La première session de la Cour d’assise d’Abomey a vidé, lundi 22 avril 2013 son 20ème dossier dans lequel Kpatchi Azonnon et Yéboudé Gomido sont poursuivis pour crime d’assassinat et complicité. Ils ont été défendus par un collège d’avocats : Maîtres Charlos Agossou et Victorien Fadé. La Cour qui a eu la mission de les juger est composée de : Jean Stanislas Sant ‘Ana (président), Antoine Eda Kendé et Kalifa Djiman (assesseurs), Norbertine Gbaguidi épouse Toglobéssé (greffier). Le fauteuil du ministère public était occupé par Solange Béhanzin.
Kpatchi Azonnon et Yéboudé Gomido ont comparu à la barre pour crime d’assassinat et complicité d’assassinat. Les faits qui leur sont reprochés remontent à 2007. En effet, Kpatchi Azonnon tombe amoureux de Dame Yéboudé Gomido, deuxième épouse de son grand-frère Vincent Azonnon qui entre temps l’avait accueilli auprès de lui au Nigéria pour l’aider à sortir de la précarité. Dans le but de faire aboutir à n’importe quel prix leur projet de mariage, Kpatchi Azonnon et la femme de son frère Yéboudé Gomido, montent ensemble une stratégie d’élimination physique de Vincent Azonnon. C’est ainsi que le 16 novembre 2007 aux environs de vingt heures, Kpatchi Azonnon invite son grand-frère Vincent Azonnon, à l’accompagner au champ en vue de la récolte de quelques tubercules alimentaires. Chemin faisant, Kpatchi Azonnon se positionne derrière son grand-frère Vincent Azonnon et, à l’aide de son coupe-coupe, lui assène trois coups successifs, respectivement au cou, au visage et au bras gauche. Vincent Azonnon s’écroule et rend l’âme. Après son inhumation à Kpévé dans la Commune de Toviklin au Bénin, les deux tourtereaux Kpatchi Azonnon et Yéboudé Gomido se rendent dans la localité de Tédjou au Togo pour y séjourner. Rattrapés en ces lieux et ramenés au village à Toviklin, Kpatchi Azonnon est passé aux aveux pendant que Dame Yéboudé Gomidé continuait de nier les faits. Les bulletins n°1 du casier judiciaire des accusés ne révèlent aucune condamnation antérieure. Les rapports d’expertise médico-psychologique et psychiatrique renseignent qu’ils ne sont pas mentalement malades au moment des faits. L’enquête de moralité est favorable à Yéboudé Gomido et moins favorable à Kpatchi Azonnon. A l’enquête préliminaire tout comme à l’instruction, l’accusé Kpatchi a avoué les faits. Mais à la barre, il a brusquement changé de version. « Qui a tué Vincent Azonnon ? », interroge le président de la Cour. « C’est mon oncle qui m’avait dit de déclarer à la gendarmerie que c’est Yéboudé Gomido qui m’a demandé de le tuer », répond Kpatchi Azonnon. « Mais qui l’a tué ? », insiste Jean Stanislas Sant’Ana. « Ce n’est pas moi », déclare l’accusé en soutenant tout au long de l’audition que c’est son oncle qui l’a induit en erreur. Le Président de la Cour va plus loin en donnant lecture de quelques extraits de sa déclaration à la Gendarmerie où il affirme ce qui suit : « C’est moi qui ai tué mon frère Vincent Azonnon parce que je suis tombé amoureux de sa femme Yéboudé Gomido. Pour faire aboutir mon projet, j’ai muri mes idées, apprêté mon coupe-coupe et le jour des faits, je lui ai asséné des coups dans le champ aux environs de 20heures ». Devant le magistrat-instructeur, il confirme ses propos. Quand bien même il a été soumis à une série d’interrogations, Kpacthi Azonnon n’a pas lâché la vérité. Quant à sa co-accusée, Yéboudé Gomido, elle n’a pas varié dans sa déposition depuis les autres étapes. Elle confie aux membres de la Cour qu’elle n’a été associé ni de prêt ni de loin à l’assassinat de son mari. Face aux différentes questions de la Cour qui parfois l’irritent, elle est restée constante.
Les réquisitions du ministère public
A l’entame de ses réquisitions, Solange Béhanzin, Avocat général, a rappelé le cinquième commandement de Dieu « Tu ne tueras point ». Elle ajoute que seul Dieu donne la vie et peut la retirer. Pourtant, Kpatchi Azonnon et Dame Yéboudé Gomido l’on fait. Puis rappelant les faits, il les apprécie à la lumière des dispositions des articles 58, 59,295 et 296 du code pénal pour faire asseoir la stratégie de Guet-apens et de préméditation. Dans son développement, il fait observer les trois éléments constitutifs de l’infraction. Il s’agit de l’élément matériel représenté par le trois coups portés à la victime, l’élément intentionnel qui est le guet-apens. Selon l’avocat général, Kpatchi Azonnon a avait bien l’intention de tuer son frère. L’acte légal ici est l’article 97 du Code pénal. Au vu de tout ce qui précède, Solange Béhanzin conclut que le crime d’assassinat est commis. Elle demande alors à la Cour de considérer la déposition de l’accusé fait aux étapes précédentes et de le rendre coupable des faits d’assassinat. En statuant sur le cas de la Dame, le ministère public est revenu sur les faits et constate que Yéboudé Gomido n’a pas nié les faits. Alors, il demande à la Cour de la condamner au même titre que son co-accusé. Cependant il plaide pour une circonstance atténuante compte tenu de sa bonne moralité. Il requiert contre Yéboudé Gomido 08ans de travaux forcés et 20 ans contre Kpatchi Azonnon.
Un dossier faible
La défense assuré par un tandem de deux avocats Charlos Agossou et Victorien Fadé a axé sa plaidoirie sur deux aspects à savoir : l’état d’âme des accusés et la faiblesse du dossier. Dans son exposé, Maître Charlos Agossou mentionne que Yéboudé Gomido s’est perdue dans ses propos parce qu’elle est encore sur le choc du décès de son mari. Aussi il relève les insuffisances et la légèreté avec laquelle le dossier est conduit. Il a donc fait allusion à l’absence des preuves concrètes. A l’en croire, on ne peut pas juger sur de simples déclarations. Son second, Maître Victorien Fadé abonde dans le même sens et déplore l’absence d’autopsie au dossier. En reconstituant les faits, il a demandé aux membres de la Cour de considérer la thèse du vol évoqué par l’accusé Kpatchi parce que l’argument selon lequel le crime a été commis la nuit dans un champ ne tient pas. Aussi il souhaite que les déclarations que Kpatchi Azonnon a faites à la barre soient prises en compte car, d’après l’Avocat, le mensonge constitue également une arme de défense. Etant en faute, il a le droite de se défendre. S’agissant des liens qui lient Kpatchi et Yéboudé, Victorien Fadé estime qu’ils sont scellés bien après la mort de Vincent Azonnon. Suite à ces constats, la défense demande à la Cour de libérer leurs clients. La Cour, présidée par Jean Stanislas Sant’Ana, après en avoir délibéré, rend coupable Kpatchi Azonnon des faits d’assassinat et le condamne à des peines de travaux à perpétuité et acquitte purement et simplement Yéboudé Gomido au bénéfice du doute. Donc elle doit regagner sa famille.