Pour l’un ou l’autre, ce sont forcément des personnes intelligentes. Mais l’intelligence au service de l’iniquité existe aussi. Et, on peut être un intellectuel et être un salaud. C’est ainsi, on n’y peut rien. La belle, on la connaît, on l’a vue à l’œuvre sous d’autres cieux, mais les règles de jeu ont changé. La brute est sortie de nulle part avec une seule mission, servir. La justice béninoise tangue entre farce et tragédie, entre raillerie et humiliation.
Circulez, il n’y a rien à voir. Nommée ministre de la justice dans un pays sans justice, Reckyou Madougou est venue embellir l’image d’une justice pacotille qui broie les lois. Or, dans son livre intitulé mon combat pour la parole, rangé sur les tablettes arrière des librairies, elle a pourtant dénoncé toutes les dérives dont est victime le peuple aujourd’hui. Des enfants sont privés de leurs pères, des femmes de leurs maris pour le plaisir d’un homme. Tous les prétextes sont bons pour ranger des personnes gênantes derrière les barreaux. Quand le pouvoir est pris à défaut, il crée une commission d’enquête, quand un opposant rate un tournant, on l’envoie en prison. Avec son avènement à la tête du ministère de la justice, arrive la renaissance des prisons ténébreuses, prison civile de Kandi, de Parakou et de Ségbana.
Codifiée au logiciel du changement et de la refondation, elle a perdu la lucidité de sa réflexion et le lyrisme de son verbe au profit d’une politique d’indignité. Son combat pour la liberté et le droit à la parole aurait duré le temps d’un feu de paille. Les facilités du pouvoir ont arraché la parole à celle qui devrait avoir de l’ambition pour elle-même et non pour un pouvoir médiocre et indigent. Évidemment, les grands principes s’effacent derrière les petits copinages, les petites combines, les petits intérêts.
Le combat pour la parole et la mobilisation citoyenne est incompatible avec l’exercice du pouvoir. Je l’avais pourtant prévenu. On se demandera encore longtemps pourquoi elle a lâché son étendard glorieux - le microcrédit – pour servir de tremplin à la vindicte rancunière de son chef et se retrouver au cœur du bourbier de la justice passionnelle et émotionnelle. Heureusement qu’elle ne tient pas la gâchette. Pour mettre en branle la machine, il fallait trouver un homme à tout faire, un domestique.
En effet, s’il y a quelque chose qui fait peur aux Béninois en matière de sécurité, d’intégrité physique ; ce n’est ni les coupeurs de routes, ni les vols à main armée, mais le procureur de la République - de quelle République d’ailleurs - Justin Sèyivi Gbènameto, une marionnette au service d’un pouvoir à la dérive. Pour accomplir les sales besognes du pouvoir, il n’y a pas de meilleur candidat. Il peut arrêter un syndicaliste ou la femme d’un député de l’opposition pour défaut d’assurance, mais ignore le cri de cœur du peuple face aux fonctionnaires véreux du ministère de la fonction publique. Quotidiennement, il outrepasse les lois qu’il devrait promouvoir. Les prétendus démarrages verbaux des opposants sont farouchement criminalisés, des organes de presse scellés, la police de la pensée aux mains de Philippe Houdegnon fait régner l’ordre des mots et des idées, tandis qu’elle absout généreusement les actes vraiment délictueux du pouvoir. Le dernier miracle du procureur est de transférer unilatéralement, des présumés putschistes dans des prisons de sinistres renommées « sans ordre ni décision du juge en charge de l’instruction qui avait placé les inculpés en détention préventive ».
Ce n’était pas son coup d’essai, Dr Cissé Ibrahim, accusé de tentatives d’empoisonnement aurait été extrait de sa cellule par la haute autorité militaire sans accord du juge d’instruction. Les faits sont têtus et la volonté de piétiner le peuple et les lois saute à l’œil. Après sept années d’errance, l’heure n’est pas toujours venue de s’attaquer aux défis énormes de notre pays. Le chèque délivré par Robert Dossou le 06 avril 2011 au peuple a toute sa signification aujourd’hui. La refondation a bien de la chance, elle peut emprisonner le peuple.