Cotonou - Le président béninois Thomas Boni Yayi a annoncé accorder son pardon à l’homme d’affaire Patrice Talon, accusé d’avoir fomenté un complot en 2012 pour l’éliminer et d’avoir préparé un coup d’Etat en février 2013, et à tous ses complices présumés.
Cette annonce marque la fin d’une longue saga judiciaire, qui avait débuté en octobre 2012 avec la rocambolesque affaire de tentative d’empoisonnement du chef de l’Etat, impliquant notamment la propre nièce et collaboratrice de M. Boni Yayi et son médecin personnel.
"Ce pardon s’adresse à messieurs Patrice Talon, Boco Olivier et à tous les détenus impliqués dans les dossiers d’association de malfaiteurs et de tentative d’assassinat par empoisonnement du Président de la République d’une part, et d’attentat à la sûreté de l’Etat, d’autre part" a déclaré M. Boni Yayi mercredi soir lors d’une intervention à la télévision béninoise.
M. Boni Yayi a par conséquent demandé au système judiciaire béninois "de rendre la liberté à tous les détenus et garantir à tous la liberté de circulation aussi bien dans notre pays que dans le reste du monde".
Dans son intervention télévisée, M. Boni Yayi a dit avoir pris cette décision suite à une médiation menée par l’ancien président sénégalais Abdou Diouf, à l’initiative du président français François Hollande, à l’issue de laquelle M. Talon a exprimé "ses regrets".
Longtemps proche de M. Boni Yayi, dont il a financé les deux dernières campagnes présidentielles, incontournable dans les secteurs clés du coton et du port de Cotonou, Patrice Talon, un Béninois de 55 ans, avait été accusé d’être le cerveau d’une tentative d’empoisonnement du président, et d’être impliqué dans une d’attentat à la sûreté de l’Etat en février 2013.
A l’époque, il était déjà poursuivi au Bénin dans plusieurs affaires de malversations et avait fui le pays.
Pour les uns, l’affaire Talon est une machination visant à écarter un allié devenu trop dangereux pour le pouvoir. Pour les autres, c’est un coup monté par un puissant homme d’affaires pour se venger d’un chef d’Etat qui a décidé de lutter contre la corruption et l’enrichissement illicite.
Le 23 octobre 2012, Mudjaidou Soumanou, ex-ministre du Commerce et de l’Industrie, Ibrahim Mama Cisse, le médecin du président, et Zoubérath Kora-Séké, une nièce employée à la présidence, étaient inculpés pour avoir eu l’intention de faire ingérer à M. Boni Yayi des médicaments mortels à la place des anti-douleur qu’il prend habituellement, en échange d’un importante somme d’argent.
Au coeur du complot criminel: M. Talon, qui aurait profité d’un voyage du président à Bruxelles, quelques jours plus tôt, pour s’entretenir avec Mme Kora-Séké, qui faisait partie de la délégation présidentielle.
Prise de remords, c’est Mme Kora-Séké qui aurait fait échouer le plan criminel, en en parlant à des proches.
Quelques jours plus tard, Bachirou Adjani, un garde du corps de M. Boni Yayi, avait été arrêté dans la même affaire.
En février 2013, les autorités béninoises affirmaient avoir déjoué une tentative de coup d’Etat.
Le colonel Pamphile Zomahoun et l’homme d’affaires Johannes Dagnon --un cousin de M. Talon-- étaient alors arrêtés pour "tentative d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat" béninois, et M. Talon était cité comme l’instigateur de ce nouveau complot.
Arrêté en France en décembre 2012 puis laissé en liberté sous contrôle judiciaire, M. Talon était sous le coup d’une demande d’extradition, finalement refusée par la France en décembre 2013.
Entre temps, au Bénin, un non-lieu avait été prononcé en mai 2013, puis confirmé par la cour d’appel de Cotonou pour ces deux affaires.
Angelo Houssou, le juge qui avait ordonné un non-lieu général, avait été arrêté le jour-même de l’annonce de sa décision, alors qu’il tentait de quitter le pays par la frontière nigériane.
Placé sous surveillance par les autorités, il était tout de même parvenu à fuir le Bénin pour les Etats-Unis, où il avait demandé l’asile politique.
Dernier rebondissement, au début du mois: la Cour Suprême avait cassé ces jugements, confirmant ainsi le maintient des poursuites à l’encontre des six prévenus incarcérés au Bénin.
Ces six prévenus devraient donc retrouver la liberté rapidement, à la suite du pardon accordé par le chef de l’Etat.
Les poursuites sont aussi abandonnées contre l’homme d’affaires Olivier Boco, un proche collaborateur de M. Talon qui se trouve à l’étranger et contre lequel un mandat d’arrêt international avait été délivré.