sonagnon’’. Pour régler la question d’eau liée à la production de l’huile de palme, les femmes du groupement ‘’ Sonagnon’’ de Sèmè ont installé leur « Industrie artisanale » au bord d’un point d’eau. « Pour obtenir l’huile de palme, il faut d’abord disposer de la matière première.
C’est-à-dire des noix de palme », laisse entendre dame Ruth Awadé. Elles sont généralement achetées auprès des paysans au prix de 225f le kilogramme.
Ce prix n’est souvent pas stable. Il évolue en fonction du marché. Les noix collectées ça et là sont ensuite rassemblées dans un grand récipient (généralement des fûts). Le tout est donc porté à ébullition pendant deux heures de temps environ. Après cuisson à point, il s’ensuit un long refroidissement qui peut durer jusqu’à sept jours.
Les noix de palmes bouillies et refroidies, sont ensuite versées dans un grand bassin aménagé pour la circonstance. A cette étape, intervient l’action des hommes appelés en renfort pour aider les femmes dans leur besogne. Il s’agit en fait d’une action ponctuelle rémunérée. Selon les confidences faites par dame Micheline Guidihoun, les hommes pétrissent les noix à l’aide de leurs pieds préalablement lavés. Cette opération délicate permet de débarrasser les noix à l’aide de leurs pieds préalablement lavés. Une fois cette étape achevée, les femmes de ‘’ Sonagnon’’ procèdent alors à la trituration.
A en croire la présidente de ‘’ Sonagnon’’, cette opération consiste à tremper les noix de palme pétries dans une importante quantité d’eau, en vue de séparer les tourteaux des noix palmistes. L’eau apparemment boueuse qui résulte de l’opération de trituration, subie ensuite le battage. Il apparaît en surface de fines couches mousseuses d’huile. Ce produit brut récupéré délicatement avec les deux mains, est versé dans un récipient.
La dernière ligne droite pour l’obtention de l’huile de palme est ainsi enclenchée. Pendant environ trente minutes (selon la quantité), le produit brut récupéré est porté légèrement à ébullition. Au bout de cette cuisson, on obtient l’huile rouge proprement dite. Ce produit définitif est enfin conservé dans des cuves appropriées.
La production
Le rendement de la production est souvent aléatoire. Il est le plus souvent lié aux moyens financiers engagés et surtout aux aléas climatiques. Pendant la saison sèche, la production de l’huile rouge est florissante. C’est en fait le moment où les palmiers sont généreux. Ils produisent abondamment et permettent aux femmes d’augmenter leur productivité.
Au cours de la saison sèche et compte tenu de ses disponibilités financières, le groupement féminin ‘’ Sonagnon’’ de Sèmè peut produire jusqu’à 200 litres d’huile de palme en deux semaines. En revanche, cette productivité peut chuter jusqu’à 100 litres au cours de la saison des pluies.
La commercialisation et la conservation
Selon dame Micheline Guidihoun, présidente du groupement féminin‘’ Sonagnon’’, la grande partie de l’huile rouge produite à Sèmè est vendue dans les marchés. Les principaux clients de cette industrie de production artisanale d’huile de palme viennent en effet de Sékou, Cotonou, Abomey, Houègbo, Agbangnizoun…
Les prix de cession pratiqués suivent les règles du marché. Lorsque le marché est saturé, le produit perd de la valeur et les femmes de ‘’ Sonagnon’’ préfèrent purement et simplement conserver leur production. A cet effet, elles font la chasse aux fûts.
A Sèmè, en attendant la normalisation de la situation sur le marché, l’huile rouge est conservée dans des fûts soigneusement rangés dans un magasin d’une capacité de trente tonnes offert par un fils du village. Et pour traverser sans grands ennuis la période de soudure créée par la situation du marché, les femmes de Sèmè s’adonnent à l’agriculture ou à la commercialisation des céréales.
Outre l’huile, les femmes du groupement ‘’ Sonagnon’’ accordent aussi une importance particulière aux produits dérivés. Les tourteaux par exemple sont très prisés pour leur apport énergétique. Ils permettent en effet de limiter l’usage abusif du bois de chauffe dans les foyers. C’est bien une manière pour ces vaillantes femmes d’apporter leur contribution à la préservation du couvert végétal.
L’huile de palme et les rituels traditionnels
L’huile rouge, malgré son utilité dans l’organisme, sa consommation est formellement déconseillée à certains individus qui incarnent l’esprit de la divinité ‘’Mamie’’. « Je n’ai jamais goûté depuis ma tendre enfance l’huile rouge » témoigne la femme de Blomakpon, prêtre du fétiche Thron. Il en est de même pour tous les adeptes des divinités ‘’Lissa’’, ‘’Dan’’, ou tout autre divinité provenant de la mer.
En cas de violation de cette interdiction, les concernés en courent les risques de leurs actes. Ils perdent généralement leur bonheur et au pire des cas, leur vie. Pendant qu’il est interdit à ces divinités d’en utiliser, d’autres par contre en ont besoin pour être plus efficaces. Il s’agit donc des divinités ‘’Sakpata’’, ‘’ogou’’, ‘’Lègba’’ et Hoxo’’. Elles retrouvent leur plein pouvoir dans l’huile rouge.