Dans leur plus grande majorité, les Béninois ont salué le vote par les députés, du code foncier au Bénin. Mais sur la qualité de ce code, les avis sont partagés. C'est du moins ce qui ressort d'une réunion interprofessionnelle des avocats, notaires, géomètres et architectes.
Pour mettre fin à la mascarade et aux injustices domaniales, les députés ont doté le Bénin d'un instrument juridique depuis le 14 janvier dernier. Alors qu'il ne se passe plus de jour où l'on ne voit, suite à une décision de justice, un bulldozer débarquer avec une horde d'hommes en uniforme, un huissier de justice pour la démolition de tel ou tel bâtiment, soit-il une habitation, un bureau, les députés ont décidé de jouer leur partition en initiant et en adoptant la loi 2013-01 portant code foncier en République du Bénin. Un texte qui, selon les parlementaires, pourra sauver les générations futures des mains de la mafia foncière qui sévit dans le pays. Plusieurs innovations sont donc à mettre à leur actif. L'article 14 de ce code prévoit une meilleure régulation de l'accès à la terre par les nationaux… une confirmation préalable des droits fonciers avant toute transaction… une flexibilité de la transaction des terres rurales nanties du certificat de propriété foncière… une limitation et un contrôle des superficies pouvant être acquises. De même, avant l'achat d'une superficie comprise entre 2 et 20 hectares il faut une approbation préalable du conseil communal avec l'appui d'un projet de mise en valeur à des fins agricoles, pastorales, sociales, industrielles, artisanales ou de préservation de l'environnement. De 21 à 100 hectares, il faudra l'approbation de l'Agence nationale du domaine et du foncier ; de 101 à 500 un arrêté ministériel, et au-delà de 500 hectares, une décision du conseil des ministres. Par ailleurs, cette loi reconnait le droit de préemption et le droit coutumier.
" Vigoureuse alerte "
Confusion terminologique et nouveaux concepts, maintien du dualisme du régime foncier, remise en cause de la sécurité foncière au Bénin et du caractère sacré et inviolable du droit de propriété…, ce sont en autres les observations faites par les membres de l'ordre des avocats du Bénin, de la Chambre Nationale des notaires du Bénin, de la Chambre Nationale des Huissiers de justice du Bénin, de la chambre Nationale des commissaires priseurs du Bénin, de l'Ordre des Géomètres Experts du Bénin, l'Ordre National des Architectes et des Urbanistes du Bénin. Réunis pour étudier la loi 2013 -01 du 14 Janvier 2013 votée par l'Assemblée Nationale du Bénin, ils ont rendu public un communiqué dans lequel ils estiment que le nouveau code crée des confusions de terminologies et de nouveaux concepts tout en maintenant le dualisme du régime foncier. Par conséquent, " les Ordres et Chambres professionnelles jugent nécessaire de rouvrir un débat professionnel, objectif et dépassionné pour faire en connaissance de cause, les choix opportuns d'une vraie réforme foncière qui ne peut être ni remise à demain ni sacrifiée sur l'hôtel de la précipitation…"
Application
A bien y voir, les observations faites par l'interprofession des avocats, notaires, géomètres et architectes porte sur des aspects techniques de ce code. Quand on sait que ledit code foncier est déjà presque à la dernière étape avant sa mise en vigueur, on peut bien s'interroger sur le sort qui sera réservé aux observations de l'interprofession et des moyens dont elle dispose pour se faire entendre. Car les députés procéderont ce lundi à l'adoption du projet de loi à l'Assemblée nationale en attendant qu'il ne soit promulgué par le chef de l'Etat. Il revient alors de se demander pourquoi les membres de l'interprofession ont attendu tout ce temps avant de se prononcer ? Les insuffisances notées dans la loi, ne risquent-elles pas d'entraver sa mise en application ? Car, on sait aussi qu'au Bénin, des lois sont parfois votées sans être jamais appliquées. Le Code foncier, qui pourtant revêt une importance capitale pour les populations, ne risque t-il pas le même sort?